Juillet 99.
Qu'est-ce donc que la Justice ? C'est l'égalité ! La justice absolue, c'est l'égalité absolue. La liberté n'est que la nécessaire concession faite à la passion, concession sans laquelle l'être humain étouffe et ne peut être qu'un "robot"... Car il ne faut pas oublier que la contingence de l'existence humaine ne peut fixer comme but à l'humanité que la seule et unique recherche du bonheur : quel bonheur trouverait-on dans une vie réglementée par le pouvoir absolu de la Raison ? Mais comme le bonheur doit être celui de l'humanité toute entière, il est nécessaire que le système politique soit fait de telle manière qu'il permette à chaque être humain de s'épanouir pleinement pour tendre et aspirer librement au bonheur, pour pouvoir y avoir accès. La liberté ôte sa rigidité et le caractère conformiste et "totalitaire" d'une égalité absolue.

Juillet 99.
Doit-on accorder ses idées avec son tempérament, avec ses pulsions ou ses sentiments ? Il semble important de comprendre que l'idée politique, bien que propre à l'homme, est complètement détachée de l'homme. Elle se réfère à la notion de Justice, qui est indépendante de la nature de l'homme, raison exclue. L'homme est un être abject, passionnément individualiste, amateur d'horreur et d'illusions, et cette vérité ne peut entrer en compte dans la recherche des idées.
Il existe en l'homme ce rapport dialectique qui fait qu'il est à la fois un être animal pétri d'immonde, et un être qui recherche un remède à cet immonde par l'usage de la raison. L'homme est vil, certes, mais ce qui fait sa grandeur, c'est qu'il a conscience de cette vilenie et de ce qu'elle entraîne, qu'il la condamne et la rejette dans l'immoralité, et que par là il place la Justice au-dessus de sa nature. L'idée politique est elle-même un médicament prescrit par la conscience. Car cette conscience, non seulement existe, mais peut parfois agir, par l'intermédiaire de la Raison, qui est en nous une accalmie qui nous écarte d'une trop inhumaine humanité.
La Raison ne cherche pas à faire adopter un système politique conforme à la nature passionnelle de l'humanité, elle rejette au contraire par principe cette passion et prône la justice, qui n'existerait pas sans l'homme, mais qui est aussi HORS de l'homme.
Il ne faut donc surtout pas tenter d'accorder idées et sentiments. Les idées doivent être pensées dans l'absolu, et ne doivent pas rechigner à écraser une pulsion lorsque cela est nécessaire. La Justice ne demande cependant pas la destruction de la passion, celle-ci peut être le point de départ de l'activité politique, mais en rien sa motivation ou sa légitimité. Pour ne pas être des robots, il convient de limiter, et non de détruire. Qui d'ailleurs prétendrait détruire ce qui fait partie de l'homme ? Condamner absolument les passions reviendrait à condamner partiellement l'homme, et donc reviendrait à illégitimer la recherche de la Justice POUR l'homme... Mais il n'y a pas de justice sans sacrifices, et la Justice ne réclame ni supériorité absolue de la passion, ni infériorité absolue. La Justice postule que l'Harmonie politique nécessite de réfréner certains instincts, et la limitation de certaines pulsions antisociales dans le cadre de ces rapports sociaux.
Toute idée politique doit être pensée dans l'absolu, l'individu ne doit pas "choisir" ses idées en fonction de son caractère, mais conformément à cette notion de Justice et à cet idéal politique qu'elle représente. Il ne peut y avoir d'engagement politique conforme à la personnalité.

Décembre 99.
Il est temps une bonne fois pour toutes de renverser les préjugés et les illusions de la petite bourgeoisie "pacifiste", selon laquelle "la violence ne sert à rien".
Il s'agit là assurément d'une hérésie -et j'aime ce mot- historique montrant la méconnaissance et des mouvements révolutionnaires et -pour ces libéraux qui condamnent la violence tout en prônant le capitalisme, d'un "oubli" de la nature des rapports de production capitalistiques.
Dire que "la violence ne sert à rien", c'est reprendre l'opinion des François Furet selon laquelle "les révolutions ne servent à rien", ces deux affirmations étant corollaires. Qui peut dire qu'une révolution est inutile ? Les libéraux et les capitalistes, qui ne renient pas la révolution de 1789, événement assurément violent qui a instauré le règne du capitalisme ?
Condamner la violence, c'est aussi condamner la résistance au fascisme : sans violence, pas de résistants en France entre 1941 et 1944, pas de guerre entre 1936 et 1339 en Espagne contre les franquistes, pas de guerre de libération où qu'elle soit, pas de résistance à l'oppression. Cette opinion est déjà condamnable dans la bouche des pacifistes, des Gandhi et des Tolstoï, des King et des Biko, qui prétendent résister à l'oppression par la non-violence. Le succès de cette tactique impliquerait que les oppresseurs aient une conscience de la justice et qu'ils se rendent compte que l'oppression est illégitime, mais s'ils savaient ce qu'est la Justice, ils ne seraient en rien des oppresseurs ! L'oppresseur est parfaitement conscient de son acte : comme le montre Friedrich Engels dans l'Anti-Dühring, repris dans Le rôle de la violence dans l'Histoire, il n'y a pas, politiquement, de violence "pour la violence". La violence n'est qu'un moyen politique pour satisfaire un "intérêt" économique...
Et la non-résistance à cette violence revient à cautionner le but poursuivi par les utilisateurs de la violence, ce qui, et notamment dans le cas du fascisme, peut relever de l'Injustice... C'est ici que la phrase de Malcolm X prend toute sa signification : "Et bien! J'estime que quiconque se laisse brutaliser sans rien faire est un criminel... Si c'est cela qu'enseigne Gandhi, si c'est ainsi qu'on interprète la philosophie chrétienne, alors je dirai que ce sont là des doctrines criminelles !" Résister à la brutalité, c'est une question de dignité humaine, et de Justice. Condamner la violence "en principe" est une stupidité théorique : comment pourrait-on condamner l'esclave résistant à son maître ?
La violence n'étant qu'un moyen, c'est le but qu'il appartient de juger... Il ne faut pas faire d'amalgame entre les méthodes utilisées et le but poursuivi. La seule violence condamnable, c'est une violence "apolitique", c'est celle que le vulgaire appelle "gratuite", l'ultraviolence, la violence qui n'a de but qu'elle-même. C'est l'Injustice qui est condamnable, et non une notion qui n'est pas "en principe" son corollaire.
Il y a ultraviolence et légitime défense, et la violence politique peut avoir des points communs avec cette légitime défense. Comme le disait Proudhon : "Les révolutions sont les manifestations successives de la Justice dans l'Humanité". Et pourtant, il était pacifiste... Mais blâme-t-on l'homme qui abat le dictateur ? Condamne-t-on les révolutions américaine, française, anglaise, qui permirent de renverser ou d'humaniser la féodalité ?
Car si les pacifistes sont d'ores et déjà des imbéciles illettrés et ignorants, les libéraux sont d'autant plus condamnables qu'ils se revendiquent de ces révolutions -bourgeoises entre toutes- et de ces hommes qui, comme Casimir Périer, posaient en principe l'idée que tout peuple devait se libérer du joug de l'oppression, mais postulaient le contraire lorsque l'oppresseur se révélait être, non pas l'aristocratie, mais la bourgeoisie, c'est-à-dire eux-mêmes, comme ils le firent en réprimant les révoltes des Canuts à Lyon en 1841 et 1843.
La petite bourgeoisie chercherait-elle à se donner bonne conscience ? Fait-elle semblant d'ignorer une violence qui, elle, est condamnable : celle que le patronat exerce chaque jour sur la classe ouvrière ? Et cela en ne lui offrant comme répartie salariale pour prix de sa force de travail que le prix exact à payer pour qu'il puisse reconstituer cette force et continuer à travailler le lendemain... N'est-ce pas la violence la plus immonde, la plus immorale, que celle que l'esclavagiste moderne fait subir tout au long de la vie à l'ouvrier son esclave ?
Ils sont beaux, ces grands penseurs qui veulent "humaniser la mondialisation" et combattre la misère par l'humanitaire. Comme le disait déjà Pouget, notre pamphlétaire prolétaire, dans Le Syndicat, et ce dès 1905 (!!) : "Les groupements de charité n'ont jamais porté ombrage à la bourgeoisie, qui sait fort bien qu'étant de simples calmants ils ne peuvent à aucun titre constituer un remède au mal de misère. L'espoir en la charité est un cataplasme somnifère tout juste bon à empêcher les exploités de réfléchir sur leur triste sort et d'y chercher une solution. C'est pourquoi les associations mutualistes ont toujours été tolérées, sinon encouragées, par les dirigeants." La violence est inhérente au capitalisme, qui réalise l'exploitation de l'homme par l'homme !
Refuser de renverser l'oppression en disant que "la violence ne sert à rien", c'est à tout le moins cautionner la violence des oppresseurs ! Refuser une violence pour en légitimer une autre, n'est-ce pas là, quand on est pacifiste, une incohérence ? Et si cette contradiction peut avoir pour socle l'ignorance ou la peur, elle peut aussi avoir comme base ce raccourci théorique, cette simplification à l'extrême, ce vide de la pensée et ce double langage qui fait que l'on crie PAIX le doigt sur la gâchette...
"La dictature révolutionnaire du prolétariat est un pouvoir conquis et maintenu par la violence.", voilà comment parlait Lénine, et voilà de quoi nos bons bourgeois ont peur : ils cherchent à illégitimer notre colère et ses suites... Et il ne faut pas se leurrer : l'Etat est lui-même un instrument de violence que la bourgeoisie n'hésite pas à utiliser lorsque ses intérêts sont menacés. Marx, puis Engels dans L'origine de la famille, de la propriété privée, et de l'Etat, ont montré que l'Etat est un outil, non de résolution des contradictions de classe, mais de maintien de la paix sociale dont le bon fonctionnement de l'économie a besoin, pour assurer la domination de la classe possédante sur la classe dominée. Face à ce formidable instrument de répression, que peut-on faire lorsque les conditions de vie deviennent trop dures ? Prôner l'exemple et la conviction comme les Owen ou les Fourier ? Et là André Brink avait raison : "Je vois, tu veux aller voir les patrons et leur dire "Eh, ce n'est pas bien d'exploiter les gens..." C'est ce que tu fais qui compte, le reste c'est de la merde !
-Mandla... Maintenant tu essaies de faire de moi un imbécile...
-J'essaie de te montrer que tu es déjà un foutu imbécile... Alors, dis-moi, qu'est-ce que tu vas faire ?
Je l'ai regardé, coincé, furieux, impuissant."

L'émancipation des travailleurs ne peut se faire que par l'expropriation violente des exploiteurs, et cela est une vérité historique ! Car peut-on dire que les événements de 1871, 1886, 1905, 1917, 1920, 1936, 1959, 1968, etc., n'ont servi à rien ?
Peut-on dire que le syndicalisme, qui parfois emploie la violence, ne sert à rien ? Les gens qui disent cela né bénéficient-ils pas des conquêtes sociales que les grèves violentes de 1936 avaient réussi à arracher à la classe dominante ?
Une fois encore, il convient d'étudier avant de juger, il convient d'être objectif pour savoir être digne...

19 décembre 99. Lettre à deux amis maoïstes.
(...). Pour en revenir là-dessus, le Parti des Travailleurs n'est en rien un parti réformiste. Il n'a de cesse de condamner le gouvernement pluriel et ses "alliés" : l'extrême-gauche "plurielle", c'est-à-dire LO et la LCR, qui sont une grosse épine dans notre pied puisqu'elles sont - à travers les médias - la "représentation publique" de la contestation (mais de la pseudo-contestation) dans cette "Société du Spectacle". Le programme du Parti est le
suivant :
- reconnaissance de la lutte des classes et de la laïcité
- indépendance réciproque des partis et des syndicats
- abrogation des institutions antidémocratiques de la Ve République
- Convocation d'une assemblée Constituante qui décidera des formes de la démocratie voulue par le peuple.
Comme vous le constatez, il s'agit d'un consensus assez large : il ne s'agit pas ici d'une manoeuvre démagogique, mais de la réalisation du mot d'ordre "L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes", et de notre volonté, celle de réunir tous les courants de la classe ouvrière en un seul et authentique Parti ouvrier. Les 4 courants du PT sont les suivants :
- Le Courant Communiste Internationaliste (CCI - trotskyste)
- Le Courant socialiste (Jaurès)
- Le Courant communiste
- Le Courant anarcho-syndicaliste (duquel je suis hautement sympathisant)
En me ramenant de la réunion du cercle la dernière fois, Daniel s'est étonné (le mot est faible) que le tract sur la loi des 35 heures que je vous ai donné ne condamne pas les syndicats réformistes.
1°) Je ne sais pas ce qu'est un syndicat réformiste. Pour moi, il y a surtout des directions syndicales réformistes... La bureaucratie syndicale fait que la base est trahie par l'aile droite, qui regroupe en fait les dirigeants (soit Blondel et Cie).
2°) Dans La maladie infantile du communisme, Lénine, s'opposant aux gauchistes d'Allemagne, d'Angleterre, de France et des Pays-Bas, explique pourquoi la participation aux syndicats réactionnaires, ou "jaunes", est nécessaire. Une idéologie qui n'est pas capable de se développer au sein du prolétariat, qui ne reste pas en contact avec la classe ouvrière au sein des syndicats ou de certaines alliances ou partis, est une idéologie de fond de tiroir, condamnée à s'éteindre. Livrés à eux-mêmes comme unique auditoire, même les militants les plus sincères se fourvoient, s'auto-convainquent, et restent dans un cercle vicieux de mensonges et d'illusions.
3°) Notre travail n'est pas que de condamner, il est aussi de proposer des solutions. Comme le disait Lénine, "sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire". Et Marx savait que la réciproque est vraie lorsqu'il écrivit "la théorie ne se vérifie que par la pratique". Le mouvement révolutionnaire doit briser les dogmes, les préjugés, la morale révélée.
La phrase "Le trotskisme est réformiste" est une hérésie, qui relève d'un amalgame douteux entre LCR et mouvement trotskiste.
La IV e Internationale a fait scission il y a déjà longtemps : le courant "pabliste" de la future LCR refusant de condamner le stalinisme dans sa totalité pour finir par s'embourber dans le réformisme le plus absolu (comme l'indique son programme, où l'abolition de l'Etat bourgeois et du capitalisme ne sont pas abordés; ce qui montre une volonté de REGULER le Capital et non de le renverser) et le courant de l'OCI puis du PCI devenant à terme le CCI du Parti des travailleurs.
Divisé, le mouvement ouvrier ne peut engager la lutte. Certes, l'examen de l'histoire est primordial, mais les faits historiques ne doivent pas servir d'arguments politiques : seules la démocratie interne au sein du mouvement, l'action politique concrète et efficace et la sincérité théorique et politique peuvent être une preuve quant à la légitimité d'un mouvement.
Lénine a fait beaucoup d'erreurs entre 1917 et 1924, mais il n'en reste pas moins à mes yeux de communiste un peu libertaire (intéressé par certaines idées de l'Opposition Ouvrière en 1921 - pas toutes, attention !!) un révolutionnaire sérieux, sincère et épris de justice !
La classe ouvrière n'a que faire des querelles de clochers, des dogmes et des théories que les petits groupuscules qui prétendent la défendre se jettent à la tête. Le communisme a beau être un système d'idées, il est avant tout quelque chose de PRATIQUE qui ne doit pas se contenter de penser et d'idéaliser la société future, mais qui doit tenter de limiter, d'abréger, d'anéantir les souffrances du peuple; qui ne doit pas mener qu'une lutte GLOBALE et "de principe" contre le capitalisme, mais qui doit attaquer partout où c'est possible le pouvoir de la bourgeoisie et qui doit préparer dans chaque secteur, qu'importe le lieu ou l'époque, les conditions de son renversement. Pour cela, il est nécessaire que les militants oeuvrant dans le sens de l'émancipation ouvrière s'allient, faisant abstraction de certaines querelles, fabriquant un programme avec leurs points communs, et non leurs différences !
Non, le PT n'est pas réformiste ! Il s'oppose au "néo-totalitarisme" (pour reprendre le titre de l'ouvrage de Roger Sandri) du capitalisme MONDIAL, il s'oppose aux institutions bourgeoises et à l'exploitation permanente dont est victime la classe ouvrière (régionalisation, destruction des conventions collectives, abaissement des salaires et flexibilité dans le but de créer une main d'oeuvre moins chère, destruction des Etats-Nations - c'est la régionalisation - et renforcement du pouvoir central de l'OMC, de l'ONU, de l'OCDE, de l'OTAN, du FMI, chapeautés en majorité par l'impérialisme américain).
Le PT est favorable à la consultation du peuple, dont il sait que sa suprématie, son autonomie, ne pourront conduire qu'au socialisme, quelle que soit sa forme, et au but final qu'est l'abolition de l'Etat, la socialisation des moyens de production, la création de véritables SOVIETS non bureaucratisés ne devant de comptes à aucune autorité supérieure, aucun parti, aucune pseudo "avant-garde"...
Seule l'union fait la force et je suis certain que celle-ci nous mènera à la réalisation du slogan de Marx et de James Guillaume : "De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins."
La classe ouvrière, toujours debout, brisera ses chaînes !
(...)


Sur les libéraux. 18 février 2000.
Reprendre l'attaque contre nos vieux ennemis... Le démantèlement des arguments des libéraux se fait par l'analyse de la définition d'économie. On sait qu'Aristote la définissait comme l'ensemble des biens que l'humanité utilise pour satisfaire ses besoins, et je rajouterai que l'économie doit être essentiellement à vocation humaine : elle est l'analyse des richesses que l'humanité produit, de la manière dont elle les utilise et de sa façon d'en disposer... Le but de l'économie est de rechercher un mode de répartition des richesses qui créerait une situation optimale dans laquelle toute l'humanité serait heureuse... Utopie ? Simple définition. Car l'analyse économique tend vers ce but, et bien fou serait celui qui prétendrait qu'elle y mène nécessairement.
Si Marx considérait les néoclassiques comme des penseurs vulgaires, une certaine branche de ces "néo" se mit dans les années 30 à critiquer les thèses libérales. La théorie du bien-être, menée par Arthur-Cécile Pigou, développa l'idée que l'économie de marché livrée à elle-même ne menait pas directement à la concurrence pure et parfaite (et donc qu'une "main invisible" - selon l'expression d'Adam Smith - ne permettait pas un équilibre spontané et quoi qu'il arrive entre l'offre et la demande) et que 3 effets occasionnaient des dysfonctionnements :

* le cas des biens collectifs, ou publics : dans une société libérale, sans Etat, et donc gouvernée par la recherche du profit, les chefs d'entreprises recherchent avant tout à maximiser leurs profits... Or, quel chef d'entreprise accepterait de produire des biens collectifs ? Ceux-ci ont 2 particularités : plusieurs individus peuvent en bénéficier en même temps, et la consommation de l'un ne réduit pas celle de l'autre. Citons 2 exemples avant de verser dans l'abstrait : l'éclairage public et les phares maritimes... Les consommateurs, et c'est l'expression de Milton Friedmann, ont un comportement de "passagers clandestins" : il est impossible de leur faire payer directement ces biens car ils annonceraient leur volonté de ne pas payer (sous le prétexte qu'ils ne désirent pas en bénéficier alors qu'ils désirent en bénéficier sans payer) : ils n'y a donc pas de taxe directe. Bref, quelle entreprise accepterait de s'occuper d'un marché non rentable ? Aucune. Et pourtant, ces biens sont nécessaires...

