Juillet 99.
Qu'est-ce donc que la Justice ? C'est l'égalité ! La justice
absolue, c'est l'égalité absolue. La liberté n'est que
la nécessaire concession faite à la passion, concession sans
laquelle l'être humain étouffe et ne peut être qu'un "robot"...
Car il ne faut pas oublier que la contingence de l'existence humaine ne peut
fixer comme but à l'humanité que la seule et unique recherche
du bonheur : quel bonheur trouverait-on dans une vie réglementée
par le pouvoir absolu de la Raison ? Mais comme le bonheur doit être
celui de l'humanité toute entière, il est nécessaire
que le système politique soit fait de telle manière qu'il permette
à chaque être humain de s'épanouir pleinement pour tendre
et aspirer librement au bonheur, pour pouvoir y avoir accès. La liberté
ôte sa rigidité et le caractère conformiste et "totalitaire"
d'une égalité absolue.
Juillet 99.
Doit-on accorder ses idées avec son tempérament, avec ses pulsions
ou ses sentiments ? Il semble important de comprendre que l'idée politique,
bien que propre à l'homme, est complètement détachée
de l'homme. Elle se réfère à la notion de Justice, qui
est indépendante de la nature de l'homme, raison exclue. L'homme est
un être abject, passionnément individualiste, amateur d'horreur
et d'illusions, et cette vérité ne peut entrer en compte dans
la recherche des idées.
Il existe en l'homme ce rapport dialectique qui fait qu'il est à la
fois un être animal pétri d'immonde, et un être qui recherche
un remède à cet immonde par l'usage de la raison. L'homme est
vil, certes, mais ce qui fait sa grandeur, c'est qu'il a conscience de cette
vilenie et de ce qu'elle entraîne, qu'il la condamne et la rejette dans
l'immoralité, et que par là il place la Justice au-dessus de
sa nature. L'idée politique est elle-même un médicament
prescrit par la conscience. Car cette conscience, non seulement existe, mais
peut parfois agir, par l'intermédiaire de la Raison, qui est en nous
une accalmie qui nous écarte d'une trop inhumaine humanité.
La Raison ne cherche pas à faire adopter un système politique
conforme à la nature passionnelle de l'humanité, elle rejette
au contraire par principe cette passion et prône la justice, qui n'existerait
pas sans l'homme, mais qui est aussi HORS de l'homme.
Il ne faut donc surtout pas tenter d'accorder idées et sentiments.
Les idées doivent être pensées dans l'absolu, et ne doivent
pas rechigner à écraser une pulsion lorsque cela est nécessaire.
La Justice ne demande cependant pas la destruction de la passion, celle-ci
peut être le point de départ de l'activité politique,
mais en rien sa motivation ou sa légitimité. Pour ne pas être
des robots, il convient de limiter, et non de détruire. Qui d'ailleurs
prétendrait détruire ce qui fait partie de l'homme ? Condamner
absolument les passions reviendrait à condamner partiellement l'homme,
et donc reviendrait à illégitimer la recherche de la Justice
POUR l'homme... Mais il n'y a pas de justice sans sacrifices, et la Justice
ne réclame ni supériorité absolue de la passion, ni infériorité
absolue. La Justice postule que l'Harmonie politique nécessite de réfréner
certains instincts, et la limitation de certaines pulsions antisociales dans
le cadre de ces rapports sociaux.
Toute idée politique doit être pensée dans l'absolu, l'individu
ne doit pas "choisir" ses idées en fonction de son caractère,
mais conformément à cette notion de Justice et à cet
idéal politique qu'elle représente. Il ne peut y avoir d'engagement
politique conforme à la personnalité.
Décembre 99.
Il est temps une bonne fois pour toutes de renverser les préjugés
et les illusions de la petite bourgeoisie "pacifiste", selon laquelle
"la violence ne sert à rien".
Il s'agit là assurément d'une hérésie -et j'aime
ce mot- historique montrant la méconnaissance et des mouvements révolutionnaires
et -pour ces libéraux qui condamnent la violence tout en prônant
le capitalisme, d'un "oubli" de la nature des rapports de production
capitalistiques.
Dire que "la violence ne sert à rien", c'est reprendre l'opinion
des François Furet selon laquelle "les révolutions ne servent
à rien", ces deux affirmations étant corollaires. Qui peut
dire qu'une révolution est inutile ? Les libéraux et les capitalistes,
qui ne renient pas la révolution de 1789, événement assurément
violent qui a instauré le règne du capitalisme ?
Condamner la violence, c'est aussi condamner la résistance au fascisme
: sans violence, pas de résistants en France entre 1941 et 1944, pas
de guerre entre 1936 et 1339 en Espagne contre les franquistes, pas de guerre
de libération où qu'elle soit, pas de résistance à
l'oppression. Cette opinion est déjà condamnable dans la bouche
des pacifistes, des Gandhi et des Tolstoï, des King et des Biko, qui
prétendent résister à l'oppression par la non-violence.
Le succès de cette tactique impliquerait que les oppresseurs aient
une conscience de la justice et qu'ils se rendent compte que l'oppression
est illégitime, mais s'ils savaient ce qu'est la Justice, ils ne seraient
en rien des oppresseurs ! L'oppresseur est parfaitement conscient de son acte
: comme le montre Friedrich Engels dans l'Anti-Dühring, repris dans Le
rôle de la violence dans l'Histoire, il n'y a pas, politiquement, de
violence "pour la violence". La violence n'est qu'un moyen politique
pour satisfaire un "intérêt" économique...
Et la non-résistance à cette violence revient à cautionner
le but poursuivi par les utilisateurs de la violence, ce qui, et notamment
dans le cas du fascisme, peut relever de l'Injustice... C'est ici que la phrase
de Malcolm X prend toute sa signification : "Et bien! J'estime que quiconque
se laisse brutaliser sans rien faire est un criminel... Si c'est cela qu'enseigne
Gandhi, si c'est ainsi qu'on interprète la philosophie chrétienne,
alors je dirai que ce sont là des doctrines criminelles !" Résister
à la brutalité, c'est une question de dignité humaine,
et de Justice. Condamner la violence "en principe" est une stupidité
théorique : comment pourrait-on condamner l'esclave résistant
à son maître ?
La violence n'étant qu'un moyen, c'est le but qu'il appartient de juger...
Il ne faut pas faire d'amalgame entre les méthodes utilisées
et le but poursuivi. La seule violence condamnable, c'est une violence "apolitique",
c'est celle que le vulgaire appelle "gratuite", l'ultraviolence,
la violence qui n'a de but qu'elle-même. C'est l'Injustice qui est condamnable,
et non une notion qui n'est pas "en principe" son corollaire.
Il y a ultraviolence et légitime défense, et la violence politique
peut avoir des points communs avec cette légitime défense. Comme
le disait Proudhon : "Les révolutions sont les manifestations
successives de la Justice dans l'Humanité". Et pourtant, il était
pacifiste... Mais blâme-t-on l'homme qui abat le dictateur ? Condamne-t-on
les révolutions américaine, française, anglaise, qui
permirent de renverser ou d'humaniser la féodalité ?
Car si les pacifistes sont d'ores et déjà des imbéciles
illettrés et ignorants, les libéraux sont d'autant plus condamnables
qu'ils se revendiquent de ces révolutions -bourgeoises entre toutes-
et de ces hommes qui, comme Casimir Périer, posaient en principe l'idée
que tout peuple devait se libérer du joug de l'oppression, mais postulaient
le contraire lorsque l'oppresseur se révélait être, non
pas l'aristocratie, mais la bourgeoisie, c'est-à-dire eux-mêmes,
comme ils le firent en réprimant les révoltes des Canuts à
Lyon en 1841 et 1843.
La petite bourgeoisie chercherait-elle à se donner bonne conscience
? Fait-elle semblant d'ignorer une violence qui, elle, est condamnable : celle
que le patronat exerce chaque jour sur la classe ouvrière ? Et cela
en ne lui offrant comme répartie salariale pour prix de sa force de
travail que le prix exact à payer pour qu'il puisse reconstituer cette
force et continuer à travailler le lendemain... N'est-ce pas la violence
la plus immonde, la plus immorale, que celle que l'esclavagiste moderne fait
subir tout au long de la vie à l'ouvrier son esclave ?
Ils sont beaux, ces grands penseurs qui veulent "humaniser la mondialisation"
et combattre la misère par l'humanitaire. Comme le disait déjà
Pouget, notre pamphlétaire prolétaire, dans Le Syndicat, et
ce dès 1905 (!!) : "Les groupements de charité n'ont jamais
porté ombrage à la bourgeoisie, qui sait fort bien qu'étant
de simples calmants ils ne peuvent à aucun titre constituer un remède
au mal de misère. L'espoir en la charité est un cataplasme somnifère
tout juste bon à empêcher les exploités de réfléchir
sur leur triste sort et d'y chercher une solution. C'est pourquoi les associations
mutualistes ont toujours été tolérées, sinon encouragées,
par les dirigeants." La violence est inhérente au capitalisme,
qui réalise l'exploitation de l'homme par l'homme !
Refuser de renverser l'oppression en disant que "la violence ne sert
à rien", c'est à tout le moins cautionner la violence des
oppresseurs ! Refuser une violence pour en légitimer une autre, n'est-ce
pas là, quand on est pacifiste, une incohérence ? Et si cette
contradiction peut avoir pour socle l'ignorance ou la peur, elle peut aussi
avoir comme base ce raccourci théorique, cette simplification à
l'extrême, ce vide de la pensée et ce double langage qui fait
que l'on crie PAIX le doigt sur la gâchette...
"La dictature révolutionnaire du prolétariat est un pouvoir
conquis et maintenu par la violence.", voilà comment parlait Lénine,
et voilà de quoi nos bons bourgeois ont peur : ils cherchent à
illégitimer notre colère et ses suites... Et il ne faut pas
se leurrer : l'Etat est lui-même un instrument de violence que la bourgeoisie
n'hésite pas à utiliser lorsque ses intérêts sont
menacés. Marx, puis Engels dans L'origine de la famille, de la propriété
privée, et de l'Etat, ont montré que l'Etat est un outil, non
de résolution des contradictions de classe, mais de maintien de la
paix sociale dont le bon fonctionnement de l'économie a besoin, pour
assurer la domination de la classe possédante sur la classe dominée.
Face à ce formidable instrument de répression, que peut-on faire
lorsque les conditions de vie deviennent trop dures ? Prôner l'exemple
et la conviction comme les Owen ou les Fourier ? Et là André
Brink avait raison : "Je vois, tu veux aller voir les patrons et leur
dire "Eh, ce n'est pas bien d'exploiter les gens..." C'est ce que
tu fais qui compte, le reste c'est de la merde !
-Mandla... Maintenant tu essaies de faire de moi un imbécile...
-J'essaie de te montrer que tu es déjà un foutu imbécile...
Alors, dis-moi, qu'est-ce que tu vas faire ?
Je l'ai regardé, coincé, furieux, impuissant."
L'émancipation des travailleurs ne peut se faire que par l'expropriation
violente des exploiteurs, et cela est une vérité historique
! Car peut-on dire que les événements de 1871, 1886, 1905, 1917,
1920, 1936, 1959, 1968, etc., n'ont servi à rien ?
Peut-on dire que le syndicalisme, qui parfois emploie la violence, ne sert
à rien ? Les gens qui disent cela né bénéficient-ils
pas des conquêtes sociales que les grèves violentes de 1936 avaient
réussi à arracher à la classe dominante ?
Une fois encore, il convient d'étudier avant de juger, il convient
d'être objectif pour savoir être digne...
19 décembre 99. Lettre à deux amis maoïstes.
(...). Pour en revenir là-dessus, le Parti des Travailleurs n'est en
rien un parti réformiste. Il n'a de cesse de condamner le gouvernement
pluriel et ses "alliés" : l'extrême-gauche "plurielle",
c'est-à-dire LO et la LCR, qui sont une grosse épine dans notre
pied puisqu'elles sont - à travers les médias - la "représentation
publique" de la contestation (mais de la pseudo-contestation) dans cette
"Société du Spectacle". Le programme du Parti est
le
suivant :
- reconnaissance de la lutte des classes et de la laïcité
- indépendance réciproque des partis et des syndicats
- abrogation des institutions antidémocratiques de la Ve République
- Convocation d'une assemblée Constituante qui décidera des
formes de la démocratie voulue par le peuple.
Comme vous le constatez, il s'agit d'un consensus assez large : il ne s'agit
pas ici d'une manoeuvre démagogique, mais de la réalisation
du mot d'ordre "L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre
des travailleurs eux-mêmes", et de notre volonté, celle
de réunir tous les courants de la classe ouvrière en un seul
et authentique Parti ouvrier. Les 4 courants du PT sont les suivants :
- Le Courant Communiste Internationaliste (CCI - trotskyste)
- Le Courant socialiste (Jaurès)
- Le Courant communiste
- Le Courant anarcho-syndicaliste (duquel je suis hautement sympathisant)
En me ramenant de la réunion du cercle la dernière fois, Daniel
s'est étonné (le mot est faible) que le tract sur la loi des
35 heures que je vous ai donné ne condamne pas les syndicats réformistes.
1°) Je ne sais pas ce qu'est un syndicat réformiste. Pour moi,
il y a surtout des directions syndicales réformistes... La bureaucratie
syndicale fait que la base est trahie par l'aile droite, qui regroupe en fait
les dirigeants (soit Blondel et Cie).
2°) Dans La maladie infantile du communisme, Lénine, s'opposant
aux gauchistes d'Allemagne, d'Angleterre, de France et des Pays-Bas, explique
pourquoi la participation aux syndicats réactionnaires, ou "jaunes",
est nécessaire. Une idéologie qui n'est pas capable de se développer
au sein du prolétariat, qui ne reste pas en contact avec la classe
ouvrière au sein des syndicats ou de certaines alliances ou partis,
est une idéologie de fond de tiroir, condamnée à s'éteindre.
Livrés à eux-mêmes comme unique auditoire, même
les militants les plus sincères se fourvoient, s'auto-convainquent,
et restent dans un cercle vicieux de mensonges et d'illusions.
3°) Notre travail n'est pas que de condamner, il est aussi de proposer
des solutions. Comme le disait Lénine, "sans théorie révolutionnaire,
pas de mouvement révolutionnaire". Et Marx savait que la réciproque
est vraie lorsqu'il écrivit "la théorie ne se vérifie
que par la pratique". Le mouvement révolutionnaire doit briser
les dogmes, les préjugés, la morale révélée.
La phrase "Le trotskisme est réformiste" est une hérésie,
qui relève d'un amalgame douteux entre LCR et mouvement trotskiste.
La IV e Internationale a fait scission il y a déjà longtemps
: le courant "pabliste" de la future LCR refusant de condamner le
stalinisme dans sa totalité pour finir par s'embourber dans le réformisme
le plus absolu (comme l'indique son programme, où l'abolition de l'Etat
bourgeois et du capitalisme ne sont pas abordés; ce qui montre une
volonté de REGULER le Capital et non de le renverser) et le courant
de l'OCI puis du PCI devenant à terme le CCI du Parti des travailleurs.
Divisé, le mouvement ouvrier ne peut engager la lutte. Certes, l'examen
de l'histoire est primordial, mais les faits historiques ne doivent pas servir
d'arguments politiques : seules la démocratie interne au sein du mouvement,
l'action politique concrète et efficace et la sincérité
théorique et politique peuvent être une preuve quant à
la légitimité d'un mouvement.
Lénine a fait beaucoup d'erreurs entre 1917 et 1924, mais il n'en reste
pas moins à mes yeux de communiste un peu libertaire (intéressé
par certaines idées de l'Opposition Ouvrière en 1921 - pas toutes,
attention !!) un révolutionnaire sérieux, sincère et
épris de justice !
La classe ouvrière n'a que faire des querelles de clochers, des dogmes
et des théories que les petits groupuscules qui prétendent la
défendre se jettent à la tête. Le communisme a beau être
un système d'idées, il est avant tout quelque chose de PRATIQUE
qui ne doit pas se contenter de penser et d'idéaliser la société
future, mais qui doit tenter de limiter, d'abréger, d'anéantir
les souffrances du peuple; qui ne doit pas mener qu'une lutte GLOBALE et "de
principe" contre le capitalisme, mais qui doit attaquer partout où
c'est possible le pouvoir de la bourgeoisie et qui doit préparer dans
chaque secteur, qu'importe le lieu ou l'époque, les conditions de son
renversement. Pour cela, il est nécessaire que les militants oeuvrant
dans le sens de l'émancipation ouvrière s'allient, faisant abstraction
de certaines querelles, fabriquant un programme avec leurs points communs,
et non leurs différences !
Non, le PT n'est pas réformiste ! Il s'oppose au "néo-totalitarisme"
(pour reprendre le titre de l'ouvrage de Roger Sandri) du capitalisme MONDIAL,
il s'oppose aux institutions bourgeoises et à l'exploitation permanente
dont est victime la classe ouvrière (régionalisation, destruction
des conventions collectives, abaissement des salaires et flexibilité
dans le but de créer une main d'oeuvre moins chère, destruction
des Etats-Nations - c'est la régionalisation - et renforcement du pouvoir
central de l'OMC, de l'ONU, de l'OCDE, de l'OTAN, du FMI, chapeautés
en majorité par l'impérialisme américain).
Le PT est favorable à la consultation du peuple, dont il sait que sa
suprématie, son autonomie, ne pourront conduire qu'au socialisme, quelle
que soit sa forme, et au but final qu'est l'abolition de l'Etat, la socialisation
des moyens de production, la création de véritables SOVIETS
non bureaucratisés ne devant de comptes à aucune autorité
supérieure, aucun parti, aucune pseudo "avant-garde"...