*le cas des effets externes : les effets externes sont la conséquence - positive ou négative - de la production. Ca peut être le cas d'une découverte faite par une entreprise au cours de sa production, ou le cas de la pollution rejetée par une usine... Qui va se charger de récompenser l'entreprise qui innove et dont la découverte profite au secteur de production, voire à l'humanité toute entière, ou de taxer celle qui exerce une trop grande pollution ? En 97, la conférence de Kyoto a essayé d'instituer un marché des "droits de polluer", autorisant les entreprises à payer plus ou moins selon la somme qu'elle verse... Mais le capitalisme étant un système décentralisé, sans instance économique supérieure, qui va collecter ces fonds ?

*le cas du monopole naturel : C'est la théorie du coût moyen (coût de la production / nombre d'objets produits). Le coût moyen de la production varie en fonction de la production : plus celle-ci est élevée, plus les coûts moyens sont faibles. Ce qui fait que si une entreprise se met subitement à produire beaucoup plus, elle va baisser ses coûts de production : elle pourra donc aussi se permettre de baisser ses prix... La baisse des prix va faire que les consommateurs vont avoir tendance à acheter les produits de cette entreprise et que les autres sociétés vont faire faillite... Ainsi, cette entreprise va se trouver en situation de monopole dit "naturel", ce qui va lui permettre, étant seule sur le marché, d'augmenter considérablement ses prix, ce qui est contraire au cadre de la concurrence pure et parfaite, et donc au cadre même du capitalisme de marché...

Pour la théorie du bien-être, la réponse est simple : l'Etat ne doit pas être réduit aux fonctions régaliennes, et il doit avoir un rôle économique... Il doit prendre le relais du marché en cas de dysfonctionnement de celui-ci, prendre en charge les secteurs économiques non rentables, nationaliser, taxer ou financer les entreprises suivant leur politique...
Les libéraux ont eux-mêmes apporté à cette idée une critique que l'on peut reprendre en toute légitimité : c'est celle de la bureaucratie. Le fonctionnaire d'Etat se conduit au sein du service public comme un agent économique : il essaye de maximiser son profit. Pour cela, il essaye d'étendre le domaine d'action de son service, tend à essayer d'accroître son pouvoir, etc. Ainsi, les libéraux tels Hayeck entendent montrer que l'Etat n'est pas non plus à l'abri des dysfonctionnements et qu'il ne sert donc à rien de recourir à lui pour pallier aux insuffisances du marché... Cette "théorie de la bureaucratie" est absolument fondée : l'exemple du détournement de la révolution sociale russe par les apparatchiks bolchéviks en est un vigoureux exemple. Mais cet argument nous montre aussi une contradiction des libéraux : pour eux, le bureaucrate qui essaye de maximiser son profit, il s'agit là d'un dysfonctionnement, mais le même schéma de l'agent économique qui recherche du profit devient pour eux une valeur quant il est appliqué à l'économie... Paradoxe ? Que peut-on en conclure ? Une idée pourrait être que les libéraux sont des démagogues : ce qu'ils critiquent dans l'Etat, ce n'est pas qu'il est un obstacle à la liberté, mais bien à LEUR liberté, d'où cette contradiction... Les libéraux nous rétorqueraient sans doute que ce comportement de profiteur est vertueux dans l'économie car il contribue à la croissance : piètre argument qu'il leur faudrait prouver !

Aux libéraux s'oppose aussi la voie des néo-keynésiens... S'opposant aux Smith et aux Jansen, Keynes, s'appuyant sur les effets de la crise de 29, pensait que l'équilibre normal d'une économie de marché est un équilibre de sous-emploi : "le plein emploi est rare autant qu'éphémère". Pour lui, cette logique de profit conduit les patrons à moins payer leurs ouvriers, qui consomment donc moins, ce qui a une action négative sur la production : ainsi débute un cercle vicieux de "récession" économique. C'est une critique en termes de croissance, et non "humaine"... Pour J.M. Keynes, il s'agit d'augmenter les salaires (les écarts de richesses sont néfastes à la consommation et donc à la production) et d'embaucher pour augmenter la consommation, et jusqu'à ce que l'on parvienne à un équilibre de plein-emploi : à ce moment-là, le rôle régulateur de l'Etat sera fini... jusqu'à la prochaine crise ? Cette analyse, si elle n'a rien de progressiste, a au moins le mérite de reconnaître l'inhérence des crises au système de production capitaliste... Quoi qu'il en soit, les libéraux pensent que le seul obstacle au plein-emploi est ce qu'ils appellent la "rigidité du marché du travail", c'est-à-dire le fait qu'il existe des lois protégeant les travailleurs et le fait que ceux-ci soient les créateurs d'un "chômage volontaire" (les travailleurs ne veulent pas que leurs salaires baissent et c'est ce refus qui est la cause du chômage) : le moyen de parvenir à la "fin du chômage" serait donc la suppression des conventions collectives (c'est la politique actuelle, grâce notamment à la loi Aubry sur les 35 heures), des syndicats (c'est le concept de "dialogue social"), du SMIC et du RMI (qui ôtent l'envie de travailler) et de tout ce qui contribue à la résistance des travailleurs... Conséquence de cette politique ? Pour les libéraux, cette flexibilité du marché du travail devrait mettre fin à la "crise"... Mais on peut aussi constater qu'après la politique de flexibilité inaugurée par Mitterrand en 1982, le taux de chômage a plutôt augmenté que diminué... La vraie conséquence, c'est que les travailleurs ont un niveau de vie plus bas, une situation plus précaire (ils peuvent être licenciés du jour au lendemain), et que, le meilleur exemple est celui des Etats-Unis : les ouvriers sont obligé de multiplier les petits boulots non qualifiés, ils ne bénéficient plus de la Sécu, il existe désormais une médecine de riches et une médecine de pauvres, la violence monte dans les banlieues suite au désespoir que le chômage et la misère entraînent (alors que les libéraux et les Mussoliniens comme Chevènement ne savent pas faire la différence entre "révolte sociale" et "comportement asocial" et qu'ils utilisent la violence policière pour mater la rébellion) ; d'autre part, la suppression des conventions collectives, telles celles qui interdisaient le travail de nuit des femmes dans l'industrie et qui protégeaient le congé de maternité, va conduire à une diminution du niveau de vie...
Et pour en revenir à notre première critique : Qui, parmi les chefs d'entreprises, prendra en charge l'enseignement, la santé, les retraites ? Personne, car il ne s'agit pas de marchés rentables. Ces secteurs sont voués à disparaître... On peut également citer d'autres exemples : dans le cas des médias, les patrons des grandes sociétés d'information (AFP, Reuters, CNN, etc.), gouvernés par la logique capitaliste, vont-ils diffuser des informations qui leur sont défavorables ? Non, et c'est la fin de l'Information proprement dite et de la Vérité : les médias deviennent un outil de mensonge et de conditionnement. Aux Etats-Unis, les prisons sont privatisées : des entreprises privées gèrent d'un bout à l'autre le système carcéral. Elles ont donc intérêt à ce que leurs prisons s'agrandissent, et donc pour cela que le nombre de prisonniers augmente... Comment dans ce cadre envisager la fin de la peine de mort et la simple notion de Justice ? C'est la même chose pour le marché des armes : les capitalistes n'ont-ils pas intérêt à ce que des conflits éclatent aux 4 coins de la
planète ?
Ainsi, si les libéraux disent avoir la même conception de l'économie que nous, on a vu que c'est au contraire tout l'inverse. Ils n'oeuvrent pas pour la liberté, mais bien pour la liberté aristocratique, notion inhérente au mode de production capitaliste. On a également vu que recourir à l'Etat est une vaine utopie : car le problème n'est pas le libéralisme, c'est purement et simplement le capitalisme dont le mot d'ordre "profit" est responsable de la plus monstrueuse des exploitation, de tous les génocides et de tous les crimes par l'intermédiaire d'un impérialisme assassin... La régulation est un beau mensonge : la seule alternative est un socialisme de combat !

La question nationale. 20 février 2000.
Cette question a été au coeur des débats entre communistes au début du XXe siècle, et notamment entre Lénine et Rosa Luxemburg... Pour bien en comprendre toute l'ampleur il s'agit, loin des élucubrations de Mommsen voire même de Fustel de Coulanges, de resituer ce qu'est une nation.
Qu'est qu'une nation ? Comme le montre Bakounine, la nation est un fait historique, et non un principe : c'est un épisode dans l'histoire de l'humanité, lié à des conditions particulières (tout comme l'Etat), que l'on n'érige pas en dogme parce qu'alors on transforme une réalité en vérité absolue, alors que l'on sait que réalité et justice sont deux problèmes qui n'ont rien en commun...
Durant la guerre de 1917, les bolchéviks, représentés par Lénine, ont proclamé le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Pour Rosa Luxemburg, revendiquer ce droit, c'est légitimer les nationalismes : les socialistes doivent être internationalistes, c'est-à-dire raisonner en termes de classes et non de peuples. Raisonner en termes de peuples, c'est raisonner en termes de nations : or, il faut aider à l'émancipation des classes exploitées et non des nations opprimées (les nations-prolétaires, ne s'agit-il pas là d'un concept national-socialiste ?). Pour Rosa, on ne peut proclamer l'un tout en proclamant l'autre : le prolétariat est une classe internationale, qui n'a pas de frontières, et la révolution doit se faire mondialement, pas dans un seul pays. Revendiquer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, c'est revendiquer une révolution nationale, et donc, et dans le meilleur des cas, le socialisme dans un seul pays (et l'on a vu ce qu'une telle doctrine a
causé en Russie : la mort de l'idée de la révolution socialiste mondiale et le renforcement de la bureaucratie... De même, en système capitaliste, les bourgeois étant détenteurs de l'idéologie dominante, ce sont eux qui vont mener le combat pour la libération nationale : ce qui laisse augurer peu de chances de succès pour le socialisme... De même, Marx et Engels n'ont pas laissé un corps de doctrine défini sur les rapports internationaux. Dans leurs schémas, la nation ne joue qu'un rôle subordonné. L'essentiel, c'est la révolution, la lutte des classes, la libération des hommes. L'opposition est profonde entre l'idée de classe et l'idée de nation. Le fait national, bien qu'existant encore, doit être subordonné aux intérêts de la Révolution. Et l'Etat-nation est le produit de l'âge du capital, il disparaîtra avec le capitalisme. Marx n'ayant pas laissé son avis sur la question, plusieurs idées s'avancent : celle des austro-marxistes (menés par Otto Bauer) qui pensent que les revendications nationales permettront aux socialistes de se dégager des problèmes du nationalisme d'existence et de se consacrer ainsi tout entiers à la révolution sociale; celle aussi de Rosa et de Radek, dont on vient de voir le point de vue, et qui considèrent les autrichiens comme des réformistes et les léniniens comme des opportunistes; Car quel est le point de vue de Vladimir Ilitch ? Pour lui, le facteur national va permettre l'émiettement des grands empires centraux (nous sommes là dans le contexte du début XIXe), et c'est pour cela qu'il condamne les internationalistes, d'autre part, la reconnaissance des nationalités, leur différenciation, va poser le problème d'une société socialiste comme une fédération de nations, ce qui, en tant que partisan intransigeant du centralisme, lui fait horreur. Le "droit à l'autodétermination", pense-t-il, va lui permettre d'échapper à ce problème (article 9 du programme social-démocrate de 1903). Pour Lénine, si ce droit est reconnu, les nations opprimées se tourneront vers les bolchéviks et, une fois la révolution nationale achevée, celles-ci, rationnelles, ne tarderont pas à demander à être intégrées à l' "Union Soviétique". Ce que Lénine a cependant laissé de côté, c'est que, si l'on ne raisonne pas à la seule échelle de la Russie de 1917, un long moment peut s'écouler entre la révolution nationale et la révolution socialiste : et durant ce temps, les nouveaux Etats-Nations ont le temps de se bureaucratiser, de s'embourgeoiser, de passer d'un nationalisme d'existence à un nationalisme de puissance.
C'est cependant pour des raisons différentes que Staline s'est opposé à Lénine, qui l'a d'ailleurs laissé faire. Pour lui, raisonner en termes de classes, être un "bon communiste", c'est revendiquer non le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (car les bourgeois sont alors intégrés dans cette définition de "peuple") mais celui des classes : l'autodétermination devant automatiquement se décider par un référendum (ce qui permet aux bourgeois d'imposer leurs idées chez les ouvriers), il convient plutôt de laisser décider les masses, et donc leur avant-garde : le Parti Communiste... cette idée n'était pas celle de Rosa Luxemburg, Staline entendait par là inféoder les différents partis communistes à celui de Russie pour qu'ils demandent leur rattachement...
Il n'empêche cependant que le gauchisme de Rosa Luxemburg est utopique et ne permet pas de résoudre tous les problèmes, notamment actuels... On sait que la politique du capitalisme international est de détruire les Etats-Nations pour pouvoir casser les conventions collectives défendues par le modèle étatiste keynésien au sein de chaque Etat et pour pouvoir flexibiliser le marché du travail. Ainsi, même si la critique que l'on a opposée à Lénine sur la différence de temps entre les 2 sortes de révolutions est toujours valable, il est clair que revendiquer l'autodétermination, c'est revendiquer la création d'Etats-Nations, c'est donc mener une politique opposée à celle du capital et c'est donc une politique révolutionnaire. Le Gauchisme est néfaste à la Révolution car, se disant anti-opportuniste, il confond l'opportunisme et les étapes révolutionnaires vers le socialisme. Car il n'est pas prouvé qu'il est plus difficile de mener une révolution mondiale lorsque le nombre d'Etats-Nations est 3 fois plus important : c'est même le contraire, car on peut présager que les différents Etats passeront leur temps à s'opposer, ce que nous, mouvement international au service d'une classe internationale, pourront exploiter pour unir nos forces et mener la révolution mondiale...
On pourrait m'opposer la même critique que Rosa Luxemburg adressait à Lénine : les socialistes ne détiennent pas l'idéologie dominante, et le soutien apporté aux nationalistes par les socialistes pourrait conduire à un amalgame dans l'esprit des travailleurs : de plus, une fois le peuple opprimé dressé en Etat-nation, la "bourgeoisie nationale" pourra à loisir inculquer son idéologie aux travailleurs (que ce soit le nationalisme de puissance, c'est-à-dire le fascisme ou le néo-fascisme, ou le libéralisme) et ainsi former contre nous une fraction ouvrière embrigadée par les idéologies bourgeoises et sur laquelle il nous sera difficile d'exercer notre propagande socialiste.
Mais le tout est de mener une campagne pour l'autodétermination au nom de la lutte contre l'impérialisme et non au nom du nationalisme. Il ne faut pas faire perdre de vue aux travailleurs que la révolution nationale n'est qu'une étape et non un aboutissement. Notre soutien à l'autodétermination va nous apporter auprès des masses un soutien qu'il va falloir utiliser pour, si cela est possible, nous faire élire à la tête du gouvernement et mener une politique de réformes sociales (tout en ne perdant pas de vue que réformer, ce n'est pas révolutionner, que seule la révolution mondiale est acceptable, et que le socialisme dans un seul pays, cela ne peut fonctionner "a priori" que dans un pays avancé industriellement) ou bien de constituer un Parti puissant et des syndicats révolutionnaires capables d'aider à la lutte contre l'idéologie dominante, accélérer le processus de conscience de classe et préparer la révolution.
Que retenir de tout ça ? Notre but n'est pas de défendre "en principe" la nation, mais de nous opposer au capitalisme et à l'impérialisme partout ou c'est possible. Notre but est d'aider à la constitution d'Etats-nations dans la mesure ou -directement ou indirectement- nous pourrons avoir prise sur cet Etat pour le renverser ultérieurement... Il est bien sûr hors de question de défendre les mouvements fascistes contre les capitalistes et il faudra savoir condamner les 2 tout en optant pour la solution qui nous rapproche le plus de notre but final : la révolution mondiale. Il faut savoir dresser les bourgeoisies nationales les unes contre les autres et appeler à la solidarité entre les classes des nations impérialistes et des nations opprimées. Si cette solidarité peut nous éviter l'étape de la révolution nationale, alors il faudra sauter sur l'occasion. Car il n'est pas dans notre but de réveiller des instincts nationalistes quand ils sont endormis chez les travailleurs, il n'est pas dans notre but de réveiller des nationalismes endormis. Nous ne soutiendrons jamais les fascistes corses ou les nationalistes bretons et basques, qui se battent pour un réveil de la nation avant de se battre contre le capitalisme : ce ne sont pas là des mouvements défendant des nations opprimées, ce sont de dangereux réactionnaires qui sont un obstacle à la propagation de l'internationalisme. Si le libéralisme a su tuer les instincts fascistes, nous n'avons pas à nous plaindre car la nation encombre la conscience de classe, la conscience internationaliste des travailleurs. Nous ne posons pas la révolution nationale comme un principe théorique à utiliser nécessairement, mais comme un fait historique qui peut survenir à un moment donné et qu'il nous faudra savoir utiliser. Ceci, ce n'est pas de l'opportunisme, comme le proclament en coeur néo-spartakistes et anarchistes théoriques, c'est créer partout les conditions favorables à notre victoire et hâter le processus révolutionnaire qui va nous guider vers l'émancipation totale du prolétariat et de tous les individus.
Le socialisme ne se base pas sur des idées conceptualisées : il se base sur des réalités, il se base sur la volonté des peuples. Il a beau indiquer quelle solution est la meilleure, c'est toujours le peuple qui juge et décide en dernier recours, et les socialistes doivent s'incliner : nos idées doivent passer par l'exemple et la confrontation avec les faits, non par l'endoctrinement. Si la majorité d'un peuple aspire à l'indépendance, notre devoir est de l'y aider. Mais il n'est pas de construire des réalités à partir de schémas préconçus...
Vive la révolution ! Vive le socialisme ! Vive le mouvement révolutionnaire pour la reconstruction de l'AIT !