Seule l'union fait la force et je suis certain que celle-ci nous mènera
à la réalisation du slogan de Marx et de James Guillaume : "De
chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins."
La classe ouvrière, toujours debout, brisera ses chaînes !
(...)
Sur les libéraux. 18 février 2000.
Reprendre l'attaque contre nos vieux ennemis... Le démantèlement
des arguments des libéraux se fait par l'analyse de la définition
d'économie. On sait qu'Aristote la définissait comme l'ensemble
des biens que l'humanité utilise pour satisfaire ses besoins, et je
rajouterai que l'économie doit être essentiellement à
vocation humaine : elle est l'analyse des richesses que l'humanité
produit, de la manière dont elle les utilise et de sa façon
d'en disposer... Le but de l'économie est de rechercher un mode de
répartition des richesses qui créerait une situation optimale
dans laquelle toute l'humanité serait heureuse... Utopie ? Simple définition.
Car l'analyse économique tend vers ce but, et bien fou serait celui
qui prétendrait qu'elle y mène nécessairement.
Si Marx considérait les néoclassiques comme des penseurs vulgaires,
une certaine branche de ces "néo" se mit dans les années
30 à critiquer les thèses libérales. La théorie
du bien-être, menée par Arthur-Cécile Pigou, développa
l'idée que l'économie de marché livrée à
elle-même ne menait pas directement à la concurrence pure et
parfaite (et donc qu'une "main invisible" - selon l'expression d'Adam
Smith - ne permettait pas un équilibre spontané et quoi qu'il
arrive entre l'offre et la demande) et que 3 effets occasionnaient des dysfonctionnements
:
* le cas des biens collectifs, ou publics : dans une société libérale, sans Etat, et donc gouvernée par la recherche du profit, les chefs d'entreprises recherchent avant tout à maximiser leurs profits... Or, quel chef d'entreprise accepterait de produire des biens collectifs ? Ceux-ci ont 2 particularités : plusieurs individus peuvent en bénéficier en même temps, et la consommation de l'un ne réduit pas celle de l'autre. Citons 2 exemples avant de verser dans l'abstrait : l'éclairage public et les phares maritimes... Les consommateurs, et c'est l'expression de Milton Friedmann, ont un comportement de "passagers clandestins" : il est impossible de leur faire payer directement ces biens car ils annonceraient leur volonté de ne pas payer (sous le prétexte qu'ils ne désirent pas en bénéficier alors qu'ils désirent en bénéficier sans payer) : ils n'y a donc pas de taxe directe. Bref, quelle entreprise accepterait de s'occuper d'un marché non rentable ? Aucune. Et pourtant, ces biens sont nécessaires...
*le cas des effets externes : les effets externes sont la conséquence - positive ou négative - de la production. Ca peut être le cas d'une découverte faite par une entreprise au cours de sa production, ou le cas de la pollution rejetée par une usine... Qui va se charger de récompenser l'entreprise qui innove et dont la découverte profite au secteur de production, voire à l'humanité toute entière, ou de taxer celle qui exerce une trop grande pollution ? En 97, la conférence de Kyoto a essayé d'instituer un marché des "droits de polluer", autorisant les entreprises à payer plus ou moins selon la somme qu'elle verse... Mais le capitalisme étant un système décentralisé, sans instance économique supérieure, qui va collecter ces fonds ?
*le cas du monopole naturel : C'est la théorie du coût moyen
(coût de la production / nombre d'objets produits). Le coût moyen
de la production varie en fonction de la production : plus celle-ci est élevée,
plus les coûts moyens sont faibles. Ce qui fait que si une entreprise
se met subitement à produire beaucoup plus, elle va baisser ses coûts
de production : elle pourra donc aussi se permettre de baisser ses prix...
La baisse des prix va faire que les consommateurs vont avoir tendance à
acheter les produits de cette entreprise et que les autres sociétés
vont faire faillite... Ainsi, cette entreprise va se trouver en situation
de monopole dit "naturel", ce qui va lui permettre, étant
seule sur le marché, d'augmenter considérablement ses prix,
ce qui est contraire au cadre de la concurrence pure et parfaite, et donc
au cadre même du capitalisme de marché...
Pour la théorie du bien-être, la réponse est simple :
l'Etat ne doit pas être réduit aux fonctions régaliennes,
et il doit avoir un rôle économique... Il doit prendre le relais
du marché en cas de dysfonctionnement de celui-ci, prendre en charge
les secteurs économiques non rentables, nationaliser, taxer ou financer
les entreprises suivant leur politique...
Les libéraux ont eux-mêmes apporté à cette idée
une critique que l'on peut reprendre en toute légitimité : c'est
celle de la bureaucratie. Le fonctionnaire d'Etat se conduit au sein du service
public comme un agent économique : il essaye de maximiser son profit.
Pour cela, il essaye d'étendre le domaine d'action de son service,
tend à essayer d'accroître son pouvoir, etc. Ainsi, les libéraux
tels Hayeck entendent montrer que l'Etat n'est pas non plus à l'abri
des dysfonctionnements et qu'il ne sert donc à rien de recourir à
lui pour pallier aux insuffisances du marché... Cette "théorie
de la bureaucratie" est absolument fondée : l'exemple du détournement
de la révolution sociale russe par les apparatchiks bolchéviks
en est un vigoureux exemple. Mais cet argument nous montre aussi une contradiction
des libéraux : pour eux, le bureaucrate qui essaye de maximiser son
profit, il s'agit là d'un dysfonctionnement, mais le même schéma
de l'agent économique qui recherche du profit devient pour eux une
valeur quant il est appliqué à l'économie... Paradoxe
? Que peut-on en conclure ? Une idée pourrait être que les libéraux
sont des démagogues : ce qu'ils critiquent dans l'Etat, ce n'est pas
qu'il est un obstacle à la liberté, mais bien à LEUR
liberté, d'où cette contradiction... Les libéraux nous
rétorqueraient sans doute que ce comportement de profiteur est vertueux
dans l'économie car il contribue à la croissance : piètre
argument qu'il leur faudrait prouver !
Aux libéraux s'oppose aussi la voie des néo-keynésiens...
S'opposant aux Smith et aux Jansen, Keynes, s'appuyant sur les effets de la
crise de 29, pensait que l'équilibre normal d'une économie de
marché est un équilibre de sous-emploi : "le plein emploi
est rare autant qu'éphémère". Pour lui, cette logique
de profit conduit les patrons à moins payer leurs ouvriers, qui consomment
donc moins, ce qui a une action négative sur la production : ainsi
débute un cercle vicieux de "récession" économique.
C'est une critique en termes de croissance, et non "humaine"...
Pour J.M. Keynes, il s'agit d'augmenter les salaires (les écarts de
richesses sont néfastes à la consommation et donc à la
production) et d'embaucher pour augmenter la consommation, et jusqu'à
ce que l'on parvienne à un équilibre de plein-emploi : à
ce moment-là, le rôle régulateur de l'Etat sera fini...
jusqu'à la prochaine crise ? Cette analyse, si elle n'a rien de progressiste,
a au moins le mérite de reconnaître l'inhérence des crises
au système de production capitaliste... Quoi qu'il en soit, les libéraux
pensent que le seul obstacle au plein-emploi est ce qu'ils appellent la "rigidité
du marché du travail", c'est-à-dire le fait qu'il existe
des lois protégeant les travailleurs et le fait que ceux-ci soient
les créateurs d'un "chômage volontaire" (les travailleurs
ne veulent pas que leurs salaires baissent et c'est ce refus qui est la cause
du chômage) : le moyen de parvenir à la "fin du chômage"
serait donc la suppression des conventions collectives (c'est la politique
actuelle, grâce notamment à la loi Aubry sur les 35 heures),
des syndicats (c'est le concept de "dialogue social"), du SMIC et
du RMI (qui ôtent l'envie de travailler) et de tout ce qui contribue
à la résistance des travailleurs... Conséquence de cette
politique ? Pour les libéraux, cette flexibilité du marché
du travail devrait mettre fin à la "crise"... Mais on peut
aussi constater qu'après la politique de flexibilité inaugurée
par Mitterrand en 1982, le taux de chômage a plutôt augmenté
que diminué... La vraie conséquence, c'est que les travailleurs
ont un niveau de vie plus bas, une situation plus précaire (ils peuvent
être licenciés du jour au lendemain), et que, le meilleur exemple
est celui des Etats-Unis : les ouvriers sont obligé de multiplier les
petits boulots non qualifiés, ils ne bénéficient plus
de la Sécu, il existe désormais une médecine de riches
et une médecine de pauvres, la violence monte dans les banlieues suite
au désespoir que le chômage et la misère entraînent
(alors que les libéraux et les Mussoliniens comme Chevènement
ne savent pas faire la différence entre "révolte sociale"
et "comportement asocial" et qu'ils utilisent la violence policière
pour mater la rébellion) ; d'autre part, la suppression des conventions
collectives, telles celles qui interdisaient le travail de nuit des femmes
dans l'industrie et qui protégeaient le congé de maternité,
va conduire à une diminution du niveau de vie...
Et pour en revenir à notre première critique : Qui, parmi les
chefs d'entreprises, prendra en charge l'enseignement, la santé, les
retraites ? Personne, car il ne s'agit pas de marchés rentables. Ces
secteurs sont voués à disparaître... On peut également
citer d'autres exemples : dans le cas des médias, les patrons des grandes
sociétés d'information (AFP, Reuters, CNN, etc.), gouvernés
par la logique capitaliste, vont-ils diffuser des informations qui leur sont
défavorables ? Non, et c'est la fin de l'Information proprement dite
et de la Vérité : les médias deviennent un outil de mensonge
et de conditionnement. Aux Etats-Unis, les prisons sont privatisées
: des entreprises privées gèrent d'un bout à l'autre
le système carcéral. Elles ont donc intérêt à
ce que leurs prisons s'agrandissent, et donc pour cela que le nombre de prisonniers
augmente... Comment dans ce cadre envisager la fin de la peine de mort et
la simple notion de Justice ? C'est la même chose pour le marché
des armes : les capitalistes n'ont-ils pas intérêt à ce
que des conflits éclatent aux 4 coins de la
planète ?
Ainsi, si les libéraux disent avoir la même conception de l'économie
que nous, on a vu que c'est au contraire tout l'inverse. Ils n'oeuvrent pas
pour la liberté, mais bien pour la liberté aristocratique, notion
inhérente au mode de production capitaliste. On a également
vu que recourir à l'Etat est une vaine utopie : car le problème
n'est pas le libéralisme, c'est purement et simplement le capitalisme
dont le mot d'ordre "profit" est responsable de la plus monstrueuse
des exploitation, de tous les génocides et de tous les crimes par l'intermédiaire
d'un impérialisme assassin... La régulation est un beau mensonge
: la seule alternative est un socialisme de combat !
La question nationale. 20 février 2000.
Cette question a été au coeur des débats entre communistes
au début du XXe siècle, et notamment entre Lénine et
Rosa Luxemburg... Pour bien en comprendre toute l'ampleur il s'agit, loin
des élucubrations de Mommsen voire même de Fustel de Coulanges,
de resituer ce qu'est une nation.
Qu'est qu'une nation ? Comme le montre Bakounine, la nation est un fait historique,
et non un principe : c'est un épisode dans l'histoire de l'humanité,
lié à des conditions particulières (tout comme l'Etat),
que l'on n'érige pas en dogme parce qu'alors on transforme une réalité
en vérité absolue, alors que l'on sait que réalité
et justice sont deux problèmes qui n'ont rien en commun...
Durant la guerre de 1917, les bolchéviks, représentés
par Lénine, ont proclamé le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes. Pour Rosa Luxemburg, revendiquer ce droit, c'est légitimer
les nationalismes : les socialistes doivent être internationalistes,
c'est-à-dire raisonner en termes de classes et non de peuples. Raisonner
en termes de peuples, c'est raisonner en termes de nations : or, il faut aider
à l'émancipation des classes exploitées et non des nations
opprimées (les nations-prolétaires, ne s'agit-il pas là
d'un concept national-socialiste ?). Pour Rosa, on ne peut proclamer l'un
tout en proclamant l'autre : le prolétariat est une classe internationale,
qui n'a pas de frontières, et la révolution doit se faire mondialement,
pas dans un seul pays. Revendiquer le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes, c'est revendiquer une révolution nationale, et donc,
et dans le meilleur des cas, le socialisme dans un seul pays (et l'on a vu
ce qu'une telle doctrine a
causé en Russie : la mort de l'idée de la révolution
socialiste mondiale et le renforcement de la bureaucratie... De même,
en système capitaliste, les bourgeois étant détenteurs
de l'idéologie dominante, ce sont eux qui vont mener le combat pour
la libération nationale : ce qui laisse augurer peu de chances de succès
pour le socialisme... De même, Marx et Engels n'ont pas laissé
un corps de doctrine défini sur les rapports internationaux. Dans leurs
schémas, la nation ne joue qu'un rôle subordonné. L'essentiel,
c'est la révolution, la lutte des classes, la libération des
hommes. L'opposition est profonde entre l'idée de classe et l'idée
de nation. Le fait national, bien qu'existant encore, doit être subordonné
aux intérêts de la Révolution. Et l'Etat-nation est le
produit de l'âge du capital, il disparaîtra avec le capitalisme.
Marx n'ayant pas laissé son avis sur la question, plusieurs idées
s'avancent : celle des austro-marxistes (menés par Otto Bauer) qui
pensent que les revendications nationales permettront aux socialistes de se
dégager des problèmes du nationalisme d'existence et de se consacrer
ainsi tout entiers à la révolution sociale; celle aussi de Rosa
et de Radek, dont on vient de voir le point de vue, et qui considèrent
les autrichiens comme des réformistes et les léniniens comme
des opportunistes; Car quel est le point de vue de Vladimir Ilitch ? Pour
lui, le facteur national va permettre l'émiettement des grands empires
centraux (nous sommes là dans le contexte du début XIXe), et
c'est pour cela qu'il condamne les internationalistes, d'autre part, la reconnaissance
des nationalités, leur différenciation, va poser le problème
d'une société socialiste comme une fédération
de nations, ce qui, en tant que partisan intransigeant du centralisme, lui
fait horreur. Le "droit à l'autodétermination", pense-t-il,
va lui permettre d'échapper à ce problème (article 9
du programme social-démocrate de 1903). Pour Lénine, si ce droit
est reconnu, les nations opprimées se tourneront vers les bolchéviks
et, une fois la révolution nationale achevée, celles-ci, rationnelles,
ne tarderont pas à demander à être intégrées
à l' "Union Soviétique". Ce que Lénine a cependant
laissé de côté, c'est que, si l'on ne raisonne pas à
la seule échelle de la Russie de 1917, un long moment peut s'écouler
entre la révolution nationale et la révolution socialiste :
et durant ce temps, les nouveaux Etats-Nations ont le temps de se bureaucratiser,
de s'embourgeoiser, de passer d'un nationalisme d'existence à un nationalisme
de puissance.
C'est cependant pour des raisons différentes que Staline s'est opposé
à Lénine, qui l'a d'ailleurs laissé faire. Pour lui,
raisonner en termes de classes, être un "bon communiste",
c'est revendiquer non le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
(car les bourgeois sont alors intégrés dans cette définition
de "peuple") mais celui des classes : l'autodétermination
devant automatiquement se décider par un référendum (ce
qui permet aux bourgeois d'imposer leurs idées chez les ouvriers),
il convient plutôt de laisser décider les masses, et donc leur
avant-garde : le Parti Communiste... cette idée n'était pas
celle de Rosa Luxemburg, Staline entendait par là inféoder les
différents partis communistes à celui de Russie pour qu'ils
demandent leur rattachement...
Il n'empêche cependant que le gauchisme de Rosa Luxemburg est utopique
et ne permet pas de résoudre tous les problèmes, notamment actuels...
On sait que la politique du capitalisme international est de détruire
les Etats-Nations pour pouvoir casser les conventions collectives défendues
par le modèle étatiste keynésien au sein de chaque Etat
et pour pouvoir flexibiliser le marché du travail. Ainsi, même
si la critique que l'on a opposée à Lénine sur la différence
de temps entre les 2 sortes de révolutions est toujours valable, il
est clair que revendiquer l'autodétermination, c'est revendiquer la
création d'Etats-Nations, c'est donc mener une politique opposée
à celle du capital et c'est donc une politique révolutionnaire.
Le Gauchisme est néfaste à la Révolution car, se disant
anti-opportuniste, il confond l'opportunisme et les étapes révolutionnaires
vers le socialisme. Car il n'est pas prouvé qu'il est plus difficile
de mener une révolution mondiale lorsque le nombre d'Etats-Nations
est 3 fois plus important : c'est même le contraire, car on peut présager
que les différents Etats passeront leur temps à s'opposer, ce
que nous, mouvement international au service d'une classe internationale,
pourront exploiter pour unir nos forces et mener la révolution mondiale...
On pourrait m'opposer la même critique que Rosa Luxemburg adressait
à Lénine : les socialistes ne détiennent pas l'idéologie
dominante, et le soutien apporté aux nationalistes par les socialistes
pourrait conduire à un amalgame dans l'esprit des travailleurs : de
plus, une fois le peuple opprimé dressé en Etat-nation, la "bourgeoisie
nationale" pourra à loisir inculquer son idéologie aux
travailleurs (que ce soit le nationalisme de puissance, c'est-à-dire
le fascisme ou le néo-fascisme, ou le libéralisme) et ainsi
former contre nous une fraction ouvrière embrigadée par les
idéologies bourgeoises et sur laquelle il nous sera difficile d'exercer
notre propagande socialiste.
Mais le tout est de mener une campagne pour l'autodétermination au
nom de la lutte contre l'impérialisme et non au nom du nationalisme.