Antifascisme et lutte de classes. 23 février 2000.
La question de l'antifascisme prend toute sa signification avec l'arrivée au pouvoir de 5 ministres fascistes en Autriche. Que faire ? C'est là une question qui peut encombrer notre esprit. Tous les autres gouvernements européens menacent l'Autriche de sanctions commerciales et de boycott, tandis que les Américains ont rappelé leur ambassadeur... Mais voilà : les pays capitalistes n'ont aucune leçon de démocratie à donner, et surtout pas les Etats-Unis, avec leurs goulags et les massacres qu'ils perpètrent aux quatre coins de la planète. Cependant, les différentes organisations d'extrême-gauche appellent à une manifestation "antifasciste" : mais à quoi sert une manifestation ? Jusqu'à preuve du contraire, une manifestation sert à faire pression sur son gouvernement pour protester contre une certaine mesure. Or voilà, ces manifestants ne protestent pas contre leur gouvernement mais contre un gouvernement étranger. Quel est donc le rapport entre Jorg Haider et une manif de 4OO personnes sur la Canebière ? Il semble évident que les nazis autrichiens ne s'intéressent pas à 400 blaireaux manifestant dans une ville de France. Le seul but que l'on pourrait entrevoir, ce serait un appel au gouvernement français pour qu'ils fassent quelque chose... Voilà le hic : des organisations qui se prétendent "révolutionnaires" soutiennent la volonté du gouvernement d'intervenir indirectement en Autriche. Selon un tract de la JCR-LCR, il faut prendre des mesures qui "touchent les dirigeants sans toucher la population" : il serait intéressant de voir à quoi ressemblent de telles mesures... Un gouvernement est corporellement intouchable : des sanctions économiques ne peuvent intervenir que sur la population. Depuis quand des révolutionnaires demandent-ils des sanctions contre un peuple ? Cela n'aura qu'une conséquence : renforcer les fascistes qui apparaîtront comme des martyres.
De plus, les comparses d'Haider ont été élus : tout comme les Jospin, les Blair et les Clinton. Cela veut-il dire que les bourgeois ne reconnaissent plus la démocratie ? Non. Les bourgeois reconnaissent les suffrages qui les ont amenés au pouvoir, pas ceux qui amènent des partis ennemis au pouvoir. Cela veut aussi dire que la république est une question secondaire pour la bourgeoisie : elle ne l'intéresse que ponctuellement... Dans ce cas-là, il s'agit d'intervenir car "c'est une menace pour la démocratie". Voilà encore et toujours la justification du droit d'ingérence que les impérialistes se sont arrogés : tout prétexte leur est bon pour masquer l'impérialisme. Ils bafouent la démocratie quotidiennement mais ils prétendent intervenir en son nom. Il ne s'agit pas ici de défendre les fascistes : mais si on reconnaît en principe le fonctionnement démocratique bourgeois, il faut le reconnaître jusqu'au bout. C'est le peuple qui a choisi de les porter au pouvoir et nous devons en subir les conséquences... La seule question qu'il appartient de se poser est : comment sont-ils parvenus au gouvernement ? N'est-ce pas là la conséquence d'un mécontentement de la population face à la politique anti-ouvrière de l'Union Européenne ? Ce sont les gouvernements capitalistes qui sont responsables de la montée du fascisme, que ceux qui n'ont pas lu Psychologie de masse du fascisme s'en convainquent : le capitalisme est la cause de la montée fasciste, exactement comme en 29, et Haider n'est que la conséquence du problème, il n'en est aucunement la cause. Lutter contre le fascisme, c'est d'abord lutter contre le capitalisme. Et le meilleur moyen d'éviter ce genre de choses est d'intervenir sur le terrain de la lutte des classes : augmenter le niveau de conscience des ouvriers, attiser les luttes sociales, dénoncer la politique de mondialisation est ses conséquences... Ce n'est pas en soutenant le gouvernement en défilant sur la Canebière qu'on combat le fascisme : voilà les conséquences de l'antifascisme "bonne conscience" des organisations pseudo-"révolutionnaires", de ceux qui croient se réclamer de l'anarchisme et du communisme.
Lutter contre le fascisme, ce n'est pas se battre uniquement contre lui : fascisme et capitalisme sont 2 corollaires, et l'antifascisme ne doit pas servir de palliatif à la lutte anticapitaliste. Dans ces 2 termes, il n'y a pas deux cibles, 2 ennemis, 2 causes à défendre ou à combattre, il y a une cause et une conséquence...
C'est la lutte des classes, c'est l'élévation de la conscience politique des travailleurs qui permet de lutter contre le fascisme. On ne peut pas mener une politique de déréglementation (gauche plurielle) et prétendre protester sincèrement contre ce qui n'est que sa conséquence ! On ne peut pas manifester avec le PC et les Verts, militer pour la taxe Tobin (LCR et LO) ou pour la loi Aubry, on ne peut pas critiquer le gouvernement mais le soutenir en pratique d'un côté et hurler au loup de l'autre !
Certes, nous avons pu faire front unique avec les bourgeois radicaux contre les franquistes et les nazis, mais les conditions n'étaient pas les mêmes. Un choix nous était violemment posé : ou la dictature ou la démocratie bourgeoise... et entre le bourreau et l'esclavagiste, nous avons choisi l'esclavagiste. Mais en ce moment même nous ne sommes pas dans une situation désespérée qui nous mette devant ce choix là.
L'Antifascisme n'est pas une lutte de principe, c'est une lutte de dernier recours. Car en nous battant contre le capitalisme, nous préparons déjà la défaite des fascistes, des Haider et des Le Pen. Il ne faut pas les laisser se présenter comme le dernier recours des travailleurs face à la politique libérale du FMI. Il ne faut pas les laisser tromper le peuple. Et c'est aussi mentir au peuple que de séparer fascisme et capitalisme. C'est mentir au peuple que de ne pas faire le lien entre les 2 questions. C'set mentir au peuple que de ne pas lui montrer ce qu'est la lutte de classes.

Pour un syndicalisme révolutionnaire.
Une fois nos grands principes énoncés vient la question la plus importante : comment déclencher la révolution ? Ce débat est vieux de plus d'un siècle et nous devons l'enrichir à la lumière des révolutions du passé, qui ont confirmé ou infirmé les différentes théories socialistes...
Les trotskistes proposent ce qui a toujours été la tactique des communistes : la prise du pouvoir par l'avant-garde du prolétariat, c'est-à-dire le parti ouvrier. Seulement, la révolution russe et les différentes trahisons des dirigeants des Partis (l'exemple du PS, du PC, du PT brésilien) nous apprennent qu'un Parti se bureaucratise inévitablement. La bureaucratisation n'est pas uniquement la cause de phénomènes "extérieurs" comme en Russie (arrêt de la guerre, échec de la révolution allemande, communisme de guerre, etc.), la bureaucratisation semble inhérente à l'organisation partidaire, et l'on sait à quoi cela mène : au stalinisme ! Les trotskistes, pourtant sincères, finiront eux-mêmes inévitablement par être trahis par leurs dirigeants, qui couleront le Parti : un contrôle des dirigeants par la base n'est pas suffisant car si la pression se relâche, ils trahiront, et il faut une organisation qui ne permette pas la bureaucratisation. Il faut donc proposer une alternative autre. Cependant, l'organisation anarchiste n'est pas apte non plus à apporter une quelconque solution : les anarchistes (FA, OCL, AL, etc.) sont encore très marginalisées, coupés de la classe ouvrière, et leur organisation ne leur apporte pas la discipline et la rigueur, leur organisation ne leur apporte pas la redoutable efficacité du Parti politique.
Se pose un deuxième problème : faut-il conquérir le pouvoir ou bien au contraire le détruire ? Ce que l'Histoire nous apprend, c'est que la conquête du pouvoir politique, qui transforme les leaders socialistes en gouvernants, pose également le problème de l'aliénation. C'est ce qu'explique également Roger Dadoun dans le recueil Psychanalyse et Anarchie : les militants socialistes ne sont pas des surhommes et l'aliénation n'est pas le monopole des bourgeois. Même l'anarchiste le plus sincère, si on lui confie un poste plus important que ses camarades, va être aliéné par le pouvoir qui lui a été conféré : c'est ce que montrent les libéraux dans leur théorie de la bureaucratie, même s'ils ne l'appellent pas aliénation. Les exemples dans l'Histoire sont nombreux : Staline et Castro pour les communistes, Federica Montseny qui fut la ministre anarchiste du gouvernement de Front Populaire en Espagne pendant la Guerre Civile. C'est pour cela que le pouvoir doit être supprimé car, comme le disait Bakounine, l'autorité est la "mère de tous les vices". Je reprendrai l'opinion du sociologue Clastre contre celle d'Engels : la domination politique est antérieure à la domination économique. Tout projet de réforme sociale est une illusion ("la liberté, sans les moyens de la conquérir, n'est qu'un fantôme") et il ne peut y avoir de liberté sans destruction de l'Etat, même si l'égalité économique et sociale est le prélude à l'égalité politique, que la liberté politique doit suivre...
Quelle forme d'organisation faut-il donc construire ? Mon principe est celui de Fernand Pelloutier, d'Emile Pouget et de Pierre Monatte : le syndicalisme révolutionnaire. A quoi servent les syndicats ? Ils augmentent le niveau de conscience politique des travailleurs. C'est par le syndicalisme que les ouvriers, d'abord directement touchés par des mesures qui les touchent EUX, s'aperçoivent de l'universalité des problèmes et donc de l'universalité des combats à mener. Le syndicalisme mobilise les ouvriers directement sur leur lieu de travail : il leur enseigne CHEZ EUX la réalité de la lutte de classes et les mobilise pratiquement sans qu'aucune propagande ne soit à faire. Le syndicat est supérieur au Parti politique en ce que l'adhésion au syndicat ne nécessite en rien l'adhésion à une idéologie : le travailleur fait son apprentissage politique APRES avoir adhéré au syndicat. Le syndicat est également le mode d'action libertaire par excellence. On pourrait avec raison de me reprocher que les syndicats se bureaucratisent aussi, et c'est d'ailleurs le cas de tous les syndicats en France, si l'on excepte la CNT. Mais la lutte est possible à l'intérieur, ce qui ne l'est pas dans un Parti (même la CGT, tuée par le centralisme, voit sa base s'opposer à ses dirigeants). Et le syndicat peut aussi offrir une absence quasi-totale d'autorité, comme dans la CNT espagnole.
Cependant, la CNT française ne peut offrir une véritable alternative : elle est marginalisée et coupée de la classe ouvrière. Comme l'expliquent Mercier-Véga et Griffuelhes dans Anarcho-syndicalisme et syndicalisme révolutionnaire, un syndicat ne peut être le reflet d'une seule idéologie, sous peine de trop ressembler à un Parti politique, sous peine de voir les travailleurs s'enfuir au loin...
L'exemple à suivre est celui de la première CGT : un syndicat de front unique, avec plusieurs influences politiques, plusieurs courants coexistant, un syndicat offrant un piédestal de lutte crédible, car les travailleurs n'aiment pas les divergences politiques au sein du socialisme.
Comment agit le syndicat ? Il a 3 modes d'action, voire 4 : Le boycott, le sabotage, la grève et la grève générale. La grève générale ne peut se manifester qu'à 2 conditions : si la conscience de classe des travailleurs est à maturité, et si le syndicat sait unir les différentes protestations pour les transformer en grève générale. Cette grève mène le pays à la paralysie. Dans les usines et les entreprises occupées, à l'image des grèves à Milan et Turin en 1919 et 1920, les syndicats s'effacent pour laisser la place à des "comités d'usines et d'entreprises", qui ont le mérite de pouvoir rassembler tous les travailleurs sans en exclure les non-syndiqués. Le pays étant paralysé, il en va de même pour les structures traditionnelles du pouvoir, qui perdent plus ou moins leurs modes d'action mais surtout leur crédibilité auprès des travailleurs, dont la conscience politique atteint son maximum en temps de grève, et ces structures traditionnelles sont de fait et spontanément remplacées par les comités d'entreprises.
Les syndicats sont donc à la fois un cadre de lutte et les structures de la nouvelle société. La grève générale marque un aboutissement qui est le début de la révolution : les comités, ou soviets, devenus les organes révolutionnaires représentants des travailleurs, ne peuvent prendre que des mesures socialistes et révolutionnaires.
Malheureusement, nous sommes dans un contexte de "pénurie syndicale". Il existe trop de syndicats, et ceux-ci sont noyautés par la bureaucratie des Thibaud, Blondel et Notat. Il n'existe même pas de syndicats étudiants... C'est ici que le Parti politique possède un rôle non négligeable : dans le contexte que l'on vient d'évoquer, en l'absence de syndicats, c'est lui qui est chargé de politiser les travailleurs, d'augmenter leur conscience de classe, et de les conduire vers un but ultime : le Front Unique. Le Parti doit oeuvrer à la reconstruction du syndicat : ce n'est pas lui l'organe révolutionnaire, ce n'est pas en lui que les travailleurs ont confiance. Le Parti peut porter des revendications, et il peut les porter jusqu'au pouvoir, mais on doit se méfier de l'accession au pouvoir d'un parti politique... Cependant, celui-ci possède un autre rôle : celui de relayer les revendications des travailleurs pendant que le syndicat n'est pas encore prêt... Dans le contexte actuel, son rôle est d'aider à la reconstruction d'un syndicat révolutionnaire. Il peut y avoir des grèves générales sans volonté de la part des travailleurs de s'ériger en organe révolutionnaire, ce qui veut dire que le "Grand Soir" n'est pas encore arrivé : dans ces moments où la classe ouvrière n'est pas encore prête, c'est le Parti qui doit se faire le relais des exigences des travailleurs auprès du gouvernement bourgeois en attendant le moment où les "conditions objectives", comme disait Trotsky, de la révolution seront réunies, c'est-à-dire le moment où les syndicats seront prêts...

L'Anti-Gauchisme ! 24 février 2000.
Les Gauchistes - Spartakistes et autres - postulent que tout compromis est inacceptable ! Pour eux, il faut refuser toute participation aux syndicats jaunes, toute participation à des élections quelles qu'elles soient... C'est méconnaître l'attachement des travailleurs à ce qu'ils ont conquis de haute lutte : la démocratie bourgeoise et ses structures... Il ne s'agit pas pour nous d'affirmer NOTRE attachement A NOUS à ces structures, mais de faire preuve de crédibilité auprès des travailleurs : il ne s'agit pas, ainsi que je l'ai marqué précédemment, d'ériger ces élections en principe de lutte mais bien d'un moyen ponctuel d'apporter une aide à la classe ouvrière... Ce n'est pas nous trahir que de présenter une liste à des élections, c'est au contraire se trahir que de refuser que d'améliorer le sort des travailleurs où et quand c'est possible. Nous ne trahissons pas parce que nous n'érigeons pas la réforme sociale en principe, nous sommes des révolutionnaires : C'est trahir que de se faire élire -comme aux élections européennes de 1999- à des postes qui n'auront aucune valeur décisionnelle mais qui serviront juste de relais aux décisions des gouvernements bourgeois.
Nous ne devons laisser passer aucun moyen pour nous de nous faire connaître, de révéler les mensonges des bureaucrates, et d'aider la classe ouvrière...
Notre seul obstacle, notre réticence, c'est le risque de la bureaucratisation, de l'aliénation par le pouvoir et les fonctions qui pourraient être conférés à nos élus... C'est pour cela qu'un contrôle de nos représentants par le Parti doit être effectué constamment... Tout en sachant fort bien que seuls les syndicats sont les organes légitimes de la lutte contre la bourgeoisie...

Entre croyance et savoir. 2 mars 2000.
Pourquoi s'opposer aux organisations autoritaires ? Pourquoi les Anarchistes s'opposeraient-ils aux Partis et aux institutions religieuses ?
La croyance est une liberté, elle ne doit faire l'objet d'aucune restriction. Mais la croyance devient criminelle lorsqu'elle prétend s'ériger en Savoir. Nul homme n'est omniscient, nul individu ne peut prétendre avoir la connaissance : il n'a que des intuitions, des idées, une foi. Tout homme qui prétend détenir la vérité mérite une balle dans la tête. Tout homme qui masque des informations, qui se fait volontairement obstacle dans la recherche de la vérité doit être abattu sur place.
Pour agir, la société doit pratiquer la démocratie. Nulle opinion n'est absolument supérieure à une autre tant qu'elle n'a pas été confrontée scientifiquement avec la réalité. Mais ce point n'en fait nullement une vérité : le juge ultime est le peuple qui, en conscience ou en ignorance, confirme ou infirme les propositions des leaders et des organisations; le peuple peut se tromper, les anarchistes ont beau détenir la vérité, c'est à lui que l'ultime décision appartient légitimement.
Et cela parce que toute idée, agissant dans le cadre d'une société, de la Société, pour être légitime, doit être bénéfique à la société, et donc à tous ses membres si la chose est possible, à la majorité dans le cas contraire.
Nulle raison ne peut être invoquée contre ce principe élémentaire : la raison d'Etat n'existe pas. Elle est mise en pièces par la Raison du Peuple. Aucune poignée d'hommes ne peut prétendre agir par la force sous prétexte qu'il détient la vérité. Car même si c'est le cas, il doit avoir recueilli l'assentiment du peuple. Car sinon, il a beau travailler pour l'humanité, il s'oppose en principe à son émancipation.
Le Peuple a toujours raison parce qu'il subit toujours les conséquences.
Le Peuple a toujours raison parce qu'il est toujours majorité.
C'est pour cela que l'Etat, qui s'érige en juge suprême, est une machine de répression.
C'est au nom du peuple que nous invoquons la science et la démocratie. C'est au nom de ces dernières que je calomnie toute autorité comme étant anti-scientifique et anti-populaire, toute dictature (même celle du prolétariat) comme étant en principe contraire aux intérêts du peuple, contraire à toute philosophie révolutionnaire.
L'Anarchisme ne crache pas sur le fait religieux. Celui-ci est une croyance, une croyance liberticide, certes, mais qui relève d'un choix individuel et donc d'une certaine liberté, au même titre que l'Anarchiste a le droit de se lever et de crier "Ni Dieu ni Maître !".
Non : l'Anarchisme combat les institutions religieuses, qui transforment une croyance individuelle en pensée commune, en pensée unique, qui transforme des intuitions en dogmes. L'institution religieuse ou partidaire n'est pas une organisation : c'est une bureaucratie. Une bureaucratie avec ses chefs et ses bourreaux : ces individus s'immiscent entre les croyants et leur Idée, ils se font des courroies de transmission. En se proclamant médiateurs, ils prétendent connaître la Vérité. Ils tuent la croyance. Ils bafouent la démocratie et trompent le peuple.
Les institutions religieuses et étatiques doivent être balayées.
L'Anarchiste qui oeuvre dans ce sens est un Justicier.
L'Anarchiste qui combat contre l'autorité combat pour la liberté de croyance et combat pour le peuple.
Toute action révolutionnaire est une action populaire.
Tout mouvement révolutionnaire est un mouvement populaire.
Tout attentat contre toute forme d'autorité est une action libertaire.
Tout Anarchiste est un libérateur.

Les bolchéviks dans la Révolution Russe.
L'épisode de la révolution russe est fondamental dans la compréhension de l'histoire du mouvement ouvrier et de chacun de ses courants. C'est en analysant le rôle des anarchistes et des bolchéviks dans les événements précédant et suivant octobre 1917 que l'on pourra dégager des points d'appui pour appuyer une réflexion théorique et une réflexion contemporaine. Le marxisme enseigne qu'il ne faut pas s'attacher à la psychologie des personnages, que cela n'est que le côté subjectif des faits, que seule importe la réalisation pratique… Cependant, dans une analyse peut-être plus reichienne, il me semble qu'il est important de savoir ce que pensaient les différents leaders bolchéviques tels Lénine et Trotski : il est important de savoir si la fermentation du processus révolutionnaire après les journées d'octobre était dans l'optique des bolchéviques… Pour être clair : s'agit-il d'une dérive préméditée -ce que je ne crois pas- ou bien au contraire d'erreurs commises en toute bonne foi par les dirigeants du parti bolchévique… Il est certain que plusieurs faits nous empêchent de nous reconnaître dans l'action du Parti Communiste :
- Interdiction de la liberté de la presse
- Soumission des syndicats aux partis dans le cadre de l'Internationale Rouge et grâce notamment aux " 21 points "
- Interdiction des fractions à l'intérieur du Parti
- Interdiction des autres tendances se réclamant de la révolution (libertaires, SR de Gauche)
- Suppression de la liberté de Culte
- Vient ensuite le double jeu mené auprès des makhnovistes, traités tour à tour de révolutionnaires et de contre-révolutionnaires, les bolchéviks s'alliant à eux lorsque les circonstances l'exigeaient mais les déclaraient hors-la-loi une fois le danger écarté.
- Persécution des anarchistes et arrestation de leurs dirigeants
- Et également le problème de Cronstadt…
Tous ces points nous interdisent de nous reconnaître dans la politique de Lénine et Trotski après 1917. Mais une question se pose : est-il possible de se réclamer à la fois des écrits théoriques de ces personnages tout en reconnaissant qu'ils ont fait des erreurs ? Ne doit-on pas considérer leur pensée et leur action comme un tout ? Si leur action s'est révélée erronée en plusieurs points, n'est-ce pas justement parce que la théorie cloche ?
Même si Lénine n'avait pas prévu une telle bureaucratisation de son Parti, on ne peut que constater que celle-ci est le résultat de sa politique sectaire et dogmatique… C'est bien lui qui sans le vouloir a préparé le terrain au stalinisme…
Cependant, il faut bien reconnaître que le trotskisme a évolué : aujourd'hui, le CCI a fait de l'indépendance réciproque des partis et des syndicats un des points forts de son programme. Cela veut dire que le mouvement a su tirer des leçons des erreurs de ses fondateurs. Cela veut donc dire qu'ils considèrent ces erreurs comme des manquements ponctuels à la théorie, des manquements dus aux circonstances et au manque de recul que l'on pouvait avoir par rapport aux événements… Si les trotskistes ont su changer d'avis, je considère comme possible de condamner l'action de Lénine et Trotski tout en travaillant et menant des débats théoriques avec des militants sincères réellement épris de démocratie…
C'est là la différence fondamentale entre Lénine et Staline : l'un est un militant sincère qui a fait des erreurs, l'autre est un bureaucrate hypocrite, sournois et contre-révolutionnaire… Il s'agit certes d'une remarque subjective, mais celle-ci est cependant fondamentale : car la différence est grande entre ceux qui se réclament de la sincérité et ceux qui se réclament de l'hypocrisie, car ceux-ci peuvent nous trahir à tout moment.

Vers le Front Unique.
De ces réflexions vient celle sur le Front Unique. Il s'agit là d'une pratique traditionnelle du mouvement ouvrier : une alliance tactique sur des problèmes ponctuels entre tous les courants sincères se réclamant du mouvement ouvrier dans la perspective d'une action plus efficace.
C'est là l'objectif vers lequel nous devons tendre dans nos syndicats et nos partis : face à la Puissance de la Réaction, face à la situation d'éclatement à laquelle nous sommes tous confrontés, nous ne pouvons continuer le combat isolés… Tout en continuant à mener le débat sur des questions à la fois théoriques et pratiques, les mouvements révolutionnaires doivent désormais apprendre à travailler ensemble, pour que l'exemple de la CGT ne soit pas lettre morte. C'est ce qu'essaye de faire le PT : il œuvre dans la perspective d'une reconstruction de la 1ere Internationale. La lutte doit se faire de classe à classe. Et les barricades n'ont que 2 côtés…

Préparation de l'Intervention au Congrès de la CMJR du 11 mars 2000.
"Je suis monté pour dénoncer un problème qui est un grave obstacle à notre expansion. Nous savons tous ici qu'il n'existe plus à l'heure actuelle de véritable syndicat étudiant : l'UNEF-ID est quasiment un institut de formation des cadres du PS : on a bien vu lors des dernières grèves contre le plan U3M qu'il s'est révélé être un parfait briseur de mouvements... Il y a l'UNEF qui, lorsqu'il ne se révèle pas être une organisation politique stalinienne, a subi les conséquences de la fusion avec l'UNEF-ID... Et quant à SUD, on voit bien que, à l'image de ce qu'il fait dans les entreprises, mène une véritable politique opportuniste qui consiste à se lancer dans les mouvements lorsqu'il ne peut pas faire autrement, mais maintient la zone d'ombre en temps normal !
L'Université est en train d'être privatisée et les syndicats ne jouent pas leur rôle : nous sommes dans une totale désinformation, ce qui ne peut que faciliter le ministère dans sa volonté de rentabiliser l'Education Nationale. Seul un vrai syndicat peut regrouper les étudiants, qui ne demandent qu'à être informés et à bouger, et opposer une véritable résistance !
D'autre part, il y a un deuxième problème qui peut être plus ou moins grave selon les circonstances, mais qui est directement un obstacle à la construction de la CMJR. Quel est l'autre intérêt d'un syndicat ? Il permet d'accroître la conscience politique des étudiants... Sans syndicat digne de ce nom, ce n'est même pas la peine de penser avoir une quelconque implantation dans la jeunesse. Les étudiants étant plus ou moins coupés du monde du travail, ils réalisent moins la portée des réformes de la gauche plurielle : sans syndicats, ils sont désarmés... Ce sont les syndicats qui politisent les étudiants et les travailleurs et qui mènent ceux-ci d'eux-mêmes au militantisme politique !
Non seulement nous avons besoin d'un syndicat en tant que mode d'action, mais nous en avons aussi besoin comme outil de politisation des étudiants."

9 mars 2000.
Les questions internationales ne se posent pas en termes de nations, elles se posent en termes de Justice. On ne doit pas soutenir les luttes nationales mais bien les luttes révolutionnaires… Si, lors d'une insurrection contre l'Etat-oppresseur, le peuple choisit de poser son action en termes de " nations ", nous lui apporterons notre soutien, mais nous lui apporterons dans une optique révolutionnaire, et ce soutien se désistera dès que le nationalisme d'existence voudra se faire nationalisme de puissance…
Car reconnaître le concept de " nation opprimée " reviendrait à reconnaître celui de " nation oppresseur "… Dans une certaine mesure, il n'y a qu'un pas vers le national-socialisme et ses " nations prolétaires ". Car, en système capitaliste, il n'y a pas de nation oppresseur : chaque peuple contient son cortège de profiteurs et de prolétaires, chaque peuple contient ses oppresseurs et ses opprimés.
La nationalité est un fait historique et non un principe.
En tant que groupe ethnique, les nations ne doivent pas exister, elles doivent être balayées. Si ces questions se posent en termes culturels, nous prendrons le parti de la conservation de la culture, ou du moins de sa mémoire, tout en mettant en évidence le fait que la culture est un problème individuel, une richesse individuelle. La culture commune est une pensée commune.
Notre but final est la révolution sociale. Si nous soutenons l'élan révolutionnaire du peuple, ne le confirmons pas dans ses concepts éculés de droit à l'indépendance nationale et à l'auto-détermination, montrons-lui que l'oppression doit se poser en termes de classes, que toute création d'Etat-Nation ne supprime en rien l'oppression.

9 mars 2000.
Le socialisme anarchiste n'est pas " radical ". Ce mot ne signifie rien. Si par cela on signifie le terme " violent ", je répondrai que la violence et le pacifisme ne sont en rien des " valeurs ", ce sont des modes d'action. Seule la petite-bourgeoisie est effrayée par la violence.
La violence n'a rien d'un principe, et elle existe déjà dans le système capitaliste. Personne, à part les fous et les idiots, n'érige la violence en théorie révolutionnaire.
La seule doctrine révolutionnaire, le seul principe que nous puissions tolérer, c'est celui de Justice. J'ai en moi cette adoration proudhonienne de la Justice. Qui définit la Justice connaît les règles qui régissent le monde. Qui définit la Justice est détenteur de la théorie révolutionnaire par excellence. Car la Justice n'est pas qu'une " situation " morale ou matérielle idéale, c'est aussi la manière de parvenir à cette situation.

22 mars 2000.
La différence fondamentale entre le fait religieux et le socialisme, c'est que, alors que la religion est une morale révélée, le socialisme est la morale rationnelle.
Le fidèle est croyant parce qu'on lui a révélé l'existence de Dieu. Il n'en a pas fait l'expérience matérielle. De même, il ne peut prouver scientifiquement son existence… Sa fidélité ne provient pas d'une observation minutieuse et scientifique de la réalité ; il n'y a pas d'expérimentation possible dans le processus de recherche du divin. C'est là la différence entre l'idéologie et la science, entre croyance et savoir. Le socialiste ne croit pas : il sait. Parce que ses convictions se sont montées à partit de son expérience de la réalité. Parce qu'il a échafaudé des constructions théoriques, mais sur les bases de la réalité matérielle. Il a consacré l'indivisibilité de la théorie et de la pratique : c'est cet apport de Marx qui a bouleversé le socialisme et qui a fait d'une utopie une perspective.
Tandis que l'Eglise s'appuie sur des textes, nous nous appuyons sur des faits. Nous donnons aux hommes l'expérience concrète de nos théories et les moyens de les vérifier. Il nous est possible de les corriger.
La religion est une idéologie antiscientifique et fanatique ancrée dans les tréfonds d'une humanité bestiale, préhistorique et décadente. Elle est un obstacle à la marche de l'homme vers la Connaissance et le Savoir.

22 mars 2000.
Faisons de notre anarchisme un socialisme scientifique. Les libertaires crachent sur Marx, mais oublient un peu vite que Bakounine était marxiste. C'est Marx qui a théorisé la lutte des classes. C'est Marx qui a mis des mots sur des réalités. C'est Marx qui a élevé le socialisme au rang de science de l'émancipation et de la liberté.
L'Anarchiste qui renie ce passé renie tout fondement scientifique. Il enferme l'anarchisme dans un carcan d'idéologie. Si l'anarchiste peut aujourd'hui parler de classes sociales, s'il peut parler de révolution, ce n'est pas à Proudhon qu'il le doit… Si j'ai de la fascination pour les anarchistes individualistes, je ne leur accorde rien du respect que mérite tout fondement scientifique.
Il faut appliquer les méthodes scientifiques à l'anarchisme. Il faut faire l'expérience du passé sans rester sur des constructions théoriques préétablies. Seule la science peut faire de nous des visionnaires et des combattants.
Car si l'individualisme peut être fondé, ce n'est en aucun cas lui qui a déclenché les révolutions. Ce n'est pas lui qui a amené la classe ouvrière vers la conscience de classe, ce n'est pas lui qui, sachant faire de preuve de rigueur et d'analyse, a su entraîner les masse au bon endroit au bon moment. Les individualistes sont coupés de la classe ouvrière.
Voilà l'apport qu' a réalisé l'anarcho-syndicalisme : la création d'une doctrine ouvrière, d'une doctrine de masse ne se basant pas uniquement sur des facteurs purement psychologiques et donc subjectifs…

27 mars 2000.
Les classes sociales subsistent . La meilleure preuve en est l'affrontement entre le gouvernement et les travailleurs. Impôts, Enseignement, Santé, Chemins de fer : la classe ouvrière, par l'intermédiaire de ses organisations de masse, refuse de courber l'échine face à un gouvernement de pétainistes qui ignore ses revendications et poursuit sa politique de déréglementation contre sa volonté.
Ce sont bien 2 logiques qui s'affrontent. Et ce sont bien 2 classes sociales : la bourgeoisie assortie de ses émissaires politiques, contre les travailleurs et leurs organisations syndicales.

27 mars 2000.
Ce gouvernement bafoue la démocratie. Encore non élu, Jospin était plein de douces promesses : régulariser les sans-papiers, faire quelque chose pour les salariés de Villevorde, abandonner le plan Juppé… En 97, il reste muet face à la fermeture de l'Usine Renault-Villevorde, fait passer la circulaire Chevènement et remet en place le plan Juppé pour les retraites tout en privatisant et en bradant Santé et Sécurité sociale.
La logique libérale et de mondialisation est poussée à son comble. Jospin et consorts sont les valets du FMI, certes, mais le pire est qu'ils le nient, se faisant passer pour des modérés qui veulent " humaniser la mondialisation ", alors qu'ils pensent exactement le contraire, et qu'ils continuent leur politique de déréglementation et de destruction des acquis sociaux…
Par le dialogue social, ils intègrent les syndicats à la CES et en font de véritables instruments d'application des réformes, à tel point que lorsque ce sont les ministres qui abandonnent leurs mesures sous les coups de la pression populaire, ce sont les dirigeants syndicaux qui réclament leur retour, comme avec la réforme Sautter sur les Impôts…
On ne peut prétendre être démocrate et ignorer les grèves qui secouent le pays pour dire " Non à la déréglementation ! ". On ne peut prétendre être démocrate et détruire les organisations ouvrières. On ne peut prétendre être démocrate quand on mène un double langage et qu'on masque ses intentions. On ne peut prétendre être démocrate lorsqu'on fait des promesses que l'on oublie aussitôt élu. On ne peut prétendre être démocrate lorsqu'on pousse à son comble la désinformation…
Ce gouvernement est un gouvernement de pétainistes !

28 mars 2000.
Quelle belle politique que celle qui consiste à dire que les classes sociales n'existent plus pour justifier l'intégration des syndicats aux mécanismes d'application des réformes… Salariés et patrons auraient désormais les mêmes intérêts : mais depuis quand la classe ouvrière a-t-elle intérêt à ce que les conventions de l'OIT soient révisées, depuis quand a-t-elle intérêt à ce que les usines se ferment pour plonger les salariés dans le chômage et la misère, depuis quand a-t-elle intérêt à ce que l'Europe vaticane se remette en place ?
On a beau parler des nécessités de la société de marché à un ouvrier, il n'en acceptera par pour autant de perdre son emploi… C'est pour cela que la gauche plurielle est obligée de recourir à ce double jeu pour faire croire qu'elle mène une politique socialiste alors qu'elle obéit aux ordres du FMI : c'est parce que la classe ouvrière ne croit pas en un avenir meilleur, parce qu'elle exige des améliorations tout de suite ainsi que le maintien de ses statuts conquis de haute lutte… Pour appliquer sa politique, la gauche plurielle doit bafouer la démocratie et participer à la mise en place d'un ordre, mondial certes, mais totalitaire…

31 mars 2000.
Le fait religieux est certes condamnable mais, même si la formule peut paraître paradoxale, chaque individu a la liberté de croire, et même la liberté de s'aliéner… Cependant, il ne doit en aucun cas bâtir une hiérarchie, une organisation religieuse ayant pignon sur rue : parce qu'alors il franchit la sphère du privé pour entrer dans celle du public. La croyance est du domaine du privé. Le droit est toujours privé et c'est le devoir qui est public…
C'est pour cela que l'on peut amorcer un dialogue avec les croyants dans la mesure où ceux-ci sont d'infatigables partisans de la laïcité, c'est-à-dire de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, et du privé et du public…
La culture est du domaine du privé. Ce sont les croyances qui forgent les différentes personnalités : celles-ci ont donc une certaine part de légitimité. Mais les ériger en public, c'est les ériger en devoir et donc en Savoir. Non seulement ceci est illégitime d'un point de vue philosophique et scientifique (j'ai montré plus avant quel est le véritable caractère de la religion), mais aussi d'un point de vue politique : c'est la négation la plus flagrante de la liberté et de la démocratie !

1er avril 2000.
Je reviens sur ma vision des rapports humains. A une copine qui venait de lire ma chanson " Réalcynisme " et qui me demandait si c'était là ma vision de l'amour, je répondis " Plus ou moins ". " C'est pessimiste " me dit-elle.
Voilà le fond du problème. Elle n'avait justement pas compris que, d'une part ce n'était pas une vision personnelle se limitant à mon cas particulier et à ma personnalité, mais bien une tentative de définition d'un des rapports humains les plus complexes suivant les " règles " de la philosophie, et que d'autre part j'entendais montrer au contraire que ce n'était ni triste ni pessimiste, mais que c'était une réalité, et que ce qui était triste, c'était de se le cacher, de se mentir à soi-même et aux autres, parce qu'alors on rentrait dans une relation hypocrite érigeant le mensonge en rapport de couple, et qu'en même temps on se donnait une mauvaise conscience pouvant déboucher sur une destruction interne de la personnalité…
Je ne vois pas, moi, comment un fait purement contingent dans son existence, un fait incontournable, peut être qualifié de triste, de pessimiste, comment on peut le colorer d'une connotation négative. Ce fait est un fait, justement : dès lors, pourquoi, comme l'ont fait tour à tour religieux, romantiques, philosophes de salon, écrivains de tous bords, et désormais la quasi-totalité de l'humanité, se le cacher et faire de ce qu'on appelle amour un altruisme, un don de soi, une matérialisation de la générosité alors que, au contraire, il s'agit de la traduction la plus vile des pulsions individualistes de survie, de bien-être, d'épanouissement et de reproduction héritées de nos origines bestiales…
Le fait qu'une frontière de conscience nous sépare des autres animaux ne nous autorise pas à transformer chacune de nos caractéristiques en idéal et en valeur…
Je n'offre pas de connotation négative à ma vision de l'amour. Je me contente de la peindre, et je pense que seules des conséquences positives peuvent naître de cette sincérité des rapports humains. Basons-nous sur la franchise et non sur une illusion référentielle et rassurante, qui permet d'éviter un moment de s'interroger sur la nature de l'homme et de faire oublier aux anthropocentristes une réalité qui les dérange. On peut qualifier ce sentiment amoureux d' " égoïste " dans la définition qu'en offre le dictionnaire, mais non dans la définition que nous avons de ce terme lorsque nous l'utilisons tous les jours : l'égoïsme alors est une " valeur ", un trait de personnalité ; et dans la mesure où ce sentiment est commun à tous, on ne peut le qualifier négativement qu'en référence, par exemple, à la notion absolue d'idéal moral, de Justice… tout en sachant fort bien qu'il est vain de toujours aller contre son naturel car ce serait comme vouloir, une rame à la main, empêcher la marée de monter… Comme le disait Spinoza : surtout " ne pas rire, ne pas pleurer, mais comprendre ".