Il ne faut pas faire perdre de vue aux travailleurs que la révolution
nationale n'est qu'une étape et non un aboutissement. Notre soutien
à l'autodétermination va nous apporter auprès des masses
un soutien qu'il va falloir utiliser pour, si cela est possible, nous faire
élire à la tête du gouvernement et mener une politique
de réformes sociales (tout en ne perdant pas de vue que réformer,
ce n'est pas révolutionner, que seule la révolution mondiale
est acceptable, et que le socialisme dans un seul pays, cela ne peut fonctionner
"a priori" que dans un pays avancé industriellement) ou bien
de constituer un Parti puissant et des syndicats révolutionnaires capables
d'aider à la lutte contre l'idéologie dominante, accélérer
le processus de conscience de classe et préparer la révolution.
Que retenir de tout ça ? Notre but n'est pas de défendre "en
principe" la nation, mais de nous opposer au capitalisme et à
l'impérialisme partout ou c'est possible. Notre but est d'aider à
la constitution d'Etats-nations dans la mesure ou -directement ou indirectement-
nous pourrons avoir prise sur cet Etat pour le renverser ultérieurement...
Il est bien sûr hors de question de défendre les mouvements fascistes
contre les capitalistes et il faudra savoir condamner les 2 tout en optant
pour la solution qui nous rapproche le plus de notre but final : la révolution
mondiale. Il faut savoir dresser les bourgeoisies nationales les unes contre
les autres et appeler à la solidarité entre les classes des
nations impérialistes et des nations opprimées. Si cette solidarité
peut nous éviter l'étape de la révolution nationale,
alors il faudra sauter sur l'occasion. Car il n'est pas dans notre but de
réveiller des instincts nationalistes quand ils sont endormis chez
les travailleurs, il n'est pas dans notre but de réveiller des nationalismes
endormis. Nous ne soutiendrons jamais les fascistes corses ou les nationalistes
bretons et basques, qui se battent pour un réveil de la nation avant
de se battre contre le capitalisme : ce ne sont pas là des mouvements
défendant des nations opprimées, ce sont de dangereux réactionnaires
qui sont un obstacle à la propagation de l'internationalisme. Si le
libéralisme a su tuer les instincts fascistes, nous n'avons pas à
nous plaindre car la nation encombre la conscience de classe, la conscience
internationaliste des travailleurs. Nous ne posons pas la révolution
nationale comme un principe théorique à utiliser nécessairement,
mais comme un fait historique qui peut survenir à un moment donné
et qu'il nous faudra savoir utiliser. Ceci, ce n'est pas de l'opportunisme,
comme le proclament en coeur néo-spartakistes et anarchistes théoriques,
c'est créer partout les conditions favorables à notre victoire
et hâter le processus révolutionnaire qui va nous guider vers
l'émancipation totale du prolétariat et de tous les individus.
Le socialisme ne se base pas sur des idées conceptualisées :
il se base sur des réalités, il se base sur la volonté
des peuples. Il a beau indiquer quelle solution est la meilleure, c'est toujours
le peuple qui juge et décide en dernier recours, et les socialistes
doivent s'incliner : nos idées doivent passer par l'exemple et la confrontation
avec les faits, non par l'endoctrinement. Si la majorité d'un peuple
aspire à l'indépendance, notre devoir est de l'y aider. Mais
il n'est pas de construire des réalités à partir de schémas
préconçus...
Vive la révolution ! Vive le socialisme ! Vive le mouvement révolutionnaire
pour la reconstruction de l'AIT !
Antifascisme et lutte de classes. 23 février 2000.
La question de l'antifascisme prend toute sa signification avec l'arrivée
au pouvoir de 5 ministres fascistes en Autriche. Que faire ? C'est là
une question qui peut encombrer notre esprit. Tous les autres gouvernements
européens menacent l'Autriche de sanctions commerciales et de boycott,
tandis que les Américains ont rappelé leur ambassadeur... Mais
voilà : les pays capitalistes n'ont aucune leçon de démocratie
à donner, et surtout pas les Etats-Unis, avec leurs goulags et les
massacres qu'ils perpètrent aux quatre coins de la planète.
Cependant, les différentes organisations d'extrême-gauche appellent
à une manifestation "antifasciste" : mais à quoi sert
une manifestation ? Jusqu'à preuve du contraire, une manifestation
sert à faire pression sur son gouvernement pour protester contre une
certaine mesure. Or voilà, ces manifestants ne protestent pas contre
leur gouvernement mais contre un gouvernement étranger. Quel est donc
le rapport entre Jorg Haider et une manif de 4OO personnes sur la Canebière
? Il semble évident que les nazis autrichiens ne s'intéressent
pas à 400 blaireaux manifestant dans une ville de France. Le seul but
que l'on pourrait entrevoir, ce serait un appel au gouvernement français
pour qu'ils fassent quelque chose... Voilà le hic : des organisations
qui se prétendent "révolutionnaires" soutiennent la
volonté du gouvernement d'intervenir indirectement en Autriche. Selon
un tract de la JCR-LCR, il faut prendre des mesures qui "touchent les
dirigeants sans toucher la population" : il serait intéressant
de voir à quoi ressemblent de telles mesures... Un gouvernement est
corporellement intouchable : des sanctions économiques ne peuvent intervenir
que sur la population. Depuis quand des révolutionnaires demandent-ils
des sanctions contre un peuple ? Cela n'aura qu'une conséquence : renforcer
les fascistes qui apparaîtront comme des martyres.
De plus, les comparses d'Haider ont été élus : tout comme
les Jospin, les Blair et les Clinton. Cela veut-il dire que les bourgeois
ne reconnaissent plus la démocratie ? Non. Les bourgeois reconnaissent
les suffrages qui les ont amenés au pouvoir, pas ceux qui amènent
des partis ennemis au pouvoir. Cela veut aussi dire que la république
est une question secondaire pour la bourgeoisie : elle ne l'intéresse
que ponctuellement... Dans ce cas-là, il s'agit d'intervenir car "c'est
une menace pour la démocratie". Voilà encore et toujours
la justification du droit d'ingérence que les impérialistes
se sont arrogés : tout prétexte leur est bon pour masquer l'impérialisme.
Ils bafouent la démocratie quotidiennement mais ils prétendent
intervenir en son nom. Il ne s'agit pas ici de défendre les fascistes
: mais si on reconnaît en principe le fonctionnement démocratique
bourgeois, il faut le reconnaître jusqu'au bout. C'est le peuple qui
a choisi de les porter au pouvoir et nous devons en subir les conséquences...
La seule question qu'il appartient de se poser est : comment sont-ils parvenus
au gouvernement ? N'est-ce pas là la conséquence d'un mécontentement
de la population face à la politique anti-ouvrière de l'Union
Européenne ? Ce sont les gouvernements capitalistes qui sont responsables
de la montée du fascisme, que ceux qui n'ont pas lu Psychologie de
masse du fascisme s'en convainquent : le capitalisme est la cause de la montée
fasciste, exactement comme en 29, et Haider n'est que la conséquence
du problème, il n'en est aucunement la cause. Lutter contre le fascisme,
c'est d'abord lutter contre le capitalisme. Et le meilleur moyen d'éviter
ce genre de choses est d'intervenir sur le terrain de la lutte des classes
: augmenter le niveau de conscience des ouvriers, attiser les luttes sociales,
dénoncer la politique de mondialisation est ses conséquences...
Ce n'est pas en soutenant le gouvernement en défilant sur la Canebière
qu'on combat le fascisme : voilà les conséquences de l'antifascisme
"bonne conscience" des organisations pseudo-"révolutionnaires",
de ceux qui croient se réclamer de l'anarchisme et du communisme.
Lutter contre le fascisme, ce n'est pas se battre uniquement contre lui :
fascisme et capitalisme sont 2 corollaires, et l'antifascisme ne doit pas
servir de palliatif à la lutte anticapitaliste. Dans ces 2 termes,
il n'y a pas deux cibles, 2 ennemis, 2 causes à défendre ou
à combattre, il y a une cause et une conséquence...
C'est la lutte des classes, c'est l'élévation de la conscience
politique des travailleurs qui permet de lutter contre le fascisme. On ne
peut pas mener une politique de déréglementation (gauche plurielle)
et prétendre protester sincèrement contre ce qui n'est que sa
conséquence ! On ne peut pas manifester avec le PC et les Verts, militer
pour la taxe Tobin (LCR et LO) ou pour la loi Aubry, on ne peut pas critiquer
le gouvernement mais le soutenir en pratique d'un côté et hurler
au loup de l'autre !
Certes, nous avons pu faire front unique avec les bourgeois radicaux contre
les franquistes et les nazis, mais les conditions n'étaient pas les
mêmes. Un choix nous était violemment posé : ou la dictature
ou la démocratie bourgeoise... et entre le bourreau et l'esclavagiste,
nous avons choisi l'esclavagiste. Mais en ce moment même nous ne sommes
pas dans une situation désespérée qui nous mette devant
ce choix là.
L'Antifascisme n'est pas une lutte de principe, c'est une lutte de dernier
recours. Car en nous battant contre le capitalisme, nous préparons
déjà la défaite des fascistes, des Haider et des Le Pen.
Il ne faut pas les laisser se présenter comme le dernier recours des
travailleurs face à la politique libérale du FMI. Il ne faut
pas les laisser tromper le peuple. Et c'est aussi mentir au peuple que de
séparer fascisme et capitalisme. C'est mentir au peuple que de ne pas
faire le lien entre les 2 questions. C'set mentir au peuple que de ne pas
lui montrer ce qu'est la lutte de classes.
Pour un syndicalisme révolutionnaire.
Une fois nos grands principes énoncés vient la question la plus
importante : comment déclencher la révolution ? Ce débat
est vieux de plus d'un siècle et nous devons l'enrichir à la
lumière des révolutions du passé, qui ont confirmé
ou infirmé les différentes théories socialistes...
Les trotskistes proposent ce qui a toujours été la tactique
des communistes : la prise du pouvoir par l'avant-garde du prolétariat,
c'est-à-dire le parti ouvrier. Seulement, la révolution russe
et les différentes trahisons des dirigeants des Partis (l'exemple du
PS, du PC, du PT brésilien) nous apprennent qu'un Parti se bureaucratise
inévitablement. La bureaucratisation n'est pas uniquement la cause
de phénomènes "extérieurs" comme en Russie
(arrêt de la guerre, échec de la révolution allemande,
communisme de guerre, etc.), la bureaucratisation semble inhérente
à l'organisation partidaire, et l'on sait à quoi cela mène
: au stalinisme ! Les trotskistes, pourtant sincères, finiront eux-mêmes
inévitablement par être trahis par leurs dirigeants, qui couleront
le Parti : un contrôle des dirigeants par la base n'est pas suffisant
car si la pression se relâche, ils trahiront, et il faut une organisation
qui ne permette pas la bureaucratisation. Il faut donc proposer une alternative
autre. Cependant, l'organisation anarchiste n'est pas apte non plus à
apporter une quelconque solution : les anarchistes (FA, OCL, AL, etc.) sont
encore très marginalisées, coupés de la classe ouvrière,
et leur organisation ne leur apporte pas la discipline et la rigueur, leur
organisation ne leur apporte pas la redoutable efficacité du Parti
politique.
Se pose un deuxième problème : faut-il conquérir le pouvoir
ou bien au contraire le détruire ? Ce que l'Histoire nous apprend,
c'est que la conquête du pouvoir politique, qui transforme les leaders
socialistes en gouvernants, pose également le problème de l'aliénation.
C'est ce qu'explique également Roger Dadoun dans le recueil Psychanalyse
et Anarchie : les militants socialistes ne sont pas des surhommes et l'aliénation
n'est pas le monopole des bourgeois. Même l'anarchiste le plus sincère,
si on lui confie un poste plus important que ses camarades, va être
aliéné par le pouvoir qui lui a été conféré
: c'est ce que montrent les libéraux dans leur théorie de la
bureaucratie, même s'ils ne l'appellent pas aliénation. Les exemples
dans l'Histoire sont nombreux : Staline et Castro pour les communistes, Federica
Montseny qui fut la ministre anarchiste du gouvernement de Front Populaire
en Espagne pendant la Guerre Civile. C'est pour cela que le pouvoir doit être
supprimé car, comme le disait Bakounine, l'autorité est la "mère
de tous les vices". Je reprendrai l'opinion du sociologue Clastre contre
celle d'Engels : la domination politique est antérieure à la
domination économique. Tout projet de réforme sociale est une
illusion ("la liberté, sans les moyens de la conquérir,
n'est qu'un fantôme") et il ne peut y avoir de liberté sans
destruction de l'Etat, même si l'égalité économique
et sociale est le prélude à l'égalité politique,
que la liberté politique doit suivre...
Quelle forme d'organisation faut-il donc construire ? Mon principe est celui
de Fernand Pelloutier, d'Emile Pouget et de Pierre Monatte : le syndicalisme
révolutionnaire. A quoi servent les syndicats ? Ils augmentent le niveau
de conscience politique des travailleurs. C'est par le syndicalisme que les
ouvriers, d'abord directement touchés par des mesures qui les touchent
EUX, s'aperçoivent de l'universalité des problèmes et
donc de l'universalité des combats à mener. Le syndicalisme
mobilise les ouvriers directement sur leur lieu de travail : il leur enseigne
CHEZ EUX la réalité de la lutte de classes et les mobilise pratiquement
sans qu'aucune propagande ne soit à faire. Le syndicat est supérieur
au Parti politique en ce que l'adhésion au syndicat ne nécessite
en rien l'adhésion à une idéologie : le travailleur fait
son apprentissage politique APRES avoir adhéré au syndicat.
Le syndicat est également le mode d'action libertaire par excellence.
On pourrait avec raison de me reprocher que les syndicats se bureaucratisent
aussi, et c'est d'ailleurs le cas de tous les syndicats en France, si l'on
excepte la CNT. Mais la lutte est possible à l'intérieur, ce
qui ne l'est pas dans un Parti (même la CGT, tuée par le centralisme,
voit sa base s'opposer à ses dirigeants). Et le syndicat peut aussi
offrir une absence quasi-totale d'autorité, comme dans la CNT espagnole.
Cependant, la CNT française ne peut offrir une véritable alternative
: elle est marginalisée et coupée de la classe ouvrière.
Comme l'expliquent Mercier-Véga et Griffuelhes dans Anarcho-syndicalisme
et syndicalisme révolutionnaire, un syndicat ne peut être le
reflet d'une seule idéologie, sous peine de trop ressembler à
un Parti politique, sous peine de voir les travailleurs s'enfuir au loin...
L'exemple à suivre est celui de la première CGT : un syndicat
de front unique, avec plusieurs influences politiques, plusieurs courants
coexistant, un syndicat offrant un piédestal de lutte crédible,
car les travailleurs n'aiment pas les divergences politiques au sein du socialisme.
Comment agit le syndicat ? Il a 3 modes d'action, voire 4 : Le boycott, le
sabotage, la grève et la grève générale. La grève
générale ne peut se manifester qu'à 2 conditions : si
la conscience de classe des travailleurs est à maturité, et
si le syndicat sait unir les différentes protestations pour les transformer
en grève générale. Cette grève mène le
pays à la paralysie. Dans les usines et les entreprises occupées,
à l'image des grèves à Milan et Turin en 1919 et 1920,
les syndicats s'effacent pour laisser la place à des "comités
d'usines et d'entreprises", qui ont le mérite de pouvoir rassembler
tous les travailleurs sans en exclure les non-syndiqués. Le pays étant
paralysé, il en va de même pour les structures traditionnelles
du pouvoir, qui perdent plus ou moins leurs modes d'action mais surtout leur
crédibilité auprès des travailleurs, dont la conscience
politique atteint son maximum en temps de grève, et ces structures
traditionnelles sont de fait et spontanément remplacées par
les comités d'entreprises.
Les syndicats sont donc à la fois un cadre de lutte et les structures
de la nouvelle société. La grève générale
marque un aboutissement qui est le début de la révolution :
les comités, ou soviets, devenus les organes révolutionnaires
représentants des travailleurs, ne peuvent prendre que des mesures
socialistes et révolutionnaires.
Malheureusement, nous sommes dans un contexte de "pénurie syndicale".
Il existe trop de syndicats, et ceux-ci sont noyautés par la bureaucratie
des Thibaud, Blondel et Notat. Il n'existe même pas de syndicats étudiants...
C'est ici que le Parti politique possède un rôle non négligeable
: dans le contexte que l'on vient d'évoquer, en l'absence de syndicats,
c'est lui qui est chargé de politiser les travailleurs, d'augmenter
leur conscience de classe, et de les conduire vers un but ultime : le Front
Unique. Le Parti doit oeuvrer à la reconstruction du syndicat : ce
n'est pas lui l'organe révolutionnaire, ce n'est pas en lui que les
travailleurs ont confiance. Le Parti peut porter des revendications, et il
peut les porter jusqu'au pouvoir, mais on doit se méfier de l'accession
au pouvoir d'un parti politique... Cependant, celui-ci possède un autre
rôle : celui de relayer les revendications des travailleurs pendant
que le syndicat n'est pas encore prêt... Dans le contexte actuel, son
rôle est d'aider à la reconstruction d'un syndicat révolutionnaire.
Il peut y avoir des grèves générales sans volonté
de la part des travailleurs de s'ériger en organe révolutionnaire,
ce qui veut dire que le "Grand Soir" n'est pas encore arrivé
: dans ces moments où la classe ouvrière n'est pas encore prête,
c'est le Parti qui doit se faire le relais des exigences des travailleurs
auprès du gouvernement bourgeois en attendant le moment où les
"conditions objectives", comme disait Trotsky, de la révolution
seront réunies, c'est-à-dire le moment où les syndicats
seront prêts...