2 avril 2000.
A la suite d'un tel écrit, le risque est, bien entendu, qu'on me balance à la tête l'idée que je procède par induction et tente de faire de mon propre cas une généralité, que je décris ma propre personnalité… Je deviendrais alors le pire des égoïstes… Il est de bon ton dans ces cas-là de répondre par des considérations scientifiques prenant pour exemple d'autres sujets d'étude : on peut ainsi voir qu'un individu pleure de la même manière un de ses proches qui vient de mourir, et un autre qui est parti habiter si loin qu'il ne le reverra jamais… Inutile de citer des exemples précis : ce cas de figure est si courant dans la littérature internationale qu'on peut voir que l'idée est ancrée dans l'imaginaire collectif, sans que l'humanité en ait tiré des conclusions… Dans le cas cité, on peut conclure que si les rapports humains étaient basés sur l'altruisme et la générosité, l'individu ne pleurerait pas dans le 2e cas mais se réjouirait au contraire que son proche entame une nouvelle vie. Ce qui nous différencie de l'animal, c'est notre conscience, de soi et du monde qui nous entoure, mais ce ne sont pas nos réactions instinctives telles celle-ci car elles ne participent pas de notre conscience, et on peut affirmer que la culture n'a jamais réussi à supprimer ces réactions instinctives…
Les rapports humains sont tout entiers basés sur un rapport à soi. Lorsqu'on pleure la mort d'un être cher, on pleure les souvenirs qu'il nous rappelait, on pleure l'existence commune, on le pleure en tant que mémoire vivante de soi, mais on ne regrette en aucun cas que celui-ci ait perdu la vie : qu'il soit mort ou heureux et vivant à des milliers de kilomètres, la situation est la même dans notre inconscient puisqu'on ne le reverra plus. Les rapports à autrui ne sont pas basés sur une appréhension de l'autre en soi… Ainsi, dans la relation de couple, on n'aime pas son conjoint en soi : on aime ce qu'il nous apporte, la fierté que l'on peut en retirer lorsqu'on le possède (sa beauté, son intelligence, sa force, son talent, son humour,etc.). Ce que l'on nomme amour est en réalité une relation de possession guidée par un réflexe instinctif hérité de l'instinct de survie des animaux : il ne s'agit pourtant plus de suvie à proprement parler (il n'y a plus ni prédateurs, ni reproduction à accomplir pour la survie de l'espèce), mais de prestige, de conservation et de développement de soi. L'être humain, quoi qu'il puisse dire, est dans une perpétuelle situation de narcissisme et de flatterie de son ego : c'est dans ce cadre qu'il utilise autrui, pour flatter sa pulsion d'emprise et répondre à ses besoins inconscients d'égoïsme et de vanité…
Les actes que l'on pourrait qualifier de généreux ne sont en fait qu'une irruption et un sursaut de la raison dans un processus auparavant uniquement guidé par l'inconscient : il s'agit là d'un acquis né de notre culture, de notre force de volonté, que l'on a fait travailler par l'usage et l'apprentissage de la philosophie ou de la raison, qui tente de s'opposer à un instinct qui, si on le laisse faire, peut nous conduire aux pires excès… Bien entendu que le viol, le crime et la trahison sont dans la nature de l'être humain, tout comme chez les animaux : mais la différence est que ces termes font référence à des notions morales qui n'existent pas chez l'animal et que l'homme a inventé et construit dans l'absolu grâce à sa Raison, héritage de sa Conscience. Lorsque l'animal tue, comme il n'est pas conscient, il ne pense pas au fait qu'il est en train de commettre un meurtre ou une trahison. Le bien et le mal n'existent pas chez l'animal. C'est l'Homme qui les a définis, sans doute pour pouvoir lutter contre eux (ce qui est le premier pas de la conscience : ce que je peux faire, et ce que je dois faire) : il a ainsi créé ce qu'on appelle la culture, basée sur certaines références absolument rationnelles, purement humaines, et qui est un véritable récit de l'expérience de l'humanité depuis ses premiers âges, un enseignement, un guide pour la conscience, qui tâche de démontrer par l'Histoire pourquoi ce que dit la Raison est plus fort que ce que dit la Nature. Les conséquences des actes faits sous l'emprise da la Raison sont plus favorables à un développement de l'Humanité. Il y a là encore une notion de survie, mais elle n'est pas uniquement basée sur l'individu et dans un processus purement physique. Le sens ici est, face au problème que pose la contingence de l'existence humaine, et contre les prétentions religieuses, de tenter de définir un " but pour l'être humain ", une tâche que l'humanité, dont l'existence est privée d'utilité, pourrait se fixer…
C'est ici qu'il y a un rapport avec mes considérations sur la nature des rapports humains. Essayer de se mentir sur cette nature revient à faire un pas en arrière dans notre humanité. Au contraire de ce que pensent les pseudo-philosophes antrropocentristes, les rapports avec autrui tels que je les peinds ne sont pas " bestiaux " (dans le sens connoté moralement du terme) : ils SONT. Puisqu'on ne peut les anihiler, puisqu'il est impossible de supprimer le naturel, pourquoi tenter de le déguiser sous des mots emphatiques et des termes erronés ? Notre processus de recherche et d'accomplissement de l'Humanité (qui revient à, puisque l'on ne peut s'élucider soi-même, et quoique la psychologie ait répondu à une mince partie de nos interrogations, tenter d'approcher la Vérité en soi, la connaissance pure, absolue, tenter d'élucider ce qui nous entoure) est encombré par ces mensonges, ces faux termes. On ne peut connoter négativement que ce contre quoi il est raisonnable et possible de lutter : il en est ainsi pour les traits du caractère humain nuisibles à la société et que la Raison peut limiter…Je crois ainsi qu'il est important de bien définir ce qu'il est possible de définir : car on sait que contourner les problèmes, les masquer, n'est pas les résoudre, cela revient au contraire à créer des traumatismes et des névroses, qui ne feront que resurgir plus tard, faisant de l'homme un malade au lieu d'être un individu émancipé de la tutelle de l'envirronnement… Ainsi, on ne peut dire que l'Amour tel que je le présente est négatif, puisque c'est une réalité incontournable que l'on ne peut supprimer et qui est généralisée chez tous les autres humains : il s'agit donc d'une constante que l'on ne peut éviter et avec laquelle on doit composer pour la construction de la Société… En revanche, le crime, le viol, la trahison (pour ne citer que des exemples) peuvent être connotés négativement puisque ce sont des actes que l'on peut éviter et que, même si chaque être humain est capable de les perpétrer, chaque être humain est capable de les réfréner : il a pour cela besoin d'une bonne connaissance de soi, une connaissance sans fausses définitions et qui ne soit pas encombrée par la morale révélée, bourgeoise ou religieuse, qui n'a aucun rapport avec la Raison…
C'est en donnant de fausses définitions, en jouant avec les mots et les sens, en bannissant certains termes, certaines pensées, en en ancrant d'autres, en imposant certaines idées reçues dans l'inconscient collectif, par l'intermédiaire de l'Enseignement et de la Religion, relais de l'Etat et du Pouvoir Economique, que cette Société crée des frustrés, des abrutis, des aliénés, des opprimés…
L 'émancipation des hommes passe par l'émancipation des mots, par l'émancipation de la philosophie, que l'on doit dégager, comme toute science, de l'emprise du Pouvoir et des intérêts partisans.
Si les hommes ont choisi et su vivre ensemble, c'est par la prise de conscience du fait que l'Humanité, une et indivisible, ne peut avancer qu'unie vers le but ultime. C'est par l'établissement d'un Contrat social qui doit se retransmettre dans la culture, qui doit s'ériger en morale rationnelle et qui doit s'émanciper des pulsions et des jeux de la Nature qui mettent les plus faibles d'entre nous sous la plus néfaste des emprises : celle du Pouvoir. La tâche des philosophes et des socialistes est de bannir toute aliénation de nos discussions, de lutter contre nos pulsions quand cela est possible, de connoter négativement tout ce qui peut et doit l'être, de connoter positivement tout ce qui contribue à notre marche vers la connaissance en soi, vers la vérité absolue.
C'est pour cela qu'il faut reconnaître la vraie nature de nos pulsions, qui sont des processus chimiques et des conséquences de notre existence physique, c'est pour cela qu'il faut jouer avec notre nature de telle manière qu'elle ne soit pas " négative " mais positive. La Raison ne doit pas toujours combattre la Passion (la Nature), mais au contraire se combiner avec elle, la compléter, la pousser dans le bon sens… Car la Vérité absolue est la sommede l'infinité des vérités relatives. Et car la liberté de l'Individu n'est pas limitée mais multipliée, mise en abîme par celle des autres. Autrui est partie intégrante de notre dépassement du divin, de notre recherche de notre propre But.

7 avril 2000. Pour la Démocratie.
La démocratie est le seul système en harmonie avec le but des hommes tel qu'on l'a défini. Le but de l'humanité est l'humanité elle-même.
Se battre pour que l'Humanité atteigne le seul idéal qu'elle puisse se fixer, c'est être un humaniste. Etre un humaniste, c'est être un démocrate.
Aucun homme n'est absolument supérieur à un autre. Il est donc logique que soit écartée la conception voltairienne du " despotisme éclairé " et que le pouvoir soit remis entre les mains de tous, et donc dans le cadre de la démocratie. Ce terme signifie que le pouvoir appartient au peuple, et donc à tous, car c'est la seule manière, par le débat collectif, l'échange et le partage, de parvenir à notre émancipation. Cependant, si le pouvoir doit appartenir à tous, il est impossible de mettre le peuple entier au gouvernement : si tout le monde gouverne, qui sera gouverné ?
C'est pour cela que la démocratie exige l'abolition sans condition de toute forme de gouvernement…
Si une minorité est mise au pouvoir, on sombre dans une conception élitiste de la société, contraire à toute considération scientifique. Et malgré toute notre bonne volonté communarde (révocabilité des fonctionnaires, séparation des pouvoirs, contrôle des hiérarchies par la base…), toute hiérarchie entraîne inévitablement l'aliénation par la pulsion d'emprise des gouvernants.
On voit en fait que l'idée démocratique est confondue avec l'idée socialiste. La religion, par exemple, ne justifie pas en théorie la démocratie : parce qu'elle ne croit pas au but de l'humanité tel que nous l'avons défini, et parce qu'elle croit que les hommes sont sur terre pour expier par leur travail la faute que les premiers représentants de leur race ont originellement commise… Que lui importe une dimension politique ? L'essentiel est que les hommes se repentent. C'est parce qu'elle ne croit pas que l'humanité doit chercher seule son propre but qu'elle ne postule pas la nécessité de la démocratie : elle a opté pour celle-ci par pure démagogie, à la fin du XIXe, parce qu'elle voyait l'idée de royauté s'effondrer dans l'esprit du peuple et qu'elle ne voulait pas perdre son emprise sur celui-ci. C'est pour la même raison qu'une partie de l'Eglise a accepté l'idée de laïcité, de séparation de l'Eglise et de l'Etat… La Religion n'a qu'une vision spirituelle de la société : toute dimension sociale, économique, politique, est secondaire. A cause de cela, elle a bâti son triomphe sur le sang du peuple : l'apologie de l'idée d'Empire, la théocratie pontificale, l'Inquisition, la collaboration avec les fascismes et ses rapports avec les élites dans le cadre du capitalisme sont la preuve des prétentions absolutistes de l'Eglise.
Etre un démocrate sans être un démagogue, c'est nécessairement être un laïc. C'est nécessairement être un socialiste. La démocratie ne s'embarrasse pas de demi-mesures : il n'y a pas de démocratie possible en système capitaliste, tout simplement parce que la démocratie vomit le profit, parce que la démocratie c'est nécessairement l'égalité. Il n'y a pas de démocratie dans les régimes actuels parce qu'en démocratie les leaders n'ont de légitimité que si le peuple les soutient, et uniquement s'ils répondent à ses désirs… Ou est la légitimité d'un gouvernement qui a été élu avec plus de 50 % d'abstentions ? Ou est la légitimité d'un gouvernement qui continue la même politique malgré les grèves générales qui se succèdent ?
Il s'agit là d'une conception élitiste de la société : si les ministres continuent leur politique, c'est qu'ils estiment avoir raison, c'est donc qu'ils ne reconnaissent pas l'avis de la majorité descendue dans la rue pour protester, et c'est donc qu'ils ne reconnaissent la démocratie qu'au moment où ils ont été élu ! Tous les moyens sont bons aux démagogues pour parvenir au pouvoir. Les cris des 3 et 4 Juillet 1917 sont aussi les cris de l'An 2000 : " A bas les 10 ministres capitalistes ! "

8 avril 2000. Politique et Idéologie : Peuple et Avant-Garde.
Pour le révolutionnaire, 2 notions sont à percevoir : la politique, et l'Idéologie. La politique est la perception du présent et l'action immédiate pour la société. Elle signifie que le révolutionnaire agit pour satisfaire les aspirations, toujours immédiates et spontanées, des masses populaires. Il essaye de formuler leurs attentes et se " contente " d'essayer de les réaliser. La Politique est en fait le respect de la démocratie. L'Idéologie signifie que le révolutionnaire ne perd pas non plus de vue ses intuitions et les conclusions théoriques qu'il a dégagées de son étude de l'Histoire, et de l'histoire du mouvement ouvrier en particulier, de l'économie et de la philosophie politique. L'Idéologie est en fait le courant politique et historique dont un mouvement se réclame. Le révolutionnaire agit dans la perspective d'un projet, mais toujours en respectant la volonté des masses. Un mouvement ayant pour but l'émancipation de la classe ouvrière doit évidemment respecter les désirs de celle-ci, même si la conscience politique des masses n'est pas arrivée à maturité. Il défend la classe ouvrière, et lui soumet ses idées : il mène ainsi un immense travail de propagande, mais ne dicte pas ses idées, il n'essaie pas de se servir de la confiance populaire pour détourner les aspirations des masses à son profit. Il agit pour le peuple et non par le peuple. C'est ainsi que la démocratie trouve des défenseurs ardents. C'est ainsi que l'on voit la légitimité d'une organisation, notamment si celle-ci est au gouvernement : en dehors de tout projet politique, qu'elle a le droit légitime de posséder, une organisation est en dernière instance confrontée à la volonté des travailleurs. Le Parti Socialiste, qui a trahi son propre programme, et la confiance que les électeurs lui avaient accordée, et qui continue malgré les grèves massives que la classe ouvrière lui oppose, sa politique de déréglementation, n'est ni un Parti Ouvrier ni même un mouvement démocratique… Le Parti socialiste est l'émanation et la traduction politique de l'oligarchie bourgeoise qui possède le pouvoir. Ce gouvernement est un gouvernement de versaillais et de thermidoriens. C'est un gouvernement de bureaucrates, de corrompus et de fascistes.

9 avril 2000. Entre marxisme et anarchisme.
La Révolution n'est pas qu'un bouleversement de société, ou plutôt : le bouleversement de société est inséparable de celui de l'individu. C'est dans ce cadre que marxisme et anarchisme sont inséparables. L'anarchisme est une méthode d'émancipation de l'individu : il est le gauchisme de la pensée, pour lequel le moi ne doit subir aucune oppression et doit, par provocation et par principe, être l'insolence absolue. Le marxisme est l'anti-gauchisme : rationnel et scientifique, il se fixe pour but le renversement du rapport social d'exploitation, le capitalisme, et ceci en mettant de côté nos principes, en ne considérant comme juste que tout ce qui participe utilement à la victoire de la classe ouvrière.
La vision des anarchistes est un peu différente : parce qu'elle considère l'émancipation des hommes comme " préalable " à la révolution, alors que c'est le contraire pour les marxistes.
L'anarchiste doit affirmer sa personnalité, ne pas se fondre, ne pas se compromettre, ne pas se trahir, ériger en principes les traits de sa pensée, crier par provocation et à la face du monde la nature de son moi et ses idées, ne pas ramper, ne jamais courber l'échine, mais plutôt affirmer avec le grondement de la puissance la force de sa personnalité, plutôt mourir que de vivre à genoux, plutôt mourir que de se trahir un instant.
L'anarchiste affiche ses moindres pensées. Il refuse de se couler dans les moules. Il a le goût de l'original, le culte de l'Original. Il hait les modes et les tendances, les idées reçues et la société de consommation, qui aliène et qui tue l'esprit. Il hait la dépendance et les paradis artificiels, qui corrompent son esprit et l'éloignent de son but et de sa majesté. Il combat toute forme de drogue. Il lui faut par principe, par principe révolutionnaire, anarchiste, refuser de s'ancrer dans un mode de pensée, il lui faut rejeter les préjugés, mépriser les lieux communs. C'est pour cela qu'il ne suit pas les modes vestimentaires, qu'il hait les populismes, qu'il vilipende ces bœufs qui se rendent en cortèges vociférants reluquer le dernier match de foot… Il est intolérant. Il refuse tout ce qui le rapproche des foules : il ne doit pas s'y fondre mais s'en dégager… Et tout cela pour arriver à se détacher des instruments de masse : l'Eglise, l'Etat, le Capital et leurs outils, Education, mass media, lois et codes civils, police et armée… L'Anarchiste est puissamment fier. Il ressent au plus profond de son être les idées qui l'animent. Des cris déchirent son âme, et l'évocation des combats passés et à venir sont la cause des spasmes qui percutent sa poitrine. Il tambourine et martèle de ses armes les théories qu'il revendique…
Il doit avoir l'esprit de contradiction. Il doit rejeter toute autorité. Il doit s'émanciper à tout prix : plus son corps se sera démarqué socialement, plus sa pensée, par voie de conséquence, deviendra autonome. Il faut chercher plus loin en soi, fouiller toujours plus avant, détruire conventions et traditions qui servent de carcans et qui deviennent des carcans idéologiques. En marginalisant son personnage, on marginalise sa pensée et on l'émancipe de toute pression extérieure…
Alors seulement, après ce travail de sape et de destruction, on comprend ce qu'entendait Bakounine : " Toute destruction est créatrice ". Car alors il faut reformer son esprit, et cela sur de nouvelles bases. Alors recommence une intégration à la société, mais une intégration de façade. Après avoir appréhendé le processus révolutionnaire, il faut le penser, le comprendre, il faut préparer l'avènement du Neuf.
Il faut comprendre la science. Il faut comprendre le marxisme. Après ce nettoyage, l'Esprit ne sera plus comme avant.
Il faut acquérir de nouvelles notions : on vient d'expérimenter ce que doit être l'Homme Nouveau, on a perçu de près ce qu'est l'originalité absolue, il faut maintenant faire en sorte que ce nettoyage intérieur touche les autres… Les anarchistes " politiques " postulent qu'il faut attendre que tout homme ait fait ce nettoyage pour que la révolution se fasse. Cette considération est logique : si chaque homme s'émancipe, il n'y a effectivement plus besoin de révolution. Mais cette idée est utopique : car tous les individus n'ont pas la personnalité et les moyens psychologiques de comprendre par eux-mêmes pourquoi il est besoin de faire le vide, et il faut le leur apprendre. Or, les organisations anarchistes, si l'on met de côté les syndicalistes, sont calquées sur ce modèle : ne prévoyant pas de propagande, refusant de devenir des organisations de masse, elles refusent de devenir des organisations ouvrières et se coupent de cette classe. Comment pourraient-elles alors faire passer leurs idées ? L'anarchisme serait ainsi condamné à rester une idéologie marginale…
Il existe une méthode pour faire la révolution : c'est le marxisme. Il enseigne qu'il faut convaincre les ouvriers par l'analyse des faits. Il remarque que la violence que l'on utilise lors de l'affirmation de ses idées fait peur et propose donc de convaincre par la discussion, par la dialectique. On expose les faits et on démontre leur enchaînement logique. Il n'y a qu'ainsi, rationellement, que l'on peut convaincre les ouvriers que la Révolution est nécessaire. Il faut leur apprendre la nature de ce rapport social d'exploitation qu'est le capitalisme. Il faut étudier l'Histoire et voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, quelles méthodes sont justes ou injustes, déduire par l'expérience vers quelle organisation tendre et comment y parvenir… en ayant toujours à l'esprit que seule la Justice est envisageable.
Mais le marxisme n'élude pas l'anarchisme. Le révolutionnaire doit être émancipé à tout point de vue. Il doit convaincre mais aussi fasciner. Il doit montrer par son exemple personnel le visage de l'homme nouveau. La méthode scientifique du socialisme n'écarte pas l'Individu. L'individu est au centre du processus conscient, et son esprit contestataire est la garantie de son esprit critique. Marxisme et Anarchisme mélangent les 2 composantes de l'Homme : Passion et Raison s'entrecroisent pour faire du tenant de ces idées un théoricien de l'humanité. Sans moutons, pas de bureaucratie. Le révolutionnaire ne se coupe pas des masses, il agit par nécessité dans les Partis et les Syndicats, mais il conteste, il se détache, et jamais il ne se tait. C'est seulement ainsi que l'on ne trahira pas la Révolution, et c'est seulement ainsi que l'Humanité parviendra à son émancipation : par un prodigieux nihilisme scientifique !

16 avril 2000.
La réalité et l'actualité nous le prouvent : le Parti est le meilleur instrument de lutte politique. Lui seul peut coordonner et épauler efficacement les combats syndicaux. Lui seul peut fédérer les idées, les volontés et les combats… Aucune association, aucune autre forme d'organisation n'a su pour l'instant nous prouver qu'un autre chemin était possible… La FA existe, certes, mais ou sont son action et sa cohérence ? Seul le Parti forge la discipline que l'action requière… C'est là ce que la Révolution d'Octobre et sa préparation ont prouvé : mal structurés, manquant de recul, de perspective, et de lucidité, les Anarchistes, durant les Journées de Juillet, appelaient à l'insurrection immédiate et à la prise du pouvoir par les Soviets… Or, et Trotski le montre dans sa lumineuse Histoire de la révolution russe, si les masses étaient effectivement capables de prendre le pouvoir à ce moment-là, tout indique au contraire que, manquant encore de conscience et de volonté, n'étant pas encore poussées à bout, et au vu de la difficulté de la guerre civile, elles n'auraient pu le conserver… A ce moment, seul le Parti bolchévique, prenant le risque d'attirer sur lui la suspiscion, tout en accompagnant et en aidant les ouvriers à organiser leurs manifestations, essayait de temporiser, de leur expliquer que le moment n'était pas encore venu… L'Histoire lui a donné raison !
C'est grâce à sa dicipline (tout en excluant de ce terme les notions de hiérarchie et d'autorité) que le parti peut structurer ses ressources et faire preuve de cohérence et de lucidité dans son action et son appréhension des événements…
Mais le risque de la bureaucratisation est un point encore plus noir que la discipline n'est blanche… Le Parti est bien la pire des organisations (et pour reprendre une expression churchillienne) à l'exception de toutes les autres : nimporte quelle révolution, quelle que soit son ampleur, risque d'être balayée en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, trahie par ses leaders, et par la pulsion d'emprise qui a transformé en bureaucrates le terreau de la révolution. A tout moment, le Parti peut engendrer la contre-révolution la plus puissante, la plus dévastatrice qui soit…
En conséquence… Utiliser le Parti car, en l'absence d'un syndicat unifié et puissant, nous n'avons pas d'autre recours… Mais bien des doutes peuvent encombrer notre route. Bien des questions sans réponses : Y a-t-il un moyen efficace de se protéger de ses propres dirigeants ? La démocratie interne, la transparence, suffisent-elles à elles-seules pour empêcher le pire des crimes envers le peuple, pour empêcher nos plus grand héros de devenir nos pires ennemis ?

17 avril 2000.
L'apparence est une valeur bourgeoise. C'est ce culte de l'apparence qui contribue à créer une société basée sur l'hypocrisie et le mensonge. Et c'est cette société qui crée des frustrés et des aliénés… Le paraître cache l'être, il cache la vérité. A l'instar de Trotski, j'ose affirmer que " seule la vérité est révolutionnaire ". L'apparence vestimentaire, le " paraître ", tout cela est un paraître social : il s'agit de s'élever aux yeux de la société… Qu'est-ce donc que cette mentalité sinon une preuve de l'aliénation des individus par la morale bourgeoise : l'individualisme aristocratique ?
Cette question est à rapprocher de celle des mots. " Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, mais la poésie qui illustre le mot ", ou bien " le snobisme scolaire qui consiste en poésie à n'employer que certains mots et à la priver de certains autres " ou encore " ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse ", ainsi parlait Léo Ferré dans Préface… Le mot, dans l'expression, a moins de valeur que son sens. Les notions de langage vulgaire ou soutenu sont des valeurs bourgeoises : c'est dans une certaine manière ce que certains yippies revendicaient : une destruction de la symbolique bourgeoise, une épuration des valeurs et des traditions, le sacrifice de la tradition sur l'autel de la raison… Dans son livre Do it !, Jerry Rubin évoque la création d'un Front de Libération du Langage aux US pendant la guerre du Viet-Nam : n'est-ce pas la marche à suivre ?
L'emploi de " J'encule la guerre " au lieu de " Non à la guerre " occasionne-t-il une modification du sens de cette phrase ? Au pire, la première expression évoque-t-elle une affirmation plus violente : mais encore faut-il que le terme " j'encule " ait une connotation violente dans la bouche de celui qui l'emploie. Or, c'est le destinataire qui crée les connotations et les valeurs des phrases et des mots qu'il entend : dès lors, pourquoi employer un langage plus sain, si le destinataire peut de toute façon transformer chaque mot en insulte ? La vulgarité est une convention : elle participe de ce paraître social que j'évoquais plus haut, elle est encore et toujours une manifestation de l'éducation et du conditionnement bourgeois… Qu'est-ce que la vulgarité en soi ? Il semble difficile de prouver pourquoi tel ou tel mot est vulgaire… Il est vulgaire parce qu'on l'a défini comme tel. Et pourquoi l'a-t-on défini comme tel ? Dans la plupart des cas, c'est parce que (comme dans le cas de " bordel ", " enculer ", " bite ", " merde ", " chier ", " salope ") il s'agit d'un vocabulaire lié au corps, qu'il soit scattologique ou évoquant la sexualité… Pourquoi et par qui ces notion sont-elles condamnées ? On peut voir par l'examen de l'Histoire que c'est l'Eglise qui a condamné ces notions, et tout ça parce qu'elles se rapprochaient trop d'une humanité " naturelle ", parce qu'elles entraient en conflit avec l'idée d'une humanité créée par Dieu et se devant de respecter certaines règles : l'idée de corps n'est-elle pas une insulte à l'idée d'esprit ? L'esprit n'a-t-il pas, pour ces gens-là, 100 fois, 1000 fois plus d'importance qu'un corps qui va finir par disparaître alors que l'esprit, l'âme, elle, ve perdurer éternellement… L'évacuation des mots qui expriment ces idées est donc l'œuvre de la morale religieuse, reprise par la société bourgeoise et les élites, qui ont fusionné avec les élites croyantes, consacrant l'union -logique- de toutes les oppressions et de tous les oppresseurs…
Réutiliser ces notions, c'est donc faire référence à des valeurs que nous devons rejeter. La construction d'une société, d'une humanité nouvelle, passe par la destruction complète de ce qui existait auparavant, et d'autant plus lorsqu'il s'agit du patrimoine de nos pires ennemis.
Encore une fois : la Destruction est créatrice…

18 avril 2000.
Le débat sur l'évolution et la révolution a-t-il bien lieu de se faire ? (C'est d'ailleurs le titre d'un ouvrage d'Elisée Reclus) La Révolution EST une évolution. Mais elle est UNE forme d'évolution. Ce qui la met en valeur parmi toutes les autres, c'est qu'elle implique un renversement violent… Je peux montrer pourquoi cette violence est nécessaire, pourquoi cette évolution est la plus grande de toutes. En définitive, une révolte est un événement violent. Mais la Révolution, c'est un événement violent qui consacre, qui est la cause, d'une évolution. La Révolte et la Révolution sont 2 faits politiques, sociaux.
Si l'emploi de la violence est nécessaire, c'est parce que l'évolution ne peut se faire dans un autre cadre. La supériorité du révolutionnaire, c'est d'avoir compris la nécessité de ce processus, c'est d'avoir compris que l'évolution ne peut se faire sans violence.
Pourquoi y a-t-il obstacle à cette évolution ? Quel est le grain de sable dans les rouages de la gigantesque machine sociale ? Ce grain de sable n'en est pas un : il s'agit de la nature de cette macine sociale, ou plutôt, de ce rapport social d'exploitation… En démocratie, le peuple est censé être au pouvoir, il est censé prendre les décisions librement et ainsi en assumer pleinement et consciemment les conséquences. Il n'a pas à revendiquer puisqu'il lui suffit d'agir. Or, notre république a ses cortèges quotidiens de manifestations et de grèves, de protestations et, pire, de répressions… S'il y a manifestation, s'il y a répression, c'est qu'il y a contradiction entre 2 partis : en l'occurrence le pouvoir et la population… 2 logiques contraires s'affrontent.
C'est une vérité historique : tout ce que l'on considère aujourd'hui comme des acquis, tout ce que le peuple, et même (au moins dans les mots) le gouvernement, considère comme des valeurs, n'a pas été offert par le pouvoir. La Sécurité sociale, la journée de 8 heures, les retraites, la liberté d'expression, la liberté d'association et même les syndicats, tout ceci est le fruit de combats menés d'après les revendications de la classe ouvrière. Le gouvernement n'a jamais rien offert au peuple de sa propre volonté. En France, c'est sous les coups des grandes grèves de 1936, de 1968, c'est sous la pression des ouvriers armés par la guerre en 1945-46, que le gouvernement a du céder… et ne croyons pas qu'il a cédé sans se battre : police et armée, bourgeois et bureaucrates, tous se sont unis pour contrecarrer les volontés démocrates et démocratiques. Quotidiennement, c'est sous la pression populaire, sous la pression des syndicats vigilants, sous la pression des masses, que les autorités abandonnent leurs réformes…
Ne nous méprenons pas : si de tels efforts ont été nécessaires et le sont encore actuellement pour l'application de droits que nous considérons comme élémentaires, c'est parce que le Pouvoir n'est pas avec nous mais bien contre nous. La bourgeosie et l'Etat sont nos 2 pires ennemis, et nous menons des batailles quotidiennes pour notre protection, notre émancipation et notre épanouissement.
Le rôle de l'Etat tel qu'on nous l'annonce, le concept d'Etat, tout cela ne fait-il pas référence à la matérialisation, la sécularisation de la Justice ? L'Etat n'est-il pas censé être en place pour garantir la mise en place, justement, de l'EVOLUTION ?
Si depuis toujours il nous faut employer la violence : les manifestations, le boycott, le sabotage, les grèves et les émeutes, pour conquérir des droits démocratiques, n'est-ce pas plus logique, plus efficace, de conquérir ce Pouvoir qui nous mène la vie dure et puis de le fouler au pied pour appliquer directement l'expression de notre volonté ?
Hé : n'est-ce pas cela, la Révolution ? N'est-ce pas tout simplement l'érection de la volonté populaire en pouvoir populaire ? L'insatisfaction de nos revendications est notre légitimité première : nous voulons, nous exigeons la démocratie ! Le peuple exige ses droits ! Le peuple exige l'évolution sans laquelle il n'est rien ! Le peuple exige la violence qui, seule, lui garantit cette évolution ! Le peuple exige la Révolution !

19 avril 2000.
La tâche la plus dure pour le philosophe révolutionnaire, pour cet homme, ce " skeptikos " qui, comme le disaient les grecs, " fait profession de chercher le vrai ", et qui, comme je le dis moi, met tout en œuvre pour parvenir à la réalisation ou au rétablissement de la vérité, c'est de parvenir à se détacher des concepts éculés et des obscurantismes, c'est de parvenir à dépasser l'aliénation et la frustration, et c'est aussi de refouler la nature quand elle se met au travers du chemin que l'humanité consciente a décidé d'emprunter… La notion de moi, revendication étrange dans la bouche de quelqu'un qui se réclame de l'anarchisme, doit disparaître de toute application politique : je veux dire par là que l'égoïsme humain, présent dans chacune de ses actions, doit être combattu de toutes nos forces par le pouvoir tout-puissant de la Raison lorsque nous nous mettons au service du Peuple.
Sans pratique, les théories ne sont rien : les philosophes sont aussi nécessairement des soldats. Le marxisme libertaire, c'est la marche vers une philosophie de combat !

21 avril 2000.
Je ne demande qu'à croire en Dieu. Cependant, ma revendication, légitime entre toutes, est qu'on m'apporte la preuve de son existence. Certains fins penseurs m'objecteront que si effectivement il n'est pas possible d'apporter la preuve de l'existence de Dieu, il en est de même pour son inexistence : qui s'aventurerait à démontrer scientifiquement que Dieu n'existe pas ? Comment, ce serait à moi de prouver que Dieu n'existe pas ? Voilà un beau raisonnement scientifique : c'est en général le théoricien qui doit apporter la preuve de ce qu'il avance. Comme rien, si ce n'est les révélations de l'Eglise qui ne sont, comme leur nom l'indique bien, que des révélations (et non des preuves), dans ce bas-monde ne peut m'apporter la preuve matérielle qu'une entité supérieure créatrice de toutes choses existe ( comment les croyants peuvent-ils justifier leur croyance ?), je ne vois pas pourquoi, subitement, je deviendrai croyant ? Il me serait possible à moi aussi d'avancer toutes sortes de choses, les axiomes les plus incongrus et les moins vraisemblables, et de justifier mes théories par le fait que personne ne peut me prouver que j'ai tort… Le raisonnement scientifique, rationnel, ne raisonne-t-il pas par déduction ? La théologie, ne procédant pas de cette manière, ne peut en rien se revendiquer comme une science ! Quelle est donc sa légitimité dans sa prétention de connaître les causes et les remèdes des malheurs des hommes ? Il est impossible de s'appuyer sur de vieux textes écrits 2000 ans auparavant par les témoins d'une humanité barbare et crédule, bercée depuis toujours par l'idée que des forces supérieures existent, pour démontrer que Jésus, fils de Dieu ou d'autre chose, est bien le révélateur de je ne sais quelle prophétie…
Mais admettons. Admettons que Dieu existe : une entité absolue nous a créés, je le crois. Que faire alors ? L'Eglise nous enseigne qu'il faut obéir à loi de Dieu, que elle seule est d'ailleurs apte à transmettre, et que c'est la seule manière de parvenir à l'absolution de nos péchés. L'existence de Dieu et les postulats de l'Eglise justifient-ils à eux seuls mes prières ? Dieu serait un peu, pour prendre une comparaison qui nous est plus familière, à la fois le père et la mère de l'humanité. Nous serions donc les enfants de Dieu. Mais l'enfant doit-il sans cesse, sous prétexte que son père est son créateur, obéir à ses moindres désirs jusqu'à devenir son esclave ? N'existent-ils pas des tribunaux qui punissent ce genre de pratiques ? Et la Justice est censée être absolue… Doit-il implorer son pardon à chaque instant pour toutes les bêtises qu'il a faites ? Personne ne nous a enseigné cela, peut-être même pas l'Eglise elle-même. D'autant plus que l'ordonnateur, prêtre, n'est pas le père lui-même : il serait un peu comme le tuteur qui tiendrait les consignes de parents habitant dans un pays éloigné. Mais qu'est-ce qui nous prouve que les conseils et les ordres du tuteur sont les ordres des parents ? Rien.
Dois-je, sous prétexte qu'ils sont mes créateurs obéir à mes parents toute ma vie ? L'humanité n'a jamais vécu comme cela : si pendant une partie de sa vie l'être humain se contente effectivement d'imiter ses parents qui possèdent l'expérience de la vie, il n'en prend pas moins un jour son indépendance… D'autre part, rien ne prouve que, par le simple fait qu'il est père ou tuteur, l'adulte a toujours raison. Le père peut avoir tort contre son fils : et continuer à lui obéir dans ce cas précis relève de la plus immonde injustice. Dieu serait alors l'autocrate le plus parfait, et l'Eglise un groupe de Klaus Barbie en puissance…
Pourquoi les règles ayant cours sur Terre ne seraient-elles pas les mêmes dans le Ciel ? Est-ce qu'une position hiérarchique plus élevée donne droit à la dictature ? Aucune constitution civilisée ne mentionne cela ! Alors que nous nous battons pour l'émancipation des hommes sur Terre, nous devons de même, logiquement et légitimement, opposer notre raison critique à tout ce qui relève du soi-disant céleste…
Pour ma part, je continue à penser que la poignée d'individus qui prétend détenir la vérité et prétend se placer au-dessus des lois n'est qu'un groupe d'obscurantistes fanatiques qui, aliénés par le pouvoir, ignorants de ce qu'est la science, plongeant ses racines dans les balbutiements d'une humanité aveugle, cherche à manipuler, consciemment ou inconsciemment, mais en dehors de toute raison, des êtres humains qui essaient depuis quelques siècles à peine de s'émanciper et de devenir des êtres libres !
Ni Dieu ni Maître !

9 mai 2000.
Le Parti est bien la pire des organisations, à l'exception de toutes les autres…

10 mai 2000.
J'ose affirmer qu'il manque à Marx les progrès de la psychologie. J'ose affirmer poursuivre sa théorie de l'aliénation, anrichie par Freud, Reich, et les anarchistes. Marx, sur ce point, s'est montré sociologue en démontrant le caractère social de l'aliénation, notamment au sein du travail : mais si l'aliénation, tout bon matérialiste le sait, est sociale, il convient de l'étudier sur le plan psychologique. C'est la " configuration psychologique " de l'homme sui détermine son aliénation. C'est donc l'étude des carences de cette configuration, la mise à jour de son fonctionnement, de ses mécanismes, sa compréhension, qui permettent de voir et de comprendre pourquoi et en quoi l'homme est aliéné, et surtout pourquoi et comment il doit dépasser ce stade… La psychologie, conclusion reichienne, est bel et bien le facteur subjectif de l'histoire, et je pense utile de resituer l'individu au sein du marxisme. L'individu a tout son poids dans le processus révolutionnaire, et faire une étude psychologique de son comportement permet de nous affranchir à jamais du marxisme vulgaire, cet anti-marxisme stalinien qui supprime la notion d'individu, proclame que tout réside dans les masses, supprime la notion d'individualité, et fait le jeu de nos ennemis.

11 mai 2000.
Que ceux qui se proclament libertaires osent donc me refuser le qualificatif d'anarchiste sous prétexte que je me revendique du marxisme ! Ce faisant, c'est eux qu'ils assassinent. J'ose mêler les deux, j'ose dire que le marxisme, enrichi de la connaissance pleine et vraie de ce qu'est l'aliénation, est une science. La science est émancipatrice. Scientifique, cherchant à pas de fourmis le réel, l'homme s'affranchit de Dieu et se rapproche de lui-même, l'homme apprivoise la liberté. Messieurs les grands penseurs, le marxisme est libertaire !

12 mai 2000.
Tout ce que nous donnons à Dieu, nous l'enlevons à nous-mêmes. Tout ce que nous plaçons en nous, nous l'ôtons à Dieu. Le but de l'humanité est l'humanité elle-même !