L'Anti-Gauchisme ! 24 février 2000.
Les Gauchistes - Spartakistes et autres - postulent que tout compromis est
inacceptable ! Pour eux, il faut refuser toute participation aux syndicats
jaunes, toute participation à des élections quelles qu'elles
soient... C'est méconnaître l'attachement des travailleurs à
ce qu'ils ont conquis de haute lutte : la démocratie bourgeoise et
ses structures... Il ne s'agit pas pour nous d'affirmer NOTRE attachement
A NOUS à ces structures, mais de faire preuve de crédibilité
auprès des travailleurs : il ne s'agit pas, ainsi que je l'ai marqué
précédemment, d'ériger ces élections en principe
de lutte mais bien d'un moyen ponctuel d'apporter une aide à la classe
ouvrière... Ce n'est pas nous trahir que de présenter une liste
à des élections, c'est au contraire se trahir que de refuser
que d'améliorer le sort des travailleurs où et quand c'est possible.
Nous ne trahissons pas parce que nous n'érigeons pas la réforme
sociale en principe, nous sommes des révolutionnaires : C'est trahir
que de se faire élire -comme aux élections européennes
de 1999- à des postes qui n'auront aucune valeur décisionnelle
mais qui serviront juste de relais aux décisions des gouvernements
bourgeois.
Nous ne devons laisser passer aucun moyen pour nous de nous faire connaître,
de révéler les mensonges des bureaucrates, et d'aider la classe
ouvrière...
Notre seul obstacle, notre réticence, c'est le risque de la bureaucratisation,
de l'aliénation par le pouvoir et les fonctions qui pourraient être
conférés à nos élus... C'est pour cela qu'un contrôle
de nos représentants par le Parti doit être effectué constamment...
Tout en sachant fort bien que seuls les syndicats sont les organes légitimes
de la lutte contre la bourgeoisie...
Entre croyance et savoir. 2 mars 2000.
Pourquoi s'opposer aux organisations autoritaires ? Pourquoi les Anarchistes
s'opposeraient-ils aux Partis et aux institutions religieuses ?
La croyance est une liberté, elle ne doit faire l'objet d'aucune restriction.
Mais la croyance devient criminelle lorsqu'elle prétend s'ériger
en Savoir. Nul homme n'est omniscient, nul individu ne peut prétendre
avoir la connaissance : il n'a que des intuitions, des idées, une foi.
Tout homme qui prétend détenir la vérité mérite
une balle dans la tête. Tout homme qui masque des informations, qui
se fait volontairement obstacle dans la recherche de la vérité
doit être abattu sur place.
Pour agir, la société doit pratiquer la démocratie. Nulle
opinion n'est absolument supérieure à une autre tant qu'elle
n'a pas été confrontée scientifiquement avec la réalité.
Mais ce point n'en fait nullement une vérité : le juge ultime
est le peuple qui, en conscience ou en ignorance, confirme ou infirme les
propositions des leaders et des organisations; le peuple peut se tromper,
les anarchistes ont beau détenir la vérité, c'est à
lui que l'ultime décision appartient légitimement.
Et cela parce que toute idée, agissant dans le cadre d'une société,
de la Société, pour être légitime, doit être
bénéfique à la société, et donc à
tous ses membres si la chose est possible, à la majorité dans
le cas contraire.
Nulle raison ne peut être invoquée contre ce principe élémentaire
: la raison d'Etat n'existe pas. Elle est mise en pièces par la Raison
du Peuple. Aucune poignée d'hommes ne peut prétendre agir par
la force sous prétexte qu'il détient la vérité.
Car même si c'est le cas, il doit avoir recueilli l'assentiment du peuple.
Car sinon, il a beau travailler pour l'humanité, il s'oppose en principe
à son émancipation.
Le Peuple a toujours raison parce qu'il subit toujours les conséquences.
Le Peuple a toujours raison parce qu'il est toujours majorité.
C'est pour cela que l'Etat, qui s'érige en juge suprême, est
une machine de répression.
C'est au nom du peuple que nous invoquons la science et la démocratie.
C'est au nom de ces dernières que je calomnie toute autorité
comme étant anti-scientifique et anti-populaire, toute dictature (même
celle du prolétariat) comme étant en principe contraire aux
intérêts du peuple, contraire à toute philosophie révolutionnaire.
L'Anarchisme ne crache pas sur le fait religieux. Celui-ci est une croyance,
une croyance liberticide, certes, mais qui relève d'un choix individuel
et donc d'une certaine liberté, au même titre que l'Anarchiste
a le droit de se lever et de crier "Ni Dieu ni Maître !".
Non : l'Anarchisme combat les institutions religieuses, qui transforment une
croyance individuelle en pensée commune, en pensée unique, qui
transforme des intuitions en dogmes. L'institution religieuse ou partidaire
n'est pas une organisation : c'est une bureaucratie. Une bureaucratie avec
ses chefs et ses bourreaux : ces individus s'immiscent entre les croyants
et leur Idée, ils se font des courroies de transmission. En se proclamant
médiateurs, ils prétendent connaître la Vérité.
Ils tuent la croyance. Ils bafouent la démocratie et trompent le peuple.
Les institutions religieuses et étatiques doivent être balayées.
L'Anarchiste qui oeuvre dans ce sens est un Justicier.
L'Anarchiste qui combat contre l'autorité combat pour la liberté
de croyance et combat pour le peuple.
Toute action révolutionnaire est une action populaire.
Tout mouvement révolutionnaire est un mouvement populaire.
Tout attentat contre toute forme d'autorité est une action libertaire.
Tout Anarchiste est un libérateur.
Les bolchéviks dans la Révolution Russe.
L'épisode de la révolution russe est fondamental dans la compréhension
de l'histoire du mouvement ouvrier et de chacun de ses courants. C'est en
analysant le rôle des anarchistes et des bolchéviks dans les
événements précédant et suivant octobre 1917 que
l'on pourra dégager des points d'appui pour appuyer une réflexion
théorique et une réflexion contemporaine. Le marxisme enseigne
qu'il ne faut pas s'attacher à la psychologie des personnages, que
cela n'est que le côté subjectif des faits, que seule importe
la réalisation pratique
Cependant, dans une analyse peut-être
plus reichienne, il me semble qu'il est important de savoir ce que pensaient
les différents leaders bolchéviques tels Lénine et Trotski
: il est important de savoir si la fermentation du processus révolutionnaire
après les journées d'octobre était dans l'optique des
bolchéviques
Pour être clair : s'agit-il d'une dérive
préméditée -ce que je ne crois pas- ou bien au contraire
d'erreurs commises en toute bonne foi par les dirigeants du parti bolchévique
Il est certain que plusieurs faits nous empêchent de nous reconnaître
dans l'action du Parti Communiste :
- Interdiction de la liberté de la presse
- Soumission des syndicats aux partis dans le cadre de l'Internationale Rouge
et grâce notamment aux " 21 points "
- Interdiction des fractions à l'intérieur du Parti
- Interdiction des autres tendances se réclamant de la révolution
(libertaires, SR de Gauche)
- Suppression de la liberté de Culte
- Vient ensuite le double jeu mené auprès des makhnovistes,
traités tour à tour de révolutionnaires et de contre-révolutionnaires,
les bolchéviks s'alliant à eux lorsque les circonstances l'exigeaient
mais les déclaraient hors-la-loi une fois le danger écarté.
- Persécution des anarchistes et arrestation de leurs dirigeants
- Et également le problème de Cronstadt
Tous ces points nous interdisent de nous reconnaître dans la politique
de Lénine et Trotski après 1917. Mais une question se pose :
est-il possible de se réclamer à la fois des écrits théoriques
de ces personnages tout en reconnaissant qu'ils ont fait des erreurs ? Ne
doit-on pas considérer leur pensée et leur action comme un tout
? Si leur action s'est révélée erronée en plusieurs
points, n'est-ce pas justement parce que la théorie cloche ?
Même si Lénine n'avait pas prévu une telle bureaucratisation
de son Parti, on ne peut que constater que celle-ci est le résultat
de sa politique sectaire et dogmatique
C'est bien lui qui sans le vouloir
a préparé le terrain au stalinisme
Cependant, il faut bien reconnaître que le trotskisme a évolué
: aujourd'hui, le CCI a fait de l'indépendance réciproque des
partis et des syndicats un des points forts de son programme. Cela veut dire
que le mouvement a su tirer des leçons des erreurs de ses fondateurs.
Cela veut donc dire qu'ils considèrent ces erreurs comme des manquements
ponctuels à la théorie, des manquements dus aux circonstances
et au manque de recul que l'on pouvait avoir par rapport aux événements
Si les trotskistes ont su changer d'avis, je considère comme possible
de condamner l'action de Lénine et Trotski tout en travaillant et menant
des débats théoriques avec des militants sincères réellement
épris de démocratie
C'est là la différence fondamentale entre Lénine et Staline
: l'un est un militant sincère qui a fait des erreurs, l'autre est
un bureaucrate hypocrite, sournois et contre-révolutionnaire
Il s'agit certes d'une remarque subjective, mais celle-ci est cependant fondamentale
: car la différence est grande entre ceux qui se réclament de
la sincérité et ceux qui se réclament de l'hypocrisie,
car ceux-ci peuvent nous trahir à tout moment.
Vers le Front Unique.
De ces réflexions vient celle sur le Front Unique. Il s'agit là
d'une pratique traditionnelle du mouvement ouvrier : une alliance tactique
sur des problèmes ponctuels entre tous les courants sincères
se réclamant du mouvement ouvrier dans la perspective d'une action
plus efficace.
C'est là l'objectif vers lequel nous devons tendre dans nos syndicats
et nos partis : face à la Puissance de la Réaction, face à
la situation d'éclatement à laquelle nous sommes tous confrontés,
nous ne pouvons continuer le combat isolés
Tout en continuant
à mener le débat sur des questions à la fois théoriques
et pratiques, les mouvements révolutionnaires doivent désormais
apprendre à travailler ensemble, pour que l'exemple de la CGT ne soit
pas lettre morte. C'est ce qu'essaye de faire le PT : il uvre dans la
perspective d'une reconstruction de la 1ere Internationale. La lutte doit
se faire de classe à classe. Et les barricades n'ont que 2 côtés
Préparation de l'Intervention au Congrès de la CMJR du 11 mars
2000.
"Je suis monté pour dénoncer un problème qui est
un grave obstacle à notre expansion. Nous savons tous ici qu'il n'existe
plus à l'heure actuelle de véritable syndicat étudiant
: l'UNEF-ID est quasiment un institut de formation des cadres du PS : on a
bien vu lors des dernières grèves contre le plan U3M qu'il s'est
révélé être un parfait briseur de mouvements...
Il y a l'UNEF qui, lorsqu'il ne se révèle pas être une
organisation politique stalinienne, a subi les conséquences de la fusion
avec l'UNEF-ID... Et quant à SUD, on voit bien que, à l'image
de ce qu'il fait dans les entreprises, mène une véritable politique
opportuniste qui consiste à se lancer dans les mouvements lorsqu'il
ne peut pas faire autrement, mais maintient la zone d'ombre en temps normal
!
L'Université est en train d'être privatisée et les syndicats
ne jouent pas leur rôle : nous sommes dans une totale désinformation,
ce qui ne peut que faciliter le ministère dans sa volonté de
rentabiliser l'Education Nationale. Seul un vrai syndicat peut regrouper les
étudiants, qui ne demandent qu'à être informés
et à bouger, et opposer une véritable résistance !
D'autre part, il y a un deuxième problème qui peut être
plus ou moins grave selon les circonstances, mais qui est directement un obstacle
à la construction de la CMJR. Quel est l'autre intérêt
d'un syndicat ? Il permet d'accroître la conscience politique des étudiants...
Sans syndicat digne de ce nom, ce n'est même pas la peine de penser
avoir une quelconque implantation dans la jeunesse. Les étudiants étant
plus ou moins coupés du monde du travail, ils réalisent moins
la portée des réformes de la gauche plurielle : sans syndicats,
ils sont désarmés... Ce sont les syndicats qui politisent les
étudiants et les travailleurs et qui mènent ceux-ci d'eux-mêmes
au militantisme politique !
Non seulement nous avons besoin d'un syndicat en tant que mode d'action, mais
nous en avons aussi besoin comme outil de politisation des étudiants."
9 mars 2000.
Les questions internationales ne se posent pas en termes de nations, elles
se posent en termes de Justice. On ne doit pas soutenir les luttes nationales
mais bien les luttes révolutionnaires
Si, lors d'une insurrection
contre l'Etat-oppresseur, le peuple choisit de poser son action en termes
de " nations ", nous lui apporterons notre soutien, mais nous lui
apporterons dans une optique révolutionnaire, et ce soutien se désistera
dès que le nationalisme d'existence voudra se faire nationalisme de
puissance
Car reconnaître le concept de " nation opprimée " reviendrait
à reconnaître celui de " nation oppresseur "
Dans une certaine mesure, il n'y a qu'un pas vers le national-socialisme et
ses " nations prolétaires ". Car, en système capitaliste,
il n'y a pas de nation oppresseur : chaque peuple contient son cortège
de profiteurs et de prolétaires, chaque peuple contient ses oppresseurs
et ses opprimés.
La nationalité est un fait historique et non un principe.
En tant que groupe ethnique, les nations ne doivent pas exister, elles doivent
être balayées. Si ces questions se posent en termes culturels,
nous prendrons le parti de la conservation de la culture, ou du moins de sa
mémoire, tout en mettant en évidence le fait que la culture
est un problème individuel, une richesse individuelle. La culture commune
est une pensée commune.
Notre but final est la révolution sociale. Si nous soutenons l'élan
révolutionnaire du peuple, ne le confirmons pas dans ses concepts éculés
de droit à l'indépendance nationale et à l'auto-détermination,
montrons-lui que l'oppression doit se poser en termes de classes, que toute
création d'Etat-Nation ne supprime en rien l'oppression.
9 mars 2000.
Le socialisme anarchiste n'est pas " radical ". Ce mot ne signifie
rien. Si par cela on signifie le terme " violent ", je répondrai
que la violence et le pacifisme ne sont en rien des " valeurs ",
ce sont des modes d'action. Seule la petite-bourgeoisie est effrayée
par la violence.
La violence n'a rien d'un principe, et elle existe déjà dans
le système capitaliste. Personne, à part les fous et les idiots,
n'érige la violence en théorie révolutionnaire.
La seule doctrine révolutionnaire, le seul principe que nous puissions
tolérer, c'est celui de Justice. J'ai en moi cette adoration proudhonienne
de la Justice. Qui définit la Justice connaît les règles
qui régissent le monde. Qui définit la Justice est détenteur
de la théorie révolutionnaire par excellence. Car la Justice
n'est pas qu'une " situation " morale ou matérielle idéale,
c'est aussi la manière de parvenir à cette situation.
22 mars 2000.
La différence fondamentale entre le fait religieux et le socialisme,
c'est que, alors que la religion est une morale révélée,
le socialisme est la morale rationnelle.
Le fidèle est croyant parce qu'on lui a révélé
l'existence de Dieu. Il n'en a pas fait l'expérience matérielle.
De même, il ne peut prouver scientifiquement son existence
Sa
fidélité ne provient pas d'une observation minutieuse et scientifique
de la réalité ; il n'y a pas d'expérimentation possible
dans le processus de recherche du divin. C'est là la différence
entre l'idéologie et la science, entre croyance et savoir. Le socialiste
ne croit pas : il sait. Parce que ses convictions se sont montées à
partit de son expérience de la réalité. Parce qu'il a
échafaudé des constructions théoriques, mais sur les
bases de la réalité matérielle. Il a consacré
l'indivisibilité de la théorie et de la pratique : c'est cet
apport de Marx qui a bouleversé le socialisme et qui a fait d'une utopie
une perspective.
Tandis que l'Eglise s'appuie sur des textes, nous nous appuyons sur des faits.
Nous donnons aux hommes l'expérience concrète de nos théories
et les moyens de les vérifier. Il nous est possible de les corriger.
La religion est une idéologie antiscientifique et fanatique ancrée
dans les tréfonds d'une humanité bestiale, préhistorique
et décadente. Elle est un obstacle à la marche de l'homme vers
la Connaissance et le Savoir.
22 mars 2000.
Faisons de notre anarchisme un socialisme scientifique. Les libertaires crachent
sur Marx, mais oublient un peu vite que Bakounine était marxiste. C'est
Marx qui a théorisé la lutte des classes. C'est Marx qui a mis
des mots sur des réalités. C'est Marx qui a élevé
le socialisme au rang de science de l'émancipation et de la liberté.
L'Anarchiste qui renie ce passé renie tout fondement scientifique.
Il enferme l'anarchisme dans un carcan d'idéologie. Si l'anarchiste
peut aujourd'hui parler de classes sociales, s'il peut parler de révolution,
ce n'est pas à Proudhon qu'il le doit
Si j'ai de la fascination
pour les anarchistes individualistes, je ne leur accorde rien du respect que
mérite tout fondement scientifique.
Il faut appliquer les méthodes scientifiques à l'anarchisme.
Il faut faire l'expérience du passé sans rester sur des constructions
théoriques préétablies. Seule la science peut faire de
nous des visionnaires et des combattants.
Car si l'individualisme peut être fondé, ce n'est en aucun cas
lui qui a déclenché les révolutions. Ce n'est pas lui
qui a amené la classe ouvrière vers la conscience de classe,
ce n'est pas lui qui, sachant faire de preuve de rigueur et d'analyse, a su
entraîner les masse au bon endroit au bon moment. Les individualistes
sont coupés de la classe ouvrière.
Voilà l'apport qu' a réalisé l'anarcho-syndicalisme :
la création d'une doctrine ouvrière, d'une doctrine de masse
ne se basant pas uniquement sur des facteurs purement psychologiques et donc
subjectifs
27 mars 2000.
Les classes sociales subsistent . La meilleure preuve en est l'affrontement
entre le gouvernement et les travailleurs. Impôts, Enseignement, Santé,
Chemins de fer : la classe ouvrière, par l'intermédiaire de
ses organisations de masse, refuse de courber l'échine face à
un gouvernement de pétainistes qui ignore ses revendications et poursuit
sa politique de déréglementation contre sa volonté.
Ce sont bien 2 logiques qui s'affrontent. Et ce sont bien 2 classes sociales
: la bourgeoisie assortie de ses émissaires politiques, contre les
travailleurs et leurs organisations syndicales.
27 mars 2000.
Ce gouvernement bafoue la démocratie. Encore non élu, Jospin
était plein de douces promesses : régulariser les sans-papiers,
faire quelque chose pour les salariés de Villevorde, abandonner le
plan Juppé
En 97, il reste muet face à la fermeture de
l'Usine Renault-Villevorde, fait passer la circulaire Chevènement et
remet en place le plan Juppé pour les retraites tout en privatisant
et en bradant Santé et Sécurité sociale.
La logique libérale et de mondialisation est poussée à
son comble. Jospin et consorts sont les valets du FMI, certes, mais le pire
est qu'ils le nient, se faisant passer pour des modérés qui
veulent " humaniser la mondialisation ", alors qu'ils pensent exactement
le contraire, et qu'ils continuent leur politique de déréglementation
et de destruction des acquis sociaux
Par le dialogue social, ils intègrent les syndicats à la CES
et en font de véritables instruments d'application des réformes,
à tel point que lorsque ce sont les ministres qui abandonnent leurs
mesures sous les coups de la pression populaire, ce sont les dirigeants syndicaux
qui réclament leur retour, comme avec la réforme Sautter sur
les Impôts
On ne peut prétendre être démocrate et ignorer les grèves
qui secouent le pays pour dire " Non à la déréglementation
! ". On ne peut prétendre être démocrate et détruire
les organisations ouvrières. On ne peut prétendre être
démocrate quand on mène un double langage et qu'on masque ses
intentions. On ne peut prétendre être démocrate lorsqu'on
fait des promesses que l'on oublie aussitôt élu. On ne peut prétendre
être démocrate lorsqu'on pousse à son comble la désinformation
Ce gouvernement est un gouvernement de pétainistes !
28 mars 2000.
Quelle belle politique que celle qui consiste à dire que les classes
sociales n'existent plus pour justifier l'intégration des syndicats
aux mécanismes d'application des réformes
Salariés
et patrons auraient désormais les mêmes intérêts
: mais depuis quand la classe ouvrière a-t-elle intérêt
à ce que les conventions de l'OIT soient révisées, depuis
quand a-t-elle intérêt à ce que les usines se ferment
pour plonger les salariés dans le chômage et la misère,
depuis quand a-t-elle intérêt à ce que l'Europe vaticane
se remette en place ?
On a beau parler des nécessités de la société
de marché à un ouvrier, il n'en acceptera par pour autant de
perdre son emploi
C'est pour cela que la gauche plurielle est obligée
de recourir à ce double jeu pour faire croire qu'elle mène une
politique socialiste alors qu'elle obéit aux ordres du FMI : c'est
parce que la classe ouvrière ne croit pas en un avenir meilleur, parce
qu'elle exige des améliorations tout de suite ainsi que le maintien
de ses statuts conquis de haute lutte
Pour appliquer sa politique, la
gauche plurielle doit bafouer la démocratie et participer à
la mise en place d'un ordre, mondial certes, mais totalitaire
31 mars 2000.
Le fait religieux est certes condamnable mais, même si la formule peut
paraître paradoxale, chaque individu a la liberté de croire,
et même la liberté de s'aliéner
Cependant, il ne
doit en aucun cas bâtir une hiérarchie, une organisation religieuse
ayant pignon sur rue : parce qu'alors il franchit la sphère du privé
pour entrer dans celle du public. La croyance est du domaine du privé.
Le droit est toujours privé et c'est le devoir qui est public
C'est pour cela que l'on peut amorcer un dialogue avec les croyants dans la
mesure où ceux-ci sont d'infatigables partisans de la laïcité,
c'est-à-dire de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, et du
privé et du public
La culture est du domaine du privé. Ce sont les croyances qui forgent
les différentes personnalités : celles-ci ont donc une certaine
part de légitimité. Mais les ériger en public, c'est
les ériger en devoir et donc en Savoir. Non seulement ceci est illégitime
d'un point de vue philosophique et scientifique (j'ai montré plus avant
quel est le véritable caractère de la religion), mais aussi
d'un point de vue politique : c'est la négation la plus flagrante de
la liberté et de la démocratie !
1er avril 2000.
Je reviens sur ma vision des rapports humains. A une copine qui venait de
lire ma chanson " Réalcynisme " et qui me demandait si c'était
là ma vision de l'amour, je répondis " Plus ou moins ".
" C'est pessimiste " me dit-elle.
Voilà le fond du problème. Elle n'avait justement pas compris
que, d'une part ce n'était pas une vision personnelle se limitant à
mon cas particulier et à ma personnalité, mais bien une tentative
de définition d'un des rapports humains les plus complexes suivant
les " règles " de la philosophie, et que d'autre part j'entendais
montrer au contraire que ce n'était ni triste ni pessimiste, mais que
c'était une réalité, et que ce qui était triste,
c'était de se le cacher, de se mentir à soi-même et aux
autres, parce qu'alors on rentrait dans une relation hypocrite érigeant
le mensonge en rapport de couple, et qu'en même temps on se donnait
une mauvaise conscience pouvant déboucher sur une destruction interne
de la personnalité
Je ne vois pas, moi, comment un fait purement contingent dans son existence,
un fait incontournable, peut être qualifié de triste, de pessimiste,
comment on peut le colorer d'une connotation négative. Ce fait est
un fait, justement : dès lors, pourquoi, comme l'ont fait tour à
tour religieux, romantiques, philosophes de salon, écrivains de tous
bords, et désormais la quasi-totalité de l'humanité,
se le cacher et faire de ce qu'on appelle amour un altruisme, un don de soi,
une matérialisation de la générosité alors que,
au contraire, il s'agit de la traduction la plus vile des pulsions individualistes
de survie, de bien-être, d'épanouissement et de reproduction
héritées de nos origines bestiales
Le fait qu'une frontière de conscience nous sépare des autres
animaux ne nous autorise pas à transformer chacune de nos caractéristiques
en idéal et en valeur
Je n'offre pas de connotation négative à ma vision de l'amour.
Je me contente de la peindre, et je pense que seules des conséquences
positives peuvent naître de cette sincérité des rapports
humains. Basons-nous sur la franchise et non sur une illusion référentielle
et rassurante, qui permet d'éviter un moment de s'interroger sur la
nature de l'homme et de faire oublier aux anthropocentristes une réalité
qui les dérange. On peut qualifier ce sentiment amoureux d' "
égoïste " dans la définition qu'en offre le dictionnaire,
mais non dans la définition que nous avons de ce terme lorsque nous
l'utilisons tous les jours : l'égoïsme alors est une " valeur
", un trait de personnalité ; et dans la mesure où ce sentiment
est commun à tous, on ne peut le qualifier négativement qu'en
référence, par exemple, à la notion absolue d'idéal
moral, de Justice
tout en sachant fort bien qu'il est vain de toujours
aller contre son naturel car ce serait comme vouloir, une rame à la
main, empêcher la marée de monter
Comme le disait Spinoza
: surtout " ne pas rire, ne pas pleurer, mais comprendre ".
2 avril 2000.
A la suite d'un tel écrit, le risque est, bien entendu, qu'on me balance
à la tête l'idée que je procède par induction et
tente de faire de mon propre cas une généralité, que
je décris ma propre personnalité
Je deviendrais alors
le pire des égoïstes
Il est de bon ton dans ces cas-là
de répondre par des considérations scientifiques prenant pour
exemple d'autres sujets d'étude : on peut ainsi voir qu'un individu
pleure de la même manière un de ses proches qui vient de mourir,
et un autre qui est parti habiter si loin qu'il ne le reverra jamais
Inutile de citer des exemples précis : ce cas de figure est si courant
dans la littérature internationale qu'on peut voir que l'idée
est ancrée dans l'imaginaire collectif, sans que l'humanité
en ait tiré des conclusions
Dans le cas cité, on peut
conclure que si les rapports humains étaient basés sur l'altruisme
et la générosité, l'individu ne pleurerait pas dans le
2e cas mais se réjouirait au contraire que son proche entame une nouvelle
vie. Ce qui nous différencie de l'animal, c'est notre conscience, de
soi et du monde qui nous entoure, mais ce ne sont pas nos réactions
instinctives telles celle-ci car elles ne participent pas de notre conscience,
et on peut affirmer que la culture n'a jamais réussi à supprimer
ces réactions instinctives
Les rapports humains sont tout entiers basés sur un rapport à
soi. Lorsqu'on pleure la mort d'un être cher, on pleure les souvenirs
qu'il nous rappelait, on pleure l'existence commune, on le pleure en tant
que mémoire vivante de soi, mais on ne regrette en aucun cas que celui-ci
ait perdu la vie : qu'il soit mort ou heureux et vivant à des milliers
de kilomètres, la situation est la même dans notre inconscient
puisqu'on ne le reverra plus. Les rapports à autrui ne sont pas basés
sur une appréhension de l'autre en soi
Ainsi, dans la relation
de couple, on n'aime pas son conjoint en soi : on aime ce qu'il nous apporte,
la fierté que l'on peut en retirer lorsqu'on le possède (sa
beauté, son intelligence, sa force, son talent, son humour,etc.). Ce
que l'on nomme amour est en réalité une relation de possession
guidée par un réflexe instinctif hérité de l'instinct
de survie des animaux : il ne s'agit pourtant plus de suvie à proprement
parler (il n'y a plus ni prédateurs, ni reproduction à accomplir
pour la survie de l'espèce), mais de prestige, de conservation et de
développement de soi. L'être humain, quoi qu'il puisse dire,
est dans une perpétuelle situation de narcissisme et de flatterie de
son ego : c'est dans ce cadre qu'il utilise autrui, pour flatter sa pulsion
d'emprise et répondre à ses besoins inconscients d'égoïsme
et de vanité
Les actes que l'on pourrait qualifier de généreux ne sont en
fait qu'une irruption et un sursaut de la raison dans un processus auparavant
uniquement guidé par l'inconscient : il s'agit là d'un acquis
né de notre culture, de notre force de volonté, que l'on a fait
travailler par l'usage et l'apprentissage de la philosophie ou de la raison,
qui tente de s'opposer à un instinct qui, si on le laisse faire, peut
nous conduire aux pires excès
Bien entendu que le viol, le crime
et la trahison sont dans la nature de l'être humain, tout comme chez
les animaux : mais la différence est que ces termes font référence
à des notions morales qui n'existent pas chez l'animal et que l'homme
a inventé et construit dans l'absolu grâce à sa Raison,
héritage de sa Conscience. Lorsque l'animal tue, comme il n'est pas
conscient, il ne pense pas au fait qu'il est en train de commettre un meurtre
ou une trahison. Le bien et le mal n'existent pas chez l'animal. C'est l'Homme
qui les a définis, sans doute pour pouvoir lutter contre eux (ce qui
est le premier pas de la conscience : ce que je peux faire, et ce que je dois
faire) : il a ainsi créé ce qu'on appelle la culture, basée
sur certaines références absolument rationnelles, purement humaines,
et qui est un véritable récit de l'expérience de l'humanité
depuis ses premiers âges, un enseignement, un guide pour la conscience,
qui tâche de démontrer par l'Histoire pourquoi ce que dit la
Raison est plus fort que ce que dit la Nature. Les conséquences des
actes faits sous l'emprise da la Raison sont plus favorables à un développement
de l'Humanité. Il y a là encore une notion de survie, mais elle
n'est pas uniquement basée sur l'individu et dans un processus purement
physique. Le sens ici est, face au problème que pose la contingence
de l'existence humaine, et contre les prétentions religieuses, de tenter
de définir un " but pour l'être humain ", une tâche
que l'humanité, dont l'existence est privée d'utilité,
pourrait se fixer
C'est ici qu'il y a un rapport avec mes considérations sur la nature
des rapports humains. Essayer de se mentir sur cette nature revient à
faire un pas en arrière dans notre humanité. Au contraire de
ce que pensent les pseudo-philosophes antrropocentristes, les rapports avec
autrui tels que je les peinds ne sont pas " bestiaux " (dans le
sens connoté moralement du terme) : ils SONT. Puisqu'on ne peut les
anihiler, puisqu'il est impossible de supprimer le naturel, pourquoi tenter
de le déguiser sous des mots emphatiques et des termes erronés
? Notre processus de recherche et d'accomplissement de l'Humanité (qui
revient à, puisque l'on ne peut s'élucider soi-même, et
quoique la psychologie ait répondu à une mince partie de nos
interrogations, tenter d'approcher la Vérité en soi, la connaissance
pure, absolue, tenter d'élucider ce qui nous entoure) est encombré
par ces mensonges, ces faux termes. On ne peut connoter négativement
que ce contre quoi il est raisonnable et possible de lutter : il en est ainsi
pour les traits du caractère humain nuisibles à la société
et que la Raison peut limiter
Je crois ainsi qu'il est important de bien
définir ce qu'il est possible de définir : car on sait que contourner
les problèmes, les masquer, n'est pas les résoudre, cela revient
au contraire à créer des traumatismes et des névroses,
qui ne feront que resurgir plus tard, faisant de l'homme un malade au lieu
d'être un individu émancipé de la tutelle de l'envirronnement
Ainsi, on ne peut dire que l'Amour tel que je le présente est négatif,
puisque c'est une réalité incontournable que l'on ne peut supprimer
et qui est généralisée chez tous les autres humains :
il s'agit donc d'une constante que l'on ne peut éviter et avec laquelle
on doit composer pour la construction de la Société
En
revanche, le crime, le viol, la trahison (pour ne citer que des exemples)
peuvent être connotés négativement puisque ce sont des
actes que l'on peut éviter et que, même si chaque être
humain est capable de les perpétrer, chaque être humain est capable
de les réfréner : il a pour cela besoin d'une bonne connaissance
de soi, une connaissance sans fausses définitions et qui ne soit pas
encombrée par la morale révélée, bourgeoise ou
religieuse, qui n'a aucun rapport avec la Raison
C'est en donnant de fausses définitions, en jouant avec les mots et
les sens, en bannissant certains termes, certaines pensées, en en ancrant
d'autres, en imposant certaines idées reçues dans l'inconscient
collectif, par l'intermédiaire de l'Enseignement et de la Religion,
relais de l'Etat et du Pouvoir Economique, que cette Société
crée des frustrés, des abrutis, des aliénés, des
opprimés
L 'émancipation des hommes passe par l'émancipation des mots,
par l'émancipation de la philosophie, que l'on doit dégager,
comme toute science, de l'emprise du Pouvoir et des intérêts
partisans.
Si les hommes ont choisi et su vivre ensemble, c'est par la prise de conscience
du fait que l'Humanité, une et indivisible, ne peut avancer qu'unie
vers le but ultime. C'est par l'établissement d'un Contrat social qui
doit se retransmettre dans la culture, qui doit s'ériger en morale
rationnelle et qui doit s'émanciper des pulsions et des jeux de la
Nature qui mettent les plus faibles d'entre nous sous la plus néfaste
des emprises : celle du Pouvoir. La tâche des philosophes et des socialistes
est de bannir toute aliénation de nos discussions, de lutter contre
nos pulsions quand cela est possible, de connoter négativement tout
ce qui peut et doit l'être, de connoter positivement tout ce qui contribue
à notre marche vers la connaissance en soi, vers la vérité
absolue.
C'est pour cela qu'il faut reconnaître la vraie nature de nos pulsions,
qui sont des processus chimiques et des conséquences de notre existence
physique, c'est pour cela qu'il faut jouer avec notre nature de telle manière
qu'elle ne soit pas " négative " mais positive. La Raison
ne doit pas toujours combattre la Passion (la Nature), mais au contraire se
combiner avec elle, la compléter, la pousser dans le bon sens
Car la Vérité absolue est la sommede l'infinité des vérités
relatives. Et car la liberté de l'Individu n'est pas limitée
mais multipliée, mise en abîme par celle des autres. Autrui est
partie intégrante de notre dépassement du divin, de notre recherche
de notre propre But.
7 avril 2000. Pour la Démocratie.
La démocratie est le seul système en harmonie avec le but des
hommes tel qu'on l'a défini. Le but de l'humanité est l'humanité
elle-même.
Se battre pour que l'Humanité atteigne le seul idéal qu'elle
puisse se fixer, c'est être un humaniste. Etre un humaniste, c'est être
un démocrate.
Aucun homme n'est absolument supérieur à un autre. Il est donc
logique que soit écartée la conception voltairienne du "
despotisme éclairé " et que le pouvoir soit remis entre
les mains de tous, et donc dans le cadre de la démocratie. Ce terme
signifie que le pouvoir appartient au peuple, et donc à tous, car c'est
la seule manière, par le débat collectif, l'échange et
le partage, de parvenir à notre émancipation. Cependant, si
le pouvoir doit appartenir à tous, il est impossible de mettre le peuple
entier au gouvernement : si tout le monde gouverne, qui sera gouverné
?