13 mai 2000.
Je ne crois pas, je sais. Et lorsque je ne sais pas, j'espère. Je n'ai pas de hasards, j'ai des envies. Je me bats pour mes rêves, qui justement n'en sont pas, je défends mes certitudes. Je lutte toujours et j'espère, j'espère le Savoir triompher. Je me bâts sans relâche. Contre l'ignorance, l'obscurantisme, et l'abrutissement. Ma vie est un combat sans détours…

… et que vienne la tempête !

16 mai 2000. Le syndicalisme révolutionnaire : un mouvement politique ?

17 mai 2000. Histoire et Imitation.

19 mai 2000. Mouvements corporatifs : mouvements corporatistes ?

" Si nous pouvons prouver la justesse de notre conception d'un phénomène naturel en le créant nous-mêmes, (…) et, qui plus est, en le faisant servir à nos fins, c'en est fini de la " chose en soi " insaisissable de Kant " (Friedrich ENGELS, Ludwig Feurbach)

" L'Histoire de la Science est celle d'une approche toujours plus exacte d'une réalité toujours plus complexe " (Jacques BARROS, Le Marxisme, horizon indépassable)

" Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transfome " (Lavoisier)

" La nature n'a pas eu de commencement et n'aura jamais de fin. Elle a toujours existé et existera toujours. La matière ne peut être ni créée ni détruite. Nul besoin d'un Dieu extérieur pour la mettre en mouvement. " Le mouvement est le mode d'existence de la matière ". La vie est le stade biologique de cette matière en mouvement. Vie et mort sont inséparables. Vivre, c'est mourir ou, plutôt, muer incessamment. La " mort " n'existe pas. Il n'y a qu'incessante métamorphose.

21 mai 2000.
L'Homme, c'est la nature qui arrive à la conscience d'elle-même.

23 mai 2000.
Effectivement, l'idée de mort va avec celle que l'esprit existe, qu'il existe une " âme ", entité indépendante de la matière. Mais l'âme n'existe pas. Notre faculté de raisonner, notre faculté de ressentir des émotions, ce ne sont qu'un stade déterminé de la matière à une époque déterminée… Si nous ne sommes que matière, si sans nous la nature aussi est matière, si une fois que mon individualité a perdu ses facultés, la matière et la nature existent toujours, on peut dire que rien n'est mort… De poussière, je suis redevenu poussière. Certes, un individu n'existe plus. Mais un autre va naître. La mort en général n'existe pas. Des individus disparaissent mais ils se transforment. Je ne mourrai pas, je ne suis même pas né, je ne suis que le produit de certaines conditions matérielles. Je ne suis qu'un aperçu momentané dans l'histoire de la matière. Je suis une représentation événementielle. Je n'ai pas d'existence " en soi ". La liberté absolue n'existe pas. Je suis prisonnier de la contingence de mon existence, je suis prisonnier de ma condition, de cette nature que je n'ai pas choisie, qui m'est imposée. Ma liberté est une liberté conditionnelle, sous condition de la matière, et dans la stricte mesure où celle-ci l'autorise. Conquérir la liberté, c'est remplir toutes ces conditions. Conquérir sa liberté, c'est combler toutes les possibilités non astreintes à un strict déterminisme physique et mécaniste. Certes, l'Homme n'est qu'une étape dans l'Histoire de la nature, et si l'Homme lui appartient, il s'en détache aussi, par l'absurde, par l'épanouissement, par la conscience, c'est en cela que l'Homme est Histoire, c'est en cela aussi que, même non absolue, l'Homme est Liberté.

24 mai 2000.
Si l'on doit renoncer à l'éternité, la vie acquiert une valeur infinie. C'est aussi parce qu'elle promet à l'Homme la vie après la mort que la religion accorde peu d'intérêt, ou plutôt du mépris, pour les jouissances et les plaisirs. A l'inverse, toute doctrine anti-religieuse fait nécessairement l'apologie des désirs et pose, pour répondre au problème de la contingence de notre existence, la satisafaction de ces désirs comme but premier de l'humain. Satisfaire ses désirs, c'est satisfaire les particularismes du stade biologique de la matière. Satisfaire ces particularismes, c'est se détacher d'une stricte " utilité ", d'un strict déterminisme. C'est s'approcher de la liberté. Opposée à cette satisfaction, la religion s'oppose à la liberté.

25 mai 2000.
Je nommerais liberté ce qui est particulier à la fois à la vie et à la conscience. Bien sûr, notre liberté d'agir est une conséquence hasardeuse de l'état de la matière… Mais c'est une conséquence contingente, que certains peuvent nommer absurde, inutile, particulière à la conscience… L'animal n'est pas libre parce que, non conscient de sa propre nature, il ne peut s'y soustraire. L'être humain a entamé une quête de la connaissance. Celle-ci n'est pas absolue, mais elle est vraie. Car la science, cest la " technique de la connaissance ". Elle progresse à petits ou à grands pas, et ceci sur une droite infinie, mais elle progresse. Chaque jour, nous nous rapprochons de plus en plus de nous-mêmes. Chaque jour, l'Homme a de plus en plus conscience de lui-même et de ce qui l'entoure. Et en même temps, connaissant ce qu'est le mécanisme de la vie, il connaît aussi ce qui n'est pas nécessité. Il a ainsi la possibilité de s'affranchir de la nécessité, de " pratiquer " le contingent. Tout ce qui n'est pas strictement déterminé par la naissance, tout ce sur quoi l'Homme a prise, c'est la liberté. Toute structure qui s'oppose a cette contingence, qui renforce ou crée une force " déterminant " l'Homme, est contraire à la liberté. Ainsi en est-il de l'Etat, de la Religion, de la Propriété. Si la matière est déterminante, elle n'en est pas moins créatrice de liberté.
La liberté est le contraire de l'autorité. C'est le contraire de la propriété, puisque la propriété détermine et agit sur la vie d'autrui.
La liberté est le non-utile, le contingent, elle est l'adversaire de la nécessité.
La liberté est un luxe que seul le scientifique est apte à se permettre. L'Homme qui s'affranchit de la stricté nécessité de subsistance est un Homme libre. L'Homme qui progresse vers la Connaissance pure et absolue, vers la vérité vraie, vers la réalité en soi, est un Home libre. L'Homme qui combat pour que toute barrière autoritaire tombe est un scientifique et un Homme libre.

26 mai 2000.
Le matérialisme est cette philosophie qui n'admet d'autre réalité que la matière. En somme, elle procède comme la science… la matière est en effet la réalité perceptible. La pensée n'est qu'une manifestation particulière de la matière. Toute pensée à volonté métaphysique ne postule que la gageure. Faire de croyances des axiomes, voilà le plus grand crime contre la science, contre l'humanité elle-même. Organiser en institutions des regroupements de penseurs de Dieu, c'est donner à leurs croyances une portée universelle, une volonté hégémonique. Le matérialisme ne nous ment pas. Il ne bâtit en certitude que le vérifiable.

27 mai 2000.
J'accorderais ceci à Malatesta : l'idéalisation de la classe ouvrière, et d'autant plus à notre époque, est une mauvaise chose, ne serait-ce que parce qu' " idéalisation " renvoieà une notion contraire à la réalité et à " rationalisation ". Cependant, je n'en déduirai pas, moi, qu'il est aussi facile de convaincre un propriétaire qu'un travailleur. Si effectivement l'aliénation joue dans les deux sens, il est indubitable que le poids des contraintes sociales rend les travailleurs plus réceptifs à notre discours . Quant aux propriétaires , il leur est plus difficile d'adopter une démarche qui vise à les spolier. Tandis que les travailleurs sont aliénés par l'idéologie dominante et ses " conséquences pratiques ", ceux-ci le sont par la richesse et le pouvoir, et ils tentent de donner une consistance rationelle à leur aliénation en soutenant un point de vue individualiste aristocratique.
Certes, l'idéalisation de la classe ouvrière est passéiste. Mais n'en venons-pas à mésestimer le potentiel révolutionnaire des travailleurs. Il nous suffit de ne pas ancrer notre vision de la classe ouvrières dans l'époque bénie des hommes en bleu de travail surconcentrés sur les lieux de production… Avec l'avènement d'une production individualisée sur de petites unités, de la tertiarisation, etc., la classe ouvrière a bien changé et le vocabulaire peut prêter à confusion. Il semble bien que celle-ci ne représente plus que 27 % des emplois en France, et que ce terme en vienne à englober tous les travailleurs… Mais notre vocabulaire n'en est pas moins indispensable : il ne renvoit pas seulement à une tradition marxisante ou imprégnée d'une longue histoire de lutte, mais il est l'héritage de concepts qui ont encore cours. En effet, qui oserait douter du fait que Le Manifeste n'a jamais été autant d'actualité ? Ne changeons pas les mots, modifions les définitions !
Quant au fait que nous nous adressons exclusivement aux travailleurs, il s'agit d'une optique d'efficacité et de connaissance de ce que représente à tous les points de vue (des conséquences psychologiques de l'aliénation) l'opposition entre Capital et Travail.

27 mai 2000.
On dirait bien qu'un " anarchisme vulgaire " s'emploieà verser dans un " tout psychologique ", insistant sur des énormités : les plus fous sont les plus intelligents (le déliré sur les hôpitaux psychiatriques), et il est aussi facile de convaincre un bourgeois qu'un travailleur… L'inverse pour les marxistes vulgaires, qui mettent en avant un " sociologisme " rien moins que douteux…

27 mai 2000.
Et pour en revenir à cette question de définitions : être un militant ouvrier, ce n'est pas être un ouvrier militant… Ce n'est pas une position socio-économique, c'est une position politique ! C'est déterminer sa position de classe et dire : voilà, je suis du côté du Travail !

28 mai 2000.
L'idée géniale de Marx : constater que (toujours dans la logique hégélienne d'indissociabilité de la matière et de la conscience, et de celle, marxienne, de subordination de la conscience à la matière) la pensée est en rappoort avec l'ordre social. La philosophie fait intégralement partie de la " culture " et à ce titre elle n'est qu'une superstructure se bâtissant sur les infrastructures socio-économiques… Dans une société de classes, c'est la classe dominante qui impose son idéologie, qui devient l'idéologie dominante, soutenue par les différents instruments du pouvoir : Education, Médias, Lois, etat, etc. La philosophie n'est pas hors de cet " ordre des choses " : la philosophie n'a pas la réelle indépendance que sa réputation proclame. Pour Marx, donc, les philosophes pensent le monde, mais s'ils ne sont pas capables de déceler l'influence des infrastructures sur leur propre pensée, ils sont incapables de bien le penser… la philosophie, dans ce sens là, est belle et bien impuissante ! C'est la politique qui doit intervenir !

29 mai 2000.
Marx est donc bel et bien un anti-philosophe. Cependant, une contradiction subsiste : comment transformer le monde si on ne l'a pas pensé auparavant ? De même, sans sombrer dans le mécanisme historiciste, la pensée de Marx n'a pas surgi par hasard : elle est elle aussi le fruit de son époque ; elle est le fruit des conséquences de la révolution industrielle et de l'avènement du capitalisme : la prolétarisation, un contexte dans lequel les ouvriers, assimilés avec raison par les libéraux à des classes dangereuses, connaissent un niveau de vie inférieur à celui qui était leur au Moyen-Âge… Marx est le porte-parole historique de cette situation. Il était logique qu'en même temps que le capitalisme naissait, une critique du capitalisme devait naître… Marx lui aussi a pensé le monde mais il n'a pas tenté, comme tous les philosophes, de penser dans l'absolu tout en faisant abstraction d'un " contexte historique " , il a agi en scientifique qui essaie de comprendre toutes les interactions des choses entre elles, élargissant puisqu'il le fallait son sujet d'étude… Il a tenté de discerner objectivement les mécanismes les plus subtils, et il s'est ancré dans son temps, ancré dans la réalité. En un sens, il n'a pas " pensé le monde ", il ne l'a pas interprété : il a tenté de le définir ! La nécessité d'une transformation radicale était une conclusion logique : l'action politique est la conclusion nécessaire et logique de toute philosophie matérialiste.

30 mai 2000.
L'égalité absolue n'est pas notre but. L'égalité est subordonnée à la Justice. Parce que le droit doit nécessairement, malgré des critères égaux, être un droit inégal ! Parce que la -nécessaire- différence signifie en fait l'inégalité. Les hommes tels qu'ils ont été faits par la nature sont inégaux et il est nécessaire qu'ils le soient : cependant, c'est socialement que l'égalité doit se faire. Le socialisme doit " réparer " les inégalités naturelles, les " contrebalancer " par un droit inégal qui fait que, socialement, les hommes deviendront égaux. Le socialisme a rompu la contingence pour établir la Justice !
Ainsi, l'Handicapé peut compenser son infériorité physique par une supériorité matérielle… il en est de même partout : le Socialisme se place au-dessus de la Nature, parce que la Justice est à la fois un concept abstrait né des particularités de la conscience, et une notion rendue concrète par l'action de la société… La Justice, ainsi, est absolue, et l'homme s'affranchit à un tel point des lois mécaniques de la nature qu'il touche de très près la Liberté…

1er juin 2000. Propriété du Travail ?

2 juin 2000. Sur la nature de l'Etat.
La vieille querelle entre Clastres d'un côté, Marx et Engels de l'autre, semble avoir quelque solution. On peut, dans ce débat sur la nature de l'Etat, discerner 2 choses : l'origine de l'Etat, et les conditions de son maintien… La vraie question étant : l'apparition est-elle due à des motifs politiques ou bien à des motifs économiques ? Si la première réponse se trouvait validée, une grande partie de la théorie marxiste se trouverait remise en question.
J'examinerais le problème à partir de l'exemple franc, en particulier aux VIII e et aux IX e siècles. Chez les Francs, comme chez la majorité des tribus germaniques, le Pouvoir est issu du mund, symbolisé par la barbe et les cheveux longs : le guerrier le plus charismatique et le plus fort est reconnu comme chef… le pouvoir est donc de nature politique. Après avoir envahi et conquis le territoire français, les Francs essaient de mettre en place un pouvoir centralisé : ils renforcent cette structure par l'emploi de la vassalité, une notion issue de la commendatio romaine. Par ce système, un " petit " se recommande à un " grand " : il lui obéit en échange de sa protection et d'un " bienfait " (c'est-à-dire d'une terre). Malgré une tendance à ce que les bienfaits soient concédés de manière héréditaire (c'est-à-dire transmis de manière pérenne aux descendants du vassal, qui doit se contenter de renouveler le serment vassalique), la vassalité est bel et bien une structure privée : aucune loi, aucune juridiction n'en stipule les caractères ou prévoit des mesures de répression en cas de non-respect de la vassalité. La vassalité n'est garantie que par la bonne conscience et la bonne volonté des vassaux : cela exige l'existence d'une morale développée. Or, la morale chrétienne et l'universalisme chrétien n'ont pas encore bien imprégné les mœurs encore tâchés des vieilles habitudes germaniques : on préfère suivre celui qui rétribue le mieux la fidélité… Les vassaux sont ainsi corrompus. La théorie chrétienne n'est d'ailleurs pas encore bien en accord avec les principes de l'Etat : l'augustinisme politique, s'il postule que l'ordre doit régner pour que naisse la paix qui plaît à Dieu, dit aussi, avec le pape Zacharie qu'il " valait mieux donner la légitimité du pouvoir à celui qui en possédait la réalité plutôt qu'à celui qui ne la possédait pas "… voilà une idée contraire au maintien de l'Etat ! Ainsi, l'Etat repose sur la vassalité, ou les vassaux sont confondus avec les administrateurs, qui repose sur l'octroi de bienfaits aux vassaux. Ceux-ci sont corrompus et ignorent la morale chrétienne : la vassalité est donc bien facteur de désorganisation de l'Etat.
Ce qu'on peut tirer comme conclusion : l'Etat est d'origine politique. Pour se maintenir cependant, il faut que l'élite politique se confonde ou soit remplacée par l'élite économique. C'est elle qui finit par assurer le relais au vu de l'absence de légitimité de l'ancienne aristocratie : celle-ci fonde son pouvoir par le rôle qu'elle a eu dans le passé, et sa puissance présente n'est que fictive puisqu'elle ne repose que sur la vassalité. En revanche, la domination économique concentre entre les mains des puissants une force qui réside dans le fait que les rapports d'exploitation sont masqués. Intelligente, elle n'exerce pas le pouvoir elle-même mais le délègue, par l'intermédiaire de structures politiques qui le garantissent, à une oligarchie issue de ses rangs… on présente en effet l'Etat comme une structure à part : les hommes issus des classes possédantes n'auraient plus cette origine une fois rentrés dans l'Etat. Parce que l'Etat est au-dessus des contradictions de classes, parce qu'il est censé les résoudre : sa politique n'a plus rien à voir avec les schémas politiques…. Cependant, l'Etat, si sa nature et son origine ne laissent pas de doute, est bel et bien historiquement le défenseur des aspects économiques de la société.
" Le pouvoir politique n'est que le pouvoir d'une classe pour en opprimer une autre. " (Marx)