C'est pour cela que la démocratie exige l'abolition sans condition
de toute forme de gouvernement
Si une minorité est mise au pouvoir, on sombre dans une conception
élitiste de la société, contraire à toute considération
scientifique. Et malgré toute notre bonne volonté communarde
(révocabilité des fonctionnaires, séparation des pouvoirs,
contrôle des hiérarchies par la base
), toute hiérarchie
entraîne inévitablement l'aliénation par la pulsion d'emprise
des gouvernants.
On voit en fait que l'idée démocratique est confondue avec l'idée
socialiste. La religion, par exemple, ne justifie pas en théorie la
démocratie : parce qu'elle ne croit pas au but de l'humanité
tel que nous l'avons défini, et parce qu'elle croit que les hommes
sont sur terre pour expier par leur travail la faute que les premiers représentants
de leur race ont originellement commise
Que lui importe une dimension
politique ? L'essentiel est que les hommes se repentent. C'est parce qu'elle
ne croit pas que l'humanité doit chercher seule son propre but qu'elle
ne postule pas la nécessité de la démocratie : elle a
opté pour celle-ci par pure démagogie, à la fin du XIXe,
parce qu'elle voyait l'idée de royauté s'effondrer dans l'esprit
du peuple et qu'elle ne voulait pas perdre son emprise sur celui-ci. C'est
pour la même raison qu'une partie de l'Eglise a accepté l'idée
de laïcité, de séparation de l'Eglise et de l'Etat
La Religion n'a qu'une vision spirituelle de la société : toute
dimension sociale, économique, politique, est secondaire. A cause de
cela, elle a bâti son triomphe sur le sang du peuple : l'apologie de
l'idée d'Empire, la théocratie pontificale, l'Inquisition, la
collaboration avec les fascismes et ses rapports avec les élites dans
le cadre du capitalisme sont la preuve des prétentions absolutistes
de l'Eglise.
Etre un démocrate sans être un démagogue, c'est nécessairement
être un laïc. C'est nécessairement être un socialiste.
La démocratie ne s'embarrasse pas de demi-mesures : il n'y a pas de
démocratie possible en système capitaliste, tout simplement
parce que la démocratie vomit le profit, parce que la démocratie
c'est nécessairement l'égalité. Il n'y a pas de démocratie
dans les régimes actuels parce qu'en démocratie les leaders
n'ont de légitimité que si le peuple les soutient, et uniquement
s'ils répondent à ses désirs
Ou est la légitimité
d'un gouvernement qui a été élu avec plus de 50 % d'abstentions
? Ou est la légitimité d'un gouvernement qui continue la même
politique malgré les grèves générales qui se succèdent
?
Il s'agit là d'une conception élitiste de la société
: si les ministres continuent leur politique, c'est qu'ils estiment avoir
raison, c'est donc qu'ils ne reconnaissent pas l'avis de la majorité
descendue dans la rue pour protester, et c'est donc qu'ils ne reconnaissent
la démocratie qu'au moment où ils ont été élu
! Tous les moyens sont bons aux démagogues pour parvenir au pouvoir.
Les cris des 3 et 4 Juillet 1917 sont aussi les cris de l'An 2000 : "
A bas les 10 ministres capitalistes ! "
8 avril 2000. Politique et Idéologie : Peuple et Avant-Garde.
Pour le révolutionnaire, 2 notions sont à percevoir : la politique,
et l'Idéologie. La politique est la perception du présent et
l'action immédiate pour la société. Elle signifie que
le révolutionnaire agit pour satisfaire les aspirations, toujours immédiates
et spontanées, des masses populaires. Il essaye de formuler leurs attentes
et se " contente " d'essayer de les réaliser. La Politique
est en fait le respect de la démocratie. L'Idéologie signifie
que le révolutionnaire ne perd pas non plus de vue ses intuitions et
les conclusions théoriques qu'il a dégagées de son étude
de l'Histoire, et de l'histoire du mouvement ouvrier en particulier, de l'économie
et de la philosophie politique. L'Idéologie est en fait le courant
politique et historique dont un mouvement se réclame. Le révolutionnaire
agit dans la perspective d'un projet, mais toujours en respectant la volonté
des masses. Un mouvement ayant pour but l'émancipation de la classe
ouvrière doit évidemment respecter les désirs de celle-ci,
même si la conscience politique des masses n'est pas arrivée
à maturité. Il défend la classe ouvrière, et lui
soumet ses idées : il mène ainsi un immense travail de propagande,
mais ne dicte pas ses idées, il n'essaie pas de se servir de la confiance
populaire pour détourner les aspirations des masses à son profit.
Il agit pour le peuple et non par le peuple. C'est ainsi que la démocratie
trouve des défenseurs ardents. C'est ainsi que l'on voit la légitimité
d'une organisation, notamment si celle-ci est au gouvernement : en dehors
de tout projet politique, qu'elle a le droit légitime de posséder,
une organisation est en dernière instance confrontée à
la volonté des travailleurs. Le Parti Socialiste, qui a trahi son propre
programme, et la confiance que les électeurs lui avaient accordée,
et qui continue malgré les grèves massives que la classe ouvrière
lui oppose, sa politique de déréglementation, n'est ni un Parti
Ouvrier ni même un mouvement démocratique
Le Parti socialiste
est l'émanation et la traduction politique de l'oligarchie bourgeoise
qui possède le pouvoir. Ce gouvernement est un gouvernement de versaillais
et de thermidoriens. C'est un gouvernement de bureaucrates, de corrompus et
de fascistes.
9 avril 2000. Entre marxisme et anarchisme.
La Révolution n'est pas qu'un bouleversement de société,
ou plutôt : le bouleversement de société est inséparable
de celui de l'individu. C'est dans ce cadre que marxisme et anarchisme sont
inséparables. L'anarchisme est une méthode d'émancipation
de l'individu : il est le gauchisme de la pensée, pour lequel le moi
ne doit subir aucune oppression et doit, par provocation et par principe,
être l'insolence absolue. Le marxisme est l'anti-gauchisme : rationnel
et scientifique, il se fixe pour but le renversement du rapport social d'exploitation,
le capitalisme, et ceci en mettant de côté nos principes, en
ne considérant comme juste que tout ce qui participe utilement à
la victoire de la classe ouvrière.
La vision des anarchistes est un peu différente : parce qu'elle considère
l'émancipation des hommes comme " préalable " à
la révolution, alors que c'est le contraire pour les marxistes.
L'anarchiste doit affirmer sa personnalité, ne pas se fondre, ne pas
se compromettre, ne pas se trahir, ériger en principes les traits de
sa pensée, crier par provocation et à la face du monde la nature
de son moi et ses idées, ne pas ramper, ne jamais courber l'échine,
mais plutôt affirmer avec le grondement de la puissance la force de
sa personnalité, plutôt mourir que de vivre à genoux,
plutôt mourir que de se trahir un instant.
L'anarchiste affiche ses moindres pensées. Il refuse de se couler dans
les moules. Il a le goût de l'original, le culte de l'Original. Il hait
les modes et les tendances, les idées reçues et la société
de consommation, qui aliène et qui tue l'esprit. Il hait la dépendance
et les paradis artificiels, qui corrompent son esprit et l'éloignent
de son but et de sa majesté. Il combat toute forme de drogue. Il lui
faut par principe, par principe révolutionnaire, anarchiste, refuser
de s'ancrer dans un mode de pensée, il lui faut rejeter les préjugés,
mépriser les lieux communs. C'est pour cela qu'il ne suit pas les modes
vestimentaires, qu'il hait les populismes, qu'il vilipende ces bufs
qui se rendent en cortèges vociférants reluquer le dernier match
de foot
Il est intolérant. Il refuse tout ce qui le rapproche
des foules : il ne doit pas s'y fondre mais s'en dégager
Et tout
cela pour arriver à se détacher des instruments de masse : l'Eglise,
l'Etat, le Capital et leurs outils, Education, mass media, lois et codes civils,
police et armée
L'Anarchiste est puissamment fier. Il ressent
au plus profond de son être les idées qui l'animent. Des cris
déchirent son âme, et l'évocation des combats passés
et à venir sont la cause des spasmes qui percutent sa poitrine. Il
tambourine et martèle de ses armes les théories qu'il revendique
Il doit avoir l'esprit de contradiction. Il doit rejeter toute autorité.
Il doit s'émanciper à tout prix : plus son corps se sera démarqué
socialement, plus sa pensée, par voie de conséquence, deviendra
autonome. Il faut chercher plus loin en soi, fouiller toujours plus avant,
détruire conventions et traditions qui servent de carcans et qui deviennent
des carcans idéologiques. En marginalisant son personnage, on marginalise
sa pensée et on l'émancipe de toute pression extérieure
Alors seulement, après ce travail de sape et de destruction, on comprend
ce qu'entendait Bakounine : " Toute destruction est créatrice
". Car alors il faut reformer son esprit, et cela sur de nouvelles bases.
Alors recommence une intégration à la société,
mais une intégration de façade. Après avoir appréhendé
le processus révolutionnaire, il faut le penser, le comprendre, il
faut préparer l'avènement du Neuf.
Il faut comprendre la science. Il faut comprendre le marxisme. Après
ce nettoyage, l'Esprit ne sera plus comme avant.
Il faut acquérir de nouvelles notions : on vient d'expérimenter
ce que doit être l'Homme Nouveau, on a perçu de près ce
qu'est l'originalité absolue, il faut maintenant faire en sorte que
ce nettoyage intérieur touche les autres
Les anarchistes "
politiques " postulent qu'il faut attendre que tout homme ait fait ce
nettoyage pour que la révolution se fasse. Cette considération
est logique : si chaque homme s'émancipe, il n'y a effectivement plus
besoin de révolution. Mais cette idée est utopique : car tous
les individus n'ont pas la personnalité et les moyens psychologiques
de comprendre par eux-mêmes pourquoi il est besoin de faire le vide,
et il faut le leur apprendre. Or, les organisations anarchistes, si l'on met
de côté les syndicalistes, sont calquées sur ce modèle
: ne prévoyant pas de propagande, refusant de devenir des organisations
de masse, elles refusent de devenir des organisations ouvrières et
se coupent de cette classe. Comment pourraient-elles alors faire passer leurs
idées ? L'anarchisme serait ainsi condamné à rester une
idéologie marginale
Il existe une méthode pour faire la révolution : c'est le marxisme.
Il enseigne qu'il faut convaincre les ouvriers par l'analyse des faits. Il
remarque que la violence que l'on utilise lors de l'affirmation de ses idées
fait peur et propose donc de convaincre par la discussion, par la dialectique.
On expose les faits et on démontre leur enchaînement logique.
Il n'y a qu'ainsi, rationellement, que l'on peut convaincre les ouvriers que
la Révolution est nécessaire. Il faut leur apprendre la nature
de ce rapport social d'exploitation qu'est le capitalisme. Il faut étudier
l'Histoire et voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, quelles
méthodes sont justes ou injustes, déduire par l'expérience
vers quelle organisation tendre et comment y parvenir
en ayant toujours
à l'esprit que seule la Justice est envisageable.
Mais le marxisme n'élude pas l'anarchisme. Le révolutionnaire
doit être émancipé à tout point de vue. Il doit
convaincre mais aussi fasciner. Il doit montrer par son exemple personnel
le visage de l'homme nouveau. La méthode scientifique du socialisme
n'écarte pas l'Individu. L'individu est au centre du processus conscient,
et son esprit contestataire est la garantie de son esprit critique. Marxisme
et Anarchisme mélangent les 2 composantes de l'Homme : Passion et Raison
s'entrecroisent pour faire du tenant de ces idées un théoricien
de l'humanité. Sans moutons, pas de bureaucratie. Le révolutionnaire
ne se coupe pas des masses, il agit par nécessité dans les Partis
et les Syndicats, mais il conteste, il se détache, et jamais il ne
se tait. C'est seulement ainsi que l'on ne trahira pas la Révolution,
et c'est seulement ainsi que l'Humanité parviendra à son émancipation
: par un prodigieux nihilisme scientifique !
16 avril 2000.
La réalité et l'actualité nous le prouvent : le Parti
est le meilleur instrument de lutte politique. Lui seul peut coordonner et
épauler efficacement les combats syndicaux. Lui seul peut fédérer
les idées, les volontés et les combats
Aucune association,
aucune autre forme d'organisation n'a su pour l'instant nous prouver qu'un
autre chemin était possible
La FA existe, certes, mais ou sont
son action et sa cohérence ? Seul le Parti forge la discipline que
l'action requière
C'est là ce que la Révolution
d'Octobre et sa préparation ont prouvé : mal structurés,
manquant de recul, de perspective, et de lucidité, les Anarchistes,
durant les Journées de Juillet, appelaient à l'insurrection
immédiate et à la prise du pouvoir par les Soviets
Or,
et Trotski le montre dans sa lumineuse Histoire de la révolution russe,
si les masses étaient effectivement capables de prendre le pouvoir
à ce moment-là, tout indique au contraire que, manquant encore
de conscience et de volonté, n'étant pas encore poussées
à bout, et au vu de la difficulté de la guerre civile, elles
n'auraient pu le conserver
A ce moment, seul le Parti bolchévique,
prenant le risque d'attirer sur lui la suspiscion, tout en accompagnant et
en aidant les ouvriers à organiser leurs manifestations, essayait de
temporiser, de leur expliquer que le moment n'était pas encore venu
L'Histoire lui a donné raison !
C'est grâce à sa dicipline (tout en excluant de ce terme les
notions de hiérarchie et d'autorité) que le parti peut structurer
ses ressources et faire preuve de cohérence et de lucidité dans
son action et son appréhension des événements
Mais le risque de la bureaucratisation est un point encore plus noir que la
discipline n'est blanche
Le Parti est bien la pire des organisations
(et pour reprendre une expression churchillienne) à l'exception de
toutes les autres : nimporte quelle révolution, quelle que soit son
ampleur, risque d'être balayée en moins de temps qu'il n'en faut
pour le dire, trahie par ses leaders, et par la pulsion d'emprise qui a transformé
en bureaucrates le terreau de la révolution. A tout moment, le Parti
peut engendrer la contre-révolution la plus puissante, la plus dévastatrice
qui soit
En conséquence
Utiliser le Parti car, en l'absence d'un syndicat
unifié et puissant, nous n'avons pas d'autre recours
Mais bien
des doutes peuvent encombrer notre route. Bien des questions sans réponses
: Y a-t-il un moyen efficace de se protéger de ses propres dirigeants
? La démocratie interne, la transparence, suffisent-elles à
elles-seules pour empêcher le pire des crimes envers le peuple, pour
empêcher nos plus grand héros de devenir nos pires ennemis ?
17 avril 2000.
L'apparence est une valeur bourgeoise. C'est ce culte de l'apparence qui contribue
à créer une société basée sur l'hypocrisie
et le mensonge. Et c'est cette société qui crée des frustrés
et des aliénés
Le paraître cache l'être, il
cache la vérité. A l'instar de Trotski, j'ose affirmer que "
seule la vérité est révolutionnaire ". L'apparence
vestimentaire, le " paraître ", tout cela est un paraître
social : il s'agit de s'élever aux yeux de la société
Qu'est-ce donc que cette mentalité sinon une preuve de l'aliénation
des individus par la morale bourgeoise : l'individualisme aristocratique ?
Cette question est à rapprocher de celle des mots. " Ce n'est
pas le mot qui fait la poésie, mais la poésie qui illustre le
mot ", ou bien " le snobisme scolaire qui consiste en poésie
à n'employer que certains mots et à la priver de certains autres
" ou encore " ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres
ni le baise-main qui fait la tendresse ", ainsi parlait Léo Ferré
dans Préface
Le mot, dans l'expression, a moins de valeur que
son sens. Les notions de langage vulgaire ou soutenu sont des valeurs bourgeoises
: c'est dans une certaine manière ce que certains yippies revendicaient
: une destruction de la symbolique bourgeoise, une épuration des valeurs
et des traditions, le sacrifice de la tradition sur l'autel de la raison
Dans son livre Do it !, Jerry Rubin évoque la création d'un
Front de Libération du Langage aux US pendant la guerre du Viet-Nam
: n'est-ce pas la marche à suivre ?
L'emploi de " J'encule la guerre " au lieu de " Non à
la guerre " occasionne-t-il une modification du sens de cette phrase
? Au pire, la première expression évoque-t-elle une affirmation
plus violente : mais encore faut-il que le terme " j'encule " ait
une connotation violente dans la bouche de celui qui l'emploie. Or, c'est
le destinataire qui crée les connotations et les valeurs des phrases
et des mots qu'il entend : dès lors, pourquoi employer un langage plus
sain, si le destinataire peut de toute façon transformer chaque mot
en insulte ? La vulgarité est une convention : elle participe de ce
paraître social que j'évoquais plus haut, elle est encore et
toujours une manifestation de l'éducation et du conditionnement bourgeois
Qu'est-ce que la vulgarité en soi ? Il semble difficile de prouver
pourquoi tel ou tel mot est vulgaire
Il est vulgaire parce qu'on l'a
défini comme tel. Et pourquoi l'a-t-on défini comme tel ? Dans
la plupart des cas, c'est parce que (comme dans le cas de " bordel ",
" enculer ", " bite ", " merde ", " chier
", " salope ") il s'agit d'un vocabulaire lié au corps,
qu'il soit scattologique ou évoquant la sexualité
Pourquoi
et par qui ces notion sont-elles condamnées ? On peut voir par l'examen
de l'Histoire que c'est l'Eglise qui a condamné ces notions, et tout
ça parce qu'elles se rapprochaient trop d'une humanité "
naturelle ", parce qu'elles entraient en conflit avec l'idée d'une
humanité créée par Dieu et se devant de respecter certaines
règles : l'idée de corps n'est-elle pas une insulte à
l'idée d'esprit ? L'esprit n'a-t-il pas, pour ces gens-là, 100
fois, 1000 fois plus d'importance qu'un corps qui va finir par disparaître
alors que l'esprit, l'âme, elle, ve perdurer éternellement
L'évacuation des mots qui expriment ces idées est donc l'uvre
de la morale religieuse, reprise par la société bourgeoise et
les élites, qui ont fusionné avec les élites croyantes,
consacrant l'union -logique- de toutes les oppressions et de tous les oppresseurs
Réutiliser ces notions, c'est donc faire référence à
des valeurs que nous devons rejeter. La construction d'une société,
d'une humanité nouvelle, passe par la destruction complète de
ce qui existait auparavant, et d'autant plus lorsqu'il s'agit du patrimoine
de nos pires ennemis.
Encore une fois : la Destruction est créatrice
18 avril 2000.
Le débat sur l'évolution et la révolution a-t-il bien
lieu de se faire ? (C'est d'ailleurs le titre d'un ouvrage d'Elisée
Reclus) La Révolution EST une évolution. Mais elle est UNE forme
d'évolution. Ce qui la met en valeur parmi toutes les autres, c'est
qu'elle implique un renversement violent
Je peux montrer pourquoi cette
violence est nécessaire, pourquoi cette évolution est la plus
grande de toutes. En définitive, une révolte est un événement
violent. Mais la Révolution, c'est un événement violent
qui consacre, qui est la cause, d'une évolution. La Révolte
et la Révolution sont 2 faits politiques, sociaux.
Si l'emploi de la violence est nécessaire, c'est parce que l'évolution
ne peut se faire dans un autre cadre. La supériorité du révolutionnaire,
c'est d'avoir compris la nécessité de ce processus, c'est d'avoir
compris que l'évolution ne peut se faire sans violence.
Pourquoi y a-t-il obstacle à cette évolution ? Quel est le grain
de sable dans les rouages de la gigantesque machine sociale ? Ce grain de
sable n'en est pas un : il s'agit de la nature de cette macine sociale, ou
plutôt, de ce rapport social d'exploitation
En démocratie,
le peuple est censé être au pouvoir, il est censé prendre
les décisions librement et ainsi en assumer pleinement et consciemment
les conséquences. Il n'a pas à revendiquer puisqu'il lui suffit
d'agir. Or, notre république a ses cortèges quotidiens de manifestations
et de grèves, de protestations et, pire, de répressions
S'il y a manifestation, s'il y a répression, c'est qu'il y a contradiction
entre 2 partis : en l'occurrence le pouvoir et la population
2 logiques
contraires s'affrontent.
C'est une vérité historique : tout ce que l'on considère
aujourd'hui comme des acquis, tout ce que le peuple, et même (au moins
dans les mots) le gouvernement, considère comme des valeurs, n'a pas
été offert par le pouvoir. La Sécurité sociale,
la journée de 8 heures, les retraites, la liberté d'expression,
la liberté d'association et même les syndicats, tout ceci est
le fruit de combats menés d'après les revendications de la classe
ouvrière. Le gouvernement n'a jamais rien offert au peuple de sa propre
volonté. En France, c'est sous les coups des grandes grèves
de 1936, de 1968, c'est sous la pression des ouvriers armés par la
guerre en 1945-46, que le gouvernement a du céder
et ne croyons
pas qu'il a cédé sans se battre : police et armée, bourgeois
et bureaucrates, tous se sont unis pour contrecarrer les volontés démocrates
et démocratiques. Quotidiennement, c'est sous la pression populaire,
sous la pression des syndicats vigilants, sous la pression des masses, que
les autorités abandonnent leurs réformes
Ne nous méprenons pas : si de tels efforts ont été nécessaires
et le sont encore actuellement pour l'application de droits que nous considérons
comme élémentaires, c'est parce que le Pouvoir n'est pas avec
nous mais bien contre nous. La bourgeosie et l'Etat sont nos 2 pires ennemis,
et nous menons des batailles quotidiennes pour notre protection, notre émancipation
et notre épanouissement.
Le rôle de l'Etat tel qu'on nous l'annonce, le concept d'Etat, tout
cela ne fait-il pas référence à la matérialisation,
la sécularisation de la Justice ? L'Etat n'est-il pas censé
être en place pour garantir la mise en place, justement, de l'EVOLUTION
?
Si depuis toujours il nous faut employer la violence : les manifestations,
le boycott, le sabotage, les grèves et les émeutes, pour conquérir
des droits démocratiques, n'est-ce pas plus logique, plus efficace,
de conquérir ce Pouvoir qui nous mène la vie dure et puis de
le fouler au pied pour appliquer directement l'expression de notre volonté
?
Hé : n'est-ce pas cela, la Révolution ? N'est-ce pas tout simplement
l'érection de la volonté populaire en pouvoir populaire ? L'insatisfaction
de nos revendications est notre légitimité première :
nous voulons, nous exigeons la démocratie ! Le peuple exige ses droits
! Le peuple exige l'évolution sans laquelle il n'est rien ! Le peuple
exige la violence qui, seule, lui garantit cette évolution ! Le peuple
exige la Révolution !
19 avril 2000.
La tâche la plus dure pour le philosophe révolutionnaire, pour
cet homme, ce " skeptikos " qui, comme le disaient les grecs, "
fait profession de chercher le vrai ", et qui, comme je le dis moi, met
tout en uvre pour parvenir à la réalisation ou au rétablissement
de la vérité, c'est de parvenir à se détacher
des concepts éculés et des obscurantismes, c'est de parvenir
à dépasser l'aliénation et la frustration, et c'est aussi
de refouler la nature quand elle se met au travers du chemin que l'humanité
consciente a décidé d'emprunter
La notion de moi, revendication
étrange dans la bouche de quelqu'un qui se réclame de l'anarchisme,
doit disparaître de toute application politique : je veux dire par là
que l'égoïsme humain, présent dans chacune de ses actions,
doit être combattu de toutes nos forces par le pouvoir tout-puissant
de la Raison lorsque nous nous mettons au service du Peuple.
Sans pratique, les théories ne sont rien : les philosophes sont aussi
nécessairement des soldats. Le marxisme libertaire, c'est la marche
vers une philosophie de combat !
21 avril 2000.
Je ne demande qu'à croire en Dieu. Cependant, ma revendication, légitime
entre toutes, est qu'on m'apporte la preuve de son existence. Certains fins
penseurs m'objecteront que si effectivement il n'est pas possible d'apporter
la preuve de l'existence de Dieu, il en est de même pour son inexistence
: qui s'aventurerait à démontrer scientifiquement que Dieu n'existe
pas ? Comment, ce serait à moi de prouver que Dieu n'existe pas ? Voilà
un beau raisonnement scientifique : c'est en général le théoricien
qui doit apporter la preuve de ce qu'il avance. Comme rien, si ce n'est les
révélations de l'Eglise qui ne sont, comme leur nom l'indique
bien, que des révélations (et non des preuves), dans ce bas-monde
ne peut m'apporter la preuve matérielle qu'une entité supérieure
créatrice de toutes choses existe ( comment les croyants peuvent-ils
justifier leur croyance ?), je ne vois pas pourquoi, subitement, je deviendrai
croyant ? Il me serait possible à moi aussi d'avancer toutes sortes
de choses, les axiomes les plus incongrus et les moins vraisemblables, et
de justifier mes théories par le fait que personne ne peut me prouver
que j'ai tort
Le raisonnement scientifique, rationnel, ne raisonne-t-il
pas par déduction ? La théologie, ne procédant pas de
cette manière, ne peut en rien se revendiquer comme une science ! Quelle
est donc sa légitimité dans sa prétention de connaître
les causes et les remèdes des malheurs des hommes ? Il est impossible
de s'appuyer sur de vieux textes écrits 2000 ans auparavant par les
témoins d'une humanité barbare et crédule, bercée
depuis toujours par l'idée que des forces supérieures existent,
pour démontrer que Jésus, fils de Dieu ou d'autre chose, est
bien le révélateur de je ne sais quelle prophétie
Mais admettons. Admettons que Dieu existe : une entité absolue nous
a créés, je le crois. Que faire alors ? L'Eglise nous enseigne
qu'il faut obéir à loi de Dieu, que elle seule est d'ailleurs
apte à transmettre, et que c'est la seule manière de parvenir
à l'absolution de nos péchés. L'existence de Dieu et
les postulats de l'Eglise justifient-ils à eux seuls mes prières
? Dieu serait un peu, pour prendre une comparaison qui nous est plus familière,
à la fois le père et la mère de l'humanité. Nous
serions donc les enfants de Dieu. Mais l'enfant doit-il sans cesse, sous prétexte
que son père est son créateur, obéir à ses moindres
désirs jusqu'à devenir son esclave ? N'existent-ils pas des
tribunaux qui punissent ce genre de pratiques ? Et la Justice est censée
être absolue
Doit-il implorer son pardon à chaque instant
pour toutes les bêtises qu'il a faites ? Personne ne nous a enseigné
cela, peut-être même pas l'Eglise elle-même. D'autant plus
que l'ordonnateur, prêtre, n'est pas le père lui-même :
il serait un peu comme le tuteur qui tiendrait les consignes de parents habitant
dans un pays éloigné. Mais qu'est-ce qui nous prouve que les
conseils et les ordres du tuteur sont les ordres des parents ? Rien.
Dois-je, sous prétexte qu'ils sont mes créateurs obéir
à mes parents toute ma vie ? L'humanité n'a jamais vécu
comme cela : si pendant une partie de sa vie l'être humain se contente
effectivement d'imiter ses parents qui possèdent l'expérience
de la vie, il n'en prend pas moins un jour son indépendance
D'autre
part, rien ne prouve que, par le simple fait qu'il est père ou tuteur,
l'adulte a toujours raison. Le père peut avoir tort contre son fils
: et continuer à lui obéir dans ce cas précis relève
de la plus immonde injustice. Dieu serait alors l'autocrate le plus parfait,
et l'Eglise un groupe de Klaus Barbie en puissance
Pourquoi les règles ayant cours sur Terre ne seraient-elles pas les
mêmes dans le Ciel ? Est-ce qu'une position hiérarchique plus
élevée donne droit à la dictature ? Aucune constitution
civilisée ne mentionne cela ! Alors que nous nous battons pour l'émancipation
des hommes sur Terre, nous devons de même, logiquement et légitimement,
opposer notre raison critique à tout ce qui relève du soi-disant
céleste
Pour ma part, je continue à penser que la poignée d'individus
qui prétend détenir la vérité et prétend
se placer au-dessus des lois n'est qu'un groupe d'obscurantistes fanatiques
qui, aliénés par le pouvoir, ignorants de ce qu'est la science,
plongeant ses racines dans les balbutiements d'une humanité aveugle,
cherche à manipuler, consciemment ou inconsciemment, mais en dehors
de toute raison, des êtres humains qui essaient depuis quelques siècles
à peine de s'émanciper et de devenir des êtres libres
!
Ni Dieu ni Maître !
9 mai 2000.
Le Parti est bien la pire des organisations, à l'exception de toutes
les autres
10 mai 2000.
J'ose affirmer qu'il manque à Marx les progrès de la psychologie.
J'ose affirmer poursuivre sa théorie de l'aliénation, anrichie
par Freud, Reich, et les anarchistes. Marx, sur ce point, s'est montré
sociologue en démontrant le caractère social de l'aliénation,
notamment au sein du travail : mais si l'aliénation, tout bon matérialiste
le sait, est sociale, il convient de l'étudier sur le plan psychologique.
C'est la " configuration psychologique " de l'homme sui détermine
son aliénation. C'est donc l'étude des carences de cette configuration,
la mise à jour de son fonctionnement, de ses mécanismes, sa
compréhension, qui permettent de voir et de comprendre pourquoi et
en quoi l'homme est aliéné, et surtout pourquoi et comment il
doit dépasser ce stade
La psychologie, conclusion reichienne,
est bel et bien le facteur subjectif de l'histoire, et je pense utile de resituer
l'individu au sein du marxisme. L'individu a tout son poids dans le processus
révolutionnaire, et faire une étude psychologique de son comportement
permet de nous affranchir à jamais du marxisme vulgaire, cet anti-marxisme
stalinien qui supprime la notion d'individu, proclame que tout réside
dans les masses, supprime la notion d'individualité, et fait le jeu
de nos ennemis.
11 mai 2000.
Que ceux qui se proclament libertaires osent donc me refuser le qualificatif
d'anarchiste sous prétexte que je me revendique du marxisme ! Ce faisant,
c'est eux qu'ils assassinent. J'ose mêler les deux, j'ose dire que le
marxisme, enrichi de la connaissance pleine et vraie de ce qu'est l'aliénation,
est une science. La science est émancipatrice. Scientifique, cherchant
à pas de fourmis le réel, l'homme s'affranchit de Dieu et se
rapproche de lui-même, l'homme apprivoise la liberté. Messieurs
les grands penseurs, le marxisme est libertaire !
12 mai 2000.
Tout ce que nous donnons à Dieu, nous l'enlevons à nous-mêmes.
Tout ce que nous plaçons en nous, nous l'ôtons à Dieu.
Le but de l'humanité est l'humanité elle-même !
13 mai 2000.
Je ne crois pas, je sais. Et lorsque je ne sais pas, j'espère. Je n'ai
pas de hasards, j'ai des envies. Je me bats pour mes rêves, qui justement
n'en sont pas, je défends mes certitudes. Je lutte toujours et j'espère,
j'espère le Savoir triompher. Je me bâts sans relâche.
Contre l'ignorance, l'obscurantisme, et l'abrutissement. Ma vie est un combat
sans détours
et que vienne la tempête !
16 mai 2000. Le syndicalisme révolutionnaire : un mouvement politique ?
17 mai 2000. Histoire et Imitation.
19 mai 2000. Mouvements corporatifs : mouvements corporatistes ?
" Si nous pouvons prouver la justesse de notre conception d'un phénomène naturel en le créant nous-mêmes, ( ) et, qui plus est, en le faisant servir à nos fins, c'en est fini de la " chose en soi " insaisissable de Kant " (Friedrich ENGELS, Ludwig Feurbach)
" L'Histoire de la Science est celle d'une approche toujours plus exacte d'une réalité toujours plus complexe " (Jacques BARROS, Le Marxisme, horizon indépassable)
" Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transfome " (Lavoisier)
" La nature n'a pas eu de commencement et n'aura jamais de fin. Elle a toujours existé et existera toujours. La matière ne peut être ni créée ni détruite. Nul besoin d'un Dieu extérieur pour la mettre en mouvement. " Le mouvement est le mode d'existence de la matière ". La vie est le stade biologique de cette matière en mouvement. Vie et mort sont inséparables. Vivre, c'est mourir ou, plutôt, muer incessamment. La " mort " n'existe pas. Il n'y a qu'incessante métamorphose.
21 mai 2000.
L'Homme, c'est la nature qui arrive à la conscience d'elle-même.
23 mai 2000.
Effectivement, l'idée de mort va avec celle que l'esprit existe, qu'il
existe une " âme ", entité indépendante de la
matière. Mais l'âme n'existe pas. Notre faculté de raisonner,
notre faculté de ressentir des émotions, ce ne sont qu'un stade
déterminé de la matière à une époque déterminée
Si nous ne sommes que matière, si sans nous la nature aussi est matière,
si une fois que mon individualité a perdu ses facultés, la matière
et la nature existent toujours, on peut dire que rien n'est mort
De
poussière, je suis redevenu poussière. Certes, un individu n'existe
plus. Mais un autre va naître. La mort en général n'existe
pas. Des individus disparaissent mais ils se transforment. Je ne mourrai pas,
je ne suis même pas né, je ne suis que le produit de certaines
conditions matérielles. Je ne suis qu'un aperçu momentané
dans l'histoire de la matière. Je suis une représentation événementielle.
Je n'ai pas d'existence " en soi ". La liberté absolue n'existe
pas. Je suis prisonnier de la contingence de mon existence, je suis prisonnier
de ma condition, de cette nature que je n'ai pas choisie, qui m'est imposée.
Ma liberté est une liberté conditionnelle, sous condition de
la matière, et dans la stricte mesure où celle-ci l'autorise.
Conquérir la liberté, c'est remplir toutes ces conditions. Conquérir
sa liberté, c'est combler toutes les possibilités non astreintes
à un strict déterminisme physique et mécaniste. Certes,
l'Homme n'est qu'une étape dans l'Histoire de la nature, et si l'Homme
lui appartient, il s'en détache aussi, par l'absurde, par l'épanouissement,
par la conscience, c'est en cela que l'Homme est Histoire, c'est en cela aussi
que, même non absolue, l'Homme est Liberté.
24 mai 2000.
Si l'on doit renoncer à l'éternité, la vie acquiert une
valeur infinie. C'est aussi parce qu'elle promet à l'Homme la vie après
la mort que la religion accorde peu d'intérêt, ou plutôt
du mépris, pour les jouissances et les plaisirs. A l'inverse, toute
doctrine anti-religieuse fait nécessairement l'apologie des désirs
et pose, pour répondre au problème de la contingence de notre
existence, la satisafaction de ces désirs comme but premier de l'humain.
Satisfaire ses désirs, c'est satisfaire les particularismes du stade
biologique de la matière. Satisfaire ces particularismes, c'est se
détacher d'une stricte " utilité ", d'un strict déterminisme.
C'est s'approcher de la liberté. Opposée à cette satisfaction,
la religion s'oppose à la liberté.
25 mai 2000.
Je nommerais liberté ce qui est particulier à la fois à
la vie et à la conscience. Bien sûr, notre liberté d'agir
est une conséquence hasardeuse de l'état de la matière
Mais c'est une conséquence contingente, que certains peuvent nommer
absurde, inutile, particulière à la conscience
L'animal
n'est pas libre parce que, non conscient de sa propre nature, il ne peut s'y
soustraire. L'être humain a entamé une quête de la connaissance.
Celle-ci n'est pas absolue, mais elle est vraie. Car la science, cest la "
technique de la connaissance ". Elle progresse à petits ou à
grands pas, et ceci sur une droite infinie, mais elle progresse. Chaque jour,
nous nous rapprochons de plus en plus de nous-mêmes. Chaque jour, l'Homme
a de plus en plus conscience de lui-même et de ce qui l'entoure. Et
en même temps, connaissant ce qu'est le mécanisme de la vie,
il connaît aussi ce qui n'est pas nécessité. Il a ainsi
la possibilité de s'affranchir de la nécessité, de "
pratiquer " le contingent. Tout ce qui n'est pas strictement déterminé
par la naissance, tout ce sur quoi l'Homme a prise, c'est la liberté.
Toute structure qui s'oppose a cette contingence, qui renforce ou crée
une force " déterminant " l'Homme, est contraire à
la liberté. Ainsi en est-il de l'Etat, de la Religion, de la Propriété.
Si la matière est déterminante, elle n'en est pas moins créatrice
de liberté.
La liberté est le contraire de l'autorité. C'est le contraire
de la propriété, puisque la propriété détermine
et agit sur la vie d'autrui.
La liberté est le non-utile, le contingent, elle est l'adversaire de
la nécessité.
La liberté est un luxe que seul le scientifique est apte à se
permettre. L'Homme qui s'affranchit de la stricté nécessité
de subsistance est un Homme libre. L'Homme qui progresse vers la Connaissance
pure et absolue, vers la vérité vraie, vers la réalité
en soi, est un Home libre. L'Homme qui combat pour que toute barrière
autoritaire tombe est un scientifique et un Homme libre.
26 mai 2000.
Le matérialisme est cette philosophie qui n'admet d'autre réalité
que la matière. En somme, elle procède comme la science
la matière est en effet la réalité perceptible. La pensée
n'est qu'une manifestation particulière de la matière. Toute
pensée à volonté métaphysique ne postule que la
gageure. Faire de croyances des axiomes, voilà le plus grand crime
contre la science, contre l'humanité elle-même. Organiser en
institutions des regroupements de penseurs de Dieu, c'est donner à
leurs croyances une portée universelle, une volonté hégémonique.
Le matérialisme ne nous ment pas. Il ne bâtit en certitude que
le vérifiable.
27 mai 2000.
J'accorderais ceci à Malatesta : l'idéalisation de la classe
ouvrière, et d'autant plus à notre époque, est une mauvaise
chose, ne serait-ce que parce qu' " idéalisation " renvoieà
une notion contraire à la réalité et à "
rationalisation ". Cependant, je n'en déduirai pas, moi, qu'il
est aussi facile de convaincre un propriétaire qu'un travailleur. Si
effectivement l'aliénation joue dans les deux sens, il est indubitable
que le poids des contraintes sociales rend les travailleurs plus réceptifs
à notre discours . Quant aux propriétaires , il leur est plus
difficile d'adopter une démarche qui vise à les spolier. Tandis
que les travailleurs sont aliénés par l'idéologie dominante
et ses " conséquences pratiques ", ceux-ci le sont par la
richesse et le pouvoir, et ils tentent de donner une consistance rationelle
à leur aliénation en soutenant un point de vue individualiste
aristocratique.
Certes, l'idéalisation de la classe ouvrière est passéiste.
Mais n'en venons-pas à mésestimer le potentiel révolutionnaire
des travailleurs. Il nous suffit de ne pas ancrer notre vision de la classe
ouvrières dans l'époque bénie des hommes en bleu de travail
surconcentrés sur les lieux de production
Avec l'avènement
d'une production individualisée sur de petites unités, de la
tertiarisation, etc., la classe ouvrière a bien changé et le
vocabulaire peut prêter à confusion. Il semble bien que celle-ci
ne représente plus que 27 % des emplois en France, et que ce terme
en vienne à englober tous les travailleurs
Mais notre vocabulaire
n'en est pas moins indispensable : il ne renvoit pas seulement à une
tradition marxisante ou imprégnée d'une longue histoire de lutte,
mais il est l'héritage de concepts qui ont encore cours. En effet,
qui oserait douter du fait que Le Manifeste n'a jamais été autant
d'actualité ? Ne changeons pas les mots, modifions les définitions
!
Quant au fait que nous nous adressons exclusivement aux travailleurs, il s'agit
d'une optique d'efficacité et de connaissance de ce que représente
à tous les points de vue (des conséquences psychologiques de
l'aliénation) l'opposition entre Capital et Travail.
27 mai 2000.
On dirait bien qu'un " anarchisme vulgaire " s'emploieà verser
dans un " tout psychologique ", insistant sur des énormités
: les plus fous sont les plus intelligents (le déliré sur les
hôpitaux psychiatriques), et il est aussi facile de convaincre un bourgeois
qu'un travailleur
L'inverse pour les marxistes vulgaires, qui mettent
en avant un " sociologisme " rien moins que douteux
27 mai 2000.
Et pour en revenir à cette question de définitions : être
un militant ouvrier, ce n'est pas être un ouvrier militant
Ce
n'est pas une position socio-économique, c'est une position politique
! C'est déterminer sa position de classe et dire : voilà, je
suis du côté du Travail !
28 mai 2000.
L'idée géniale de Marx : constater que (toujours dans la logique
hégélienne d'indissociabilité de la matière et
de la conscience, et de celle, marxienne, de subordination de la conscience
à la matière) la pensée est en rappoort avec l'ordre
social. La philosophie fait intégralement partie de la " culture
" et à ce titre elle n'est qu'une superstructure se bâtissant
sur les infrastructures socio-économiques
Dans une société
de classes, c'est la classe dominante qui impose son idéologie, qui
devient l'idéologie dominante, soutenue par les différents instruments
du pouvoir : Education, Médias, Lois, etat, etc. La philosophie n'est
pas hors de cet " ordre des choses " : la philosophie n'a pas la
réelle indépendance que sa réputation proclame. Pour
Marx, donc, les philosophes pensent le monde, mais s'ils ne sont pas capables
de déceler l'influence des infrastructures sur leur propre pensée,
ils sont incapables de bien le penser
la philosophie, dans ce sens là,
est belle et bien impuissante ! C'est la politique qui doit intervenir !
29 mai 2000.
Marx est donc bel et bien un anti-philosophe. Cependant, une contradiction
subsiste : comment transformer le monde si on ne l'a pas pensé auparavant
? De même, sans sombrer dans le mécanisme historiciste, la pensée
de Marx n'a pas surgi par hasard : elle est elle aussi le fruit de son époque
; elle est le fruit des conséquences de la révolution industrielle
et de l'avènement du capitalisme : la prolétarisation, un contexte
dans lequel les ouvriers, assimilés avec raison par les libéraux
à des classes dangereuses, connaissent un niveau de vie inférieur
à celui qui était leur au Moyen-Âge
Marx est le
porte-parole historique de cette situation. Il était logique qu'en
même temps que le capitalisme naissait, une critique du capitalisme
devait naître
Marx lui aussi a pensé le monde mais il n'a
pas tenté, comme tous les philosophes, de penser dans l'absolu tout
en faisant abstraction d'un " contexte historique " , il a agi en
scientifique qui essaie de comprendre toutes les interactions des choses entre
elles, élargissant puisqu'il le fallait son sujet d'étude
Il a tenté de discerner objectivement les mécanismes les plus
subtils, et il s'est ancré dans son temps, ancré dans la réalité.
En un sens, il n'a pas " pensé le monde ", il ne l'a pas
interprété : il a tenté de le définir ! La nécessité
d'une transformation radicale était une conclusion logique : l'action
politique est la conclusion nécessaire et logique de toute philosophie
matérialiste.
30 mai 2000.
L'égalité absolue n'est pas notre but. L'égalité
est subordonnée à la Justice. Parce que le droit doit nécessairement,
malgré des critères égaux, être un droit inégal
! Parce que la -nécessaire- différence signifie en fait l'inégalité.
Les hommes tels qu'ils ont été faits par la nature sont inégaux
et il est nécessaire qu'ils le soient : cependant, c'est socialement
que l'égalité doit se faire. Le socialisme doit " réparer
" les inégalités naturelles, les " contrebalancer
" par un droit inégal qui fait que, socialement, les hommes deviendront
égaux. Le socialisme a rompu la contingence pour établir la
Justice !
Ainsi, l'Handicapé peut compenser son infériorité physique
par une supériorité matérielle
il en est de même
partout : le Socialisme se place au-dessus de la Nature, parce que la Justice
est à la fois un concept abstrait né des particularités
de la conscience, et une notion rendue concrète par l'action de la
société
La Justice, ainsi, est absolue, et l'homme s'affranchit
à un tel point des lois mécaniques de la nature qu'il touche
de très près la Liberté
1er juin 2000. Propriété du Travail ?
2 juin 2000. Sur la nature de l'Etat.
La vieille querelle entre Clastres d'un côté, Marx et Engels
de l'autre, semble avoir quelque solution. On peut, dans ce débat sur
la nature de l'Etat, discerner 2 choses : l'origine de l'Etat, et les conditions
de son maintien
La vraie question étant : l'apparition est-elle
due à des motifs politiques ou bien à des motifs économiques
? Si la première réponse se trouvait validée, une grande
partie de la théorie marxiste se trouverait remise en question.
J'examinerais le problème à partir de l'exemple franc, en particulier
aux VIII e et aux IX e siècles. Chez les Francs, comme chez la majorité
des tribus germaniques, le Pouvoir est issu du mund, symbolisé par
la barbe et les cheveux longs : le guerrier le plus charismatique et le plus
fort est reconnu comme chef
le pouvoir est donc de nature politique.
Après avoir envahi et conquis le territoire français, les Francs
essaient de mettre en place un pouvoir centralisé : ils renforcent
cette structure par l'emploi de la vassalité, une notion issue de la
commendatio romaine. Par ce système, un " petit " se recommande
à un " grand " : il lui obéit en échange de
sa protection et d'un " bienfait " (c'est-à-dire d'une terre).
Malgré une tendance à ce que les bienfaits soient concédés
de manière héréditaire (c'est-à-dire transmis
de manière pérenne aux descendants du vassal, qui doit se contenter
de renouveler le serment vassalique), la vassalité est bel et bien
une structure privée : aucune loi, aucune juridiction n'en stipule
les caractères ou prévoit des mesures de répression en
cas de non-respect de la vassalité. La vassalité n'est garantie
que par la bonne conscience et la bonne volonté des vassaux : cela
exige l'existence d'une morale développée. Or, la morale chrétienne
et l'universalisme chrétien n'ont pas encore bien imprégné
les murs encore tâchés des vieilles habitudes germaniques
: on préfère suivre celui qui rétribue le mieux la fidélité
Les vassaux sont ainsi corrompus. La théorie chrétienne n'est
d'ailleurs pas encore bien en accord avec les principes de l'Etat : l'augustinisme
politique, s'il postule que l'ordre doit régner pour que naisse la
paix qui plaît à Dieu, dit aussi, avec le pape Zacharie qu'il
" valait mieux donner la légitimité du pouvoir à
celui qui en possédait la réalité plutôt qu'à
celui qui ne la possédait pas "
voilà une idée
contraire au maintien de l'Etat ! Ainsi, l'Etat repose sur la vassalité,
ou les vassaux sont confondus avec les administrateurs, qui repose sur l'octroi
de bienfaits aux vassaux. Ceux-ci sont corrompus et ignorent la morale chrétienne
: la vassalité est donc bien facteur de désorganisation de l'Etat.
Ce qu'on peut tirer comme conclusion : l'Etat est d'origine politique. Pour
se maintenir cependant, il faut que l'élite politique se confonde ou
soit remplacée par l'élite économique. C'est elle qui
finit par assurer le relais au vu de l'absence de légitimité
de l'ancienne aristocratie : celle-ci fonde son pouvoir par le rôle
qu'elle a eu dans le passé, et sa puissance présente n'est que
fictive puisqu'elle ne repose que sur la vassalité. En revanche, la
domination économique concentre entre les mains des puissants une force
qui réside dans le fait que les rapports d'exploitation sont masqués.
Intelligente, elle n'exerce pas le pouvoir elle-même mais le délègue,
par l'intermédiaire de structures politiques qui le garantissent, à
une oligarchie issue de ses rangs
on présente en effet l'Etat
comme une structure à part : les hommes issus des classes possédantes
n'auraient plus cette origine une fois rentrés dans l'Etat. Parce que
l'Etat est au-dessus des contradictions de classes, parce qu'il est censé
les résoudre : sa politique n'a plus rien à voir avec les schémas
politiques
. Cependant, l'Etat, si sa nature et son origine ne laissent
pas de doute, est bel et bien historiquement le défenseur des aspects
économiques de la société.
" Le pouvoir politique n'est que le pouvoir d'une classe pour en opprimer
une autre. " (Marx)
2 juin 2000. Sur l'expérience du Parti.
Le Parti est un microcosme. A chaque instant, il m'en apprend un peu plus
sur la nature de l'homme. Il est rageant de voir que, alors que nous nous
organisons pour lutter contre un ennemi " de l'extérieur ",
nous sommes forcés de nous battre aussi à l'intérieur,
au sein de notre propre organisation contre des gens dont à l'impression
qu'ils ne sont pas du même combat que le nôtre
Des militants,
poussés de toute évidence par la pulsion d'emprise, en viennent
à confondre tous les cadres, à renier de fait les idées
mêmes pour lesquelles ils s'étaient engagés. Voici ce
que je constate tous les jours : des militants interviennent dans des réunions
diverses au nom du Parti (en notre nom !) alors qu'ils n'ont pas été
mandatés ; toujours suivant leur propre initiative, ils envoient dans
la même enveloppe deux publications de 2 organisations différentes
sous prétexte qu'ils appartiennent aux 2
ils confondent les cadres,
pratiquent l'entrisme, bafouent à chaque instant la démocratie
je me pose cette question ces gens-là font-ils partie de la même
organisation que moi ? Pour un pas que nous faisons en avant, ils nous en
font faire 10 en arrière
ils entretiennent auprès de la
population une image dépréciative, ils nous font haïr,
il leur suffit parfois d'un instant pour compromettre un travail de longue
haleine, qu'il se compte en heures ou en années
Que le contexte
soit grave ou qu'il ne le soit pas, le problème est le même :
cette aliénation que représente le pouvoir, qu'elle soit à
petite ou grande échelle, est, à terme, la cause du même
mal : la bureaucratisation, le stalinisme
Cela veut-il dire que l'Histoire
se répète inlassablement ? Un parti révolutionnaire devient
dictatorial, une scission donne naissance à un deuxième parti
contestataire qui se veut révolutionnaire, et qui lui aussi mène
à une deuxième révolution et une deuxième dictature
?
La solution serait simple : ne pas flatter les pulsions des hommes, ne pas
leur fournir les cadres qui leur permettraient d'asseoir leur puissance
Les organisations anarchistes, associations absolues, si elles ont su sans
doute montrer leur transparence et leur démocratie, en ont-elles pour
autant fait preuve d'efficacité ? Non. Car elles mènent du même
coup une position de principe qui est sectaire, et donc inefficace, ce qui
veut dire illégitime. Car ce sont les Partis et les syndicats qui canalisent
les forces du Progrès
Car en même temps nous avons faits des progrès, et cela dans
nos cadres. Ceux qui se réclament du trotskisme et du léninisme,
à l'opposé des positions de leurs fondateurs, ne sont-ils pas
aujourd'hui les défenseurs le plus ardents de l'indépendance
réciproque des partis et des syndicats, et donc du respect des cadres
et de la démocratie ? 90 ans plus tôt, dans les statuts mêmes
du Parti bolchévique, ce point ne figurait pas. Et donc les choses
avancent, des millions d'hommes ne sont pas morts en vain
et pourtant,
quel sacrifice !
C'est le groupe social qui aliène l'individu. Ou plutôt, ce sont
les productions du groupe social qui sont susceptibles de l'aliéner
Il s'agit donc de ne pas produire les marchandises, les structures, de la
même façon ; il s'agit de ne pas en faire des fétiches
Dans le cadre du parti, la solution est trouvée : faire en sorte que
les cadres laissent le moins de place possible à un individu . C'est
le groupe social dans son entier qui doit agir. L'homme qui se détache
nécessairement de la masse pour guider ne doit pas être un individu,
il doit être un porte-drapeau. Il faut faire en sorte que les personnalités
ne puissent pas s'exprimer en tant que leaders , que le Parti, organisation
de la Raison, ne laisse aucune place aux pulsions. C'est là le suprême
paradoxe de ma conclusion : l'Individu est dangereux. Si les personnalités
s'expriment, elles ne doivent pouvoir le faire que dans le cadre restreint
du Parti soumises aux règles fixées, et ne doivent avoir aucune
prise sur l' " extérieur "
Il faut, pour que la pratique
puisse aller de concert avec la théorie révolutionnaire, que
la théorie fixe en pratique les structures de son propre développement.
Les structures du Parti ne doivent pas être trop larges, pour ne pas
laisser les individus ressortir de l'apparence uniforme de l'organisation.
Nous sommes une organisation. Nous sommes derrière elle. Nous ne sommes
pas un groupe d'individus. Si le dialogue existe nécessairement entre
nous, nous ne devons avoir qu'une façade : c'est l'unité dans
l'action
Pour les bolchéviques, c'est ce que représentait le centralsime
démocratique
Celui-ci est loin d'avoir fait ses preuves. Les
structures les plus démocratiques exigent le fédéralisme.
Pour qu'une organisation puisse être démocratique, il faut que
ses statuts, ses structures son fonctionnement, soient le plus précis
possibles, aillent plus loin possible dans la définition et l'interdiction.
Il faut