2 juin 2000. Sur l'expérience du Parti.
Le Parti est un microcosme. A chaque instant, il m'en apprend un peu plus sur la nature de l'homme. Il est rageant de voir que, alors que nous nous organisons pour lutter contre un ennemi " de l'extérieur ", nous sommes forcés de nous battre aussi à l'intérieur, au sein de notre propre organisation contre des gens dont à l'impression qu'ils ne sont pas du même combat que le nôtre… Des militants, poussés de toute évidence par la pulsion d'emprise, en viennent à confondre tous les cadres, à renier de fait les idées mêmes pour lesquelles ils s'étaient engagés. Voici ce que je constate tous les jours : des militants interviennent dans des réunions diverses au nom du Parti (en notre nom !) alors qu'ils n'ont pas été mandatés ; toujours suivant leur propre initiative, ils envoient dans la même enveloppe deux publications de 2 organisations différentes sous prétexte qu'ils appartiennent aux 2… ils confondent les cadres, pratiquent l'entrisme, bafouent à chaque instant la démocratie… je me pose cette question ces gens-là font-ils partie de la même organisation que moi ? Pour un pas que nous faisons en avant, ils nous en font faire 10 en arrière… ils entretiennent auprès de la population une image dépréciative, ils nous font haïr, il leur suffit parfois d'un instant pour compromettre un travail de longue haleine, qu'il se compte en heures ou en années… Que le contexte soit grave ou qu'il ne le soit pas, le problème est le même : cette aliénation que représente le pouvoir, qu'elle soit à petite ou grande échelle, est, à terme, la cause du même mal : la bureaucratisation, le stalinisme… Cela veut-il dire que l'Histoire se répète inlassablement ? Un parti révolutionnaire devient dictatorial, une scission donne naissance à un deuxième parti contestataire qui se veut révolutionnaire, et qui lui aussi mène à une deuxième révolution et une deuxième dictature ?
La solution serait simple : ne pas flatter les pulsions des hommes, ne pas leur fournir les cadres qui leur permettraient d'asseoir leur puissance… Les organisations anarchistes, associations absolues, si elles ont su sans doute montrer leur transparence et leur démocratie, en ont-elles pour autant fait preuve d'efficacité ? Non. Car elles mènent du même coup une position de principe qui est sectaire, et donc inefficace, ce qui veut dire illégitime. Car ce sont les Partis et les syndicats qui canalisent les forces du Progrès…
Car en même temps nous avons faits des progrès, et cela dans nos cadres. Ceux qui se réclament du trotskisme et du léninisme, à l'opposé des positions de leurs fondateurs, ne sont-ils pas aujourd'hui les défenseurs le plus ardents de l'indépendance réciproque des partis et des syndicats, et donc du respect des cadres et de la démocratie ? 90 ans plus tôt, dans les statuts mêmes du Parti bolchévique, ce point ne figurait pas. Et donc les choses avancent, des millions d'hommes ne sont pas morts en vain… et pourtant, quel sacrifice !
C'est le groupe social qui aliène l'individu. Ou plutôt, ce sont les productions du groupe social qui sont susceptibles de l'aliéner… Il s'agit donc de ne pas produire les marchandises, les structures, de la même façon ; il s'agit de ne pas en faire des fétiches… Dans le cadre du parti, la solution est trouvée : faire en sorte que les cadres laissent le moins de place possible à un individu . C'est le groupe social dans son entier qui doit agir. L'homme qui se détache nécessairement de la masse pour guider ne doit pas être un individu, il doit être un porte-drapeau. Il faut faire en sorte que les personnalités ne puissent pas s'exprimer en tant que leaders , que le Parti, organisation de la Raison, ne laisse aucune place aux pulsions. C'est là le suprême paradoxe de ma conclusion : l'Individu est dangereux. Si les personnalités s'expriment, elles ne doivent pouvoir le faire que dans le cadre restreint du Parti soumises aux règles fixées, et ne doivent avoir aucune prise sur l' " extérieur "… Il faut, pour que la pratique puisse aller de concert avec la théorie révolutionnaire, que la théorie fixe en pratique les structures de son propre développement. Les structures du Parti ne doivent pas être trop larges, pour ne pas laisser les individus ressortir de l'apparence uniforme de l'organisation. Nous sommes une organisation. Nous sommes derrière elle. Nous ne sommes pas un groupe d'individus. Si le dialogue existe nécessairement entre nous, nous ne devons avoir qu'une façade : c'est l'unité dans l'action…
Pour les bolchéviques, c'est ce que représentait le centralsime démocratique… Celui-ci est loin d'avoir fait ses preuves. Les structures les plus démocratiques exigent le fédéralisme. Pour qu'une organisation puisse être démocratique, il faut que ses statuts, ses structures son fonctionnement, soient le plus précis possibles, aillent plus loin possible dans la définition et l'interdiction. Il faut la transparence…
Une solution à terme ? La diversité. A l'intérieur du Parti, les personnalités doivent s'épanouir, s'exprimer, se confronter avec la plus grande violence. Tout doit être dit. Un groupe majoritaire, une tendance générale est déjà une insulte à notre projet et une menace. Quant au PT et à la CMJR, je n'attends qu'une chose, c'est que le nombre de trotskistes recule… moins nombreux, ils se sentiront moins grisés par la puissance… Mais n'est-ce pas là un point que l'on ne peut garantir ?
Voilà tout le problème….
C'est un thème qui se rapproche de la question de la place de l'Etat après la révolution. Si l'abolition de l'Etat est nécessaire, c'est parce qu'il est le plus gros instrument d'oppression de classe, et c'est surtout parce que sans Etat cette oppression est pour le moins impossible… C'est l'existence même des structures étatiques, créées historiquement par les hommes, qui est facteur d'aliénation et fait croire aux hommes que l'Etat existe depuis toujours et que la société sans lui ne peut tenir, leur fait oublier qu'il n'est qu'un stade déterminé de l'histoire humaine, existant à un moment, pouvant disparaître à un autre… sans structures étatiques, les oppresseurs ne peuvent asseoir leur pouvoir. Ils ont beau braquer leurs fusils sur le peuple, ils ne peuvent les tenir en joue à chaque instant. Et seules l'existence d'un corps de fonctionnaires, d'une police, d'un arsenal juridique et de toutes ces structures, le Pouvoir ne pourrait se maintenir bien longtemps.

3 juin 2000.
La peine de mort… elle représente une mesure irréversible qui, dans un souci d'équité et donc de légitimité, n'exige qu'une seule chose : que la Justice soit parfaite. Or, qui pourrait prouver que c'est bien le cas ? A Justice parfaite, système politique parfait…. Aux Etats-Unis, entre 60 % et 70 % de la population carcérale, et plus de 80 % des condamnés à mort sont noirs : cela est-il représentatif des 15 % de population noire dans tout le pays ? Des cas comme Sacco et Vanzetti, comme Hurricane Carter, comme Mumia Abu-Jamal, comme tous les détenus politiques innocents et condamnés à mort, le nombre incalculable d'erreurs judiciaires ne nous conduisent-ils pas à penser qu'il en est tout autrement ? La peine de mort contribue à la politique répressive mise en place dans les pays autoritaires pour maintenir l'ordre social : la peine de mort met en place un régime de terreur mis du côté des puissants pour éviter toute rébellion… Même si l'on écarte toute considération éthique sur le droit à la vie, on en vient inévitablement à cette conclusion : la peine de mort est l'arme d'une justice de classe, elle est l'arme de la dictature qui ne recule devant rien pour se maintenir au pouvoir.

4 juin 2000.
Nous avons toujours les mêmes en face de nous ; quant à nous, nous sommes toujours des hommes. Oui, c'est encore et toujours la lutte, toujours l'organisation, il n'y a qu'elle qui nous pousse. C'est grâce à elle que nous avançons.

4 juin 2000.
Le racisme. Une notion absente dans l'antiquité, née avec l'essor industriel et l'intensification de l'oppression économique, la concentration de l'esclavage vers l'Afrique ; une notion artificielle aujourd'hui employée par le capital pour diviser les travailleurs… Ouvriers, employés, ne tombez pas dans ce piège ! Vous êtes tous égaux et ceux qui prêchent le racisme sont aliénés par l'Histoire, sont aliénés par l'argent ! Le capitalisme a besoin du racisme pour asseoir son pouvoir : la droite a besoin de l'extrême-droite…

4 juin 2000.
Il est intéressant de voir comment ceux qu'on appelle les ultra-libéraux élaborent des théories dont la réalisation ne tarderait pas à sonner le glas de leur propre déchéance : l'abolition complète de l'Etat et des concepts moraux utilisés par toutes les autres tendances du capital (théorie des races, religion…) est un pain béni pour les socialistes… ce sont là toutes les barrières qui empêchaient les travailleurs de développer leur conscience de classe, de se révolter, de prendre contact avec nos idées…

12 juin 2000.
Qu'est-ce que l'aliénation ? Il s'agit d'un concept mis à jour et analysé dans les différents écrits de Karl Marx... Selon le marxisme, l'aliénation est le rapport de l'homme avec les fétiches, rapport qui se manifeste comme arrachement à soi et perte de soi. Mais expliquons-nous. Le lien que l'homme développe avec la nature est un lien dialectique : d'une part l'homme lutte contre la nature, tente de s'en détacher afin d' ²être humain², et il la " subjugue ", et d'autre part, de par son mode d'existence qui consiste à utiliser et exploiter la nature, il a multiplié les rapports avec la nature, à tel point que celle-ci lui est devenue indispensable... Ainsi, l'homme ne se développe qu'en rapport avec la nature, et son lien avec elle est un conflit de plus en plus aigü dans une unité de plus en plus étroite. Son activité ne s'exerce et ne progresse qu'en faisant surgir au sein de la nature un monde humain. Le monde humain est le monde des créations de l'homme : les objets, les produits de la main et la pensée humaine. L'homme ne peut pas se séparer de ses créations, et le rapport qu'il doit établir avec elles ne peut être que dialectique : c'est-à-dire que l'unité qu'il forme avec elles ne peut que s'établir dans leur opposition et l'exploitation. Cependant, le cours de l'Histoire a montré que certaines créations, certains artefacts, dès lors appelés fétiches, en viennent à prendre leur indépendance vis-à-vis de l'homme et ainsi à le dominer : c'est ce rapport de domination qui est appelé aliénation.
Pour l'homme, l'aliénation consiste en le fait que sa pensée, ses idées, ses créations lui semblent venues d'ailleurs que lui-même. " Les formes de son activité, de sa puissance créatrice, s'affranchissent de lui, et il se met à croire en leur existence indépendante. Des abstractions idéologiques et de l'argent à l'Etat politique, ces fétiches paraissent vivants et réels, et le sont en un sens puisqu'ils règnent sur l'humain ! L'être humain qui se développe ne peut donc pas se séparer de cet ²autre² de lui-même que sont les fétiches. D'ailleurs, les biens sans lesquels il n'existerait même pas une heure, et qui cependant ne sont pas ²lui², se trouvent indissolublement liés à l'exercice de ses fonctions et de ses puissances. La liberté ne peut consister dans la privation des biens, mais, au contraire, dans leur multiplication. Le rapport de l'homme aux biens n'est donc pas essentiellement un rapport d'asservissement, -si ce n'est dans une société où ces biens sont soustraits aux masses humaines et accaparés par une classe sous couvert d'une organisation et d'un fétichisme adéquat. Par conséquent, le rapport de l'être humain avec les fétiches diffère de son rapport avec les biens. Le rapport dialectique de l'homme avec les biens se résout normalement, et à tout moment, par une prise de conscience de l'homme en tant que vie propre et jouissance appropriée de sa vie, en tant que puissance sur la nature et sa propre nature. Mais, le rapport de l'homme avec les fétiches se manifeste comme arrachement à soi et perte de soi; c'est ce rapport que le marxisme nomme aliénation. Ici, le conflit ne peut se résoudre que par destruction des fétiches, par suppression progressive des fétiches, par suppression progressive du fétichisme et récupération humaine des puissances que les fétiches retournaient contre l'homme : par dépassement de l'aliénation. "
Il existe donc également un remède... et l'on voit aussi se dessiner la volonté marxiste de ²supprimer² l'Etat afin de dépasser l'aliénation politique de l'homme...
Pour moi, l'aliénation a d'abord un ²aspect individuel². Et les plus grands facteurs d'aliénation sont : l'argent, les drogues, le soi disant ²amour² et toutes les passions, la religion... tout ce qui est irrationnel et antiscientifique participe potentiellement de l'aliénation de l'homme. Le seul moyen de dépasser l'aliénation est de penser dans l'absolu, par rapport à la notion de Justice, et selon un processus similaire à l'expérience scientifique et qui consiste à dégager toute ²chose² de son contexte pour voir si elle est légitime, c'est-à-dire-rationnelle. La légitimité d'un état d'esprit, d'une création de l'homme, dépend de sa rationalité. Tout ce qui est conditionnement, préjugés, est aliénation et asservissement et n'a donc pas lieu d'être. Ainsi, les médias représentent à ce jour un des plus grands facteurs d'aliénation par ses mensonges répétés, sa mystification de l'être humain. Mais l'homme est surtout aliéné par sa nature : tout homme qui écoute ses instincts, ses pulsions, est asservi par elles et est aliéné. Car, qu'est-ce que Soi? L'homme est-il un être de nature ou de culture ? Il ne faut pas se poser la question de ce qu'EST l'Homme : car il EST tout ce qu'il fait. Chaque geste qu'il fait est une réaction de son moi, directement ou indirectement, que cette réaction soit naturelle ou conditionnée ! La seule chose qui compte est ce que l'Homme doit être : un être de Justice. Le Moi de l'Homme est un Moi Hors de l'Homme, universel et inhumain. L'être humain doit en partie tendre vers l'inhumanité ! Car : peut-on être aliéné par sa nature même ? J'affirme que toute Injustice est le produit d'une aliénation : l'Homme tout entier doit tendre vers ce grand but qu'est la recherche de la Justice, par l'utilisation de la Raison et l'interprétation du rationnel... Si, dans ce cadre, la Raison est un mensonge que l'Homme se fait à lui-même, elle est un pis-aller qui permet d'éviter une nature injuste... La nature de l'Homme est l'individualisme. L'individualisme est donc une aliénation : la pire d'entre toutes, car elle est le point de départ des atrocités les plus diverses, du capitalisme et de l'impérialisme...
Le seul moyen de dépasser l'aliénation, nous l'avons vu, est d'abord de prendre conscience de son aliénation, puis de rétablir avec les fétiches un rapport dialectique qui nous permet de rétablir l'unité nécessaire. Il faut donc que l'homme coexiste avec sa nature, sans laquelle il n'est pas homme, tout en se défiant d'elle par l'intermédiaire de sa raison. L'homme ne peut être un ²tout culturel² ou un ²tout naturel² : il est un produit de ces deux facteurs qui sont la raison et la passion, sans que la passion ne devienne une aliénation, et sans qu'aucun des deux facteurs ne cherche à dominer l'autre. Pour résoudre l'aliénation passionnelle, il convient donc de la ²penser², de l'analyser pour mieux la percevoir et la dépasser.
Suffit-il d'être maître de ses pensées pour l'être de ses sentiments ? Pascal disait à juste titre que "le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point". Les sentiments sont source d'inquiétude, d'excès et de déséquilibre... " Dès lors, on voit mal comment l'ordre de la pensée pourrait régner sur les sentiments", et il est vrai que ce n'est pas en croyant ne pas pouvoir aimer que l'on oublie l'amour. Toute la volonté du monde ne peut s'opposer aux sentiments ! Cependant, nous pouvons sans crainte affirmer, avec Spinoza derrière nous, que le simple effet de la connaissance, et de la raison, permet de limiter l'emprise des sentiments. Certes, l'homme est toujours soumis aux passions... et il est nécessaire qu'il le soit s'il veut encore être homme car la suppression des passions ferait de ce monde un monde vide, sans intérêt, et la connaissance pure, sans entraves, ne remplacerait pas le second but de toute vie humaine : la recherche du bonheur. L'homme doit avant tout chercher la justice, cela est vrai, et cela doit devenir sa principale préoccupation, mais les sentiments sont nécessaires tant qu'ils ne deviennent pas l'artisan de l'aliénation de l'homme. Certes, l'homme est toujours soumis aux passions, mais certaines passions sont légitimes, toutes les passions sont légitimes tant qu'elles ne sombrent pas dans l'excès, parce qu'alors elles deviennent aliénation. Et s'il n'est pas possible d'accéder à la maîtrise totale des sentiments, il est possible, et c'est un devoir, de dépasser l'aliénation par la raison.
Ce que je nomme donc aliénation ²naturelle² est le point de départ de tout. Pour moi, il n'y a pas vraiment d'aliénation politique : tout problème de la société est dû à une aliénation des masses, suivant leur position socio-économique, par le système. Par exemple, le capitalisme et ses injustices sont provoqués par l'aliénation, par l'argent et le capital, des chefs d'entreprises. L'action de ces hommes est directement issue de leur conception individualiste du monde, qui est elle-même le pur produit de leur aliénation vis-à-vis de leur nature. Il en est de même pour l'aliénation politique : les gouvernants sont eux-mêmes aliénés par le pouvoir qu'ils exercent. C'est la nature qui impose à l'homme son caractère individualiste... Je tire directement de cette analyse ma vision de la société et la nécessité de la destruction de l' Etat.
Est aliéné tout homme pour qui " a priori " tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui existe est immuable et légitime. Est aliéné tout homme séparé de la pleine connaissance des choses par un obstacle quel qu'il soit, pour qui toute création de l'Homme en vient à avoir une existence propre… L'aliénation fait de tous des victimes avant d'être des coupables, mais elle n'excuse pas tout. Le socialiste n'est pas un surhomme : s'il a su se débarrasser des chaînes de son esclavage, tout être en est capable et tout être doué de raison, c'est-à-dire tout être possédant les moyens de sa libération, devra répondre de ses crimes.

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13 juin 2000.
Le Parti agit comme un Etat en microcosme. La raison pour laquelle les libertaires sont contre le Parti est la même que celle qui les incite à attaquer l'Etat. L'Etat est un instrument de domination de classe. Le Parti également : et les bureaucrates se substituent aux bourgeois… Offrir des responsabilités à un individu est bien la pire des choses à faire : une organisation doit agir comme si elle était une masse : aucune tête, aucun nom ne doit s'en détacher. Les fonctions doivent être remplacées par des mandats (temporaires), les fonctionnaires par des délégués, contrôlés et révocables à tout moment. Les institutions d'une organisation sont notre seul rempart contre nous-mêmes et c'est à elles que nous devons bien faire attention, car l'homme est un loup pour l'homme.

14 juin 2000.
Dans ses textes, Lénine présente le passage du socialisme au communisme comme le résultat des habitudes prises par les habitants sous la dictature du prolétariat : en somme, l'Etat impose ce qu'il considère comme des " vertus ", et le peuple finit par appliquer ces vertus par réflexe… Mais n'est-ce pas là la description exacte de ce qu'est l'aliénation ? Pour que la liberté soit pleine, il faut que les hommes aient pleine conscience de leurs actes et qu'ils les revendiquent. La liberté, c'est hic et nunc. Sinon, cela revient à dire d'une part que les hommes ne sont pas capables d'appréhender la liberté, et donc qu'une minorité doit la leur imposer… parce que si l'Etat était vraiment le peuple tout entier, il s'imposerait des principes à lui-même, ce qui reviendrait à dire qu'il est capable de gérer ses actions lui-même, et donc que l'Etat est inutile. L'expression " Etat populaire " est un oxymore… Celui-ci est obligatoirement tenu par une minorité : la phase de transition est-elle une conception élitiste de la Révolution ?
Non, car je veux bien entrevoir la dictature du prolétariat comme une abolition de l'aliénation : mais celle-ci passe par une prise de conscience de la réalité par les hommes, et pour cela rien ne doit être imposé, car la contrainte est l'ennemie de la liberté et qui dit contrainte suppose que l'unanimité n'est pas faite sur un certain point… Or, c'est le peuple qui a toute légitimité, et non une pseudo avant-garde !
Pour la même raison que pour les institutions du Parti, les hommes doivent dresser un rempart contre eux-mêmes : et ce rempart est la dictature du prolétariat. Problème délicat à cause de la notion de dictature et de la nature de l'Etat, mais je ne crois pas tant que ça aux réflexes démocratiques spontanés des masses : le peuple agit comme démocrate aussi longtemps qu'il est opprimé, mais si le Parti peut lui permettre d'échapper à la misère et à l'oppression par un autre moyen que le renversement des structures existantes, il ne s'en privera pas.
Les réflexes individualistes des hommes se manifestent partout.

Je crois ainsi que la seulé idéologie qui convienne à l'homme, c'est celle de l'individualisme aristocratique. Seule la " bonne conscience " de l'homme lui permet d 'échapper à ses pulsions, ou sauf des institutions offrant un cadre précis, telle la dictature du prolétariat… aujourd'hui sans doute, bien que sur un autre chemin, j'en reviens à la notion de nécessaire aliénation.

14 juin 2000.
Pourquoi le marxisme est-il une science ? Parce que le propre de la science, c'est d'énoncer les lois fondamentales qui régissent son objet d'étude… Le marxisme, quant à lui, énonce les lois de l'Histoire : comment l'Humanité évolue et dans quel sens elle doit aller. L'Histoire, c'est l'histoire de la lutte des classes… Le marxisme est donc la science par excellence, car l'Histoire englobe toutes les autres sciences. Le marxisme est LA science humaine, la science de la liberté et de la libération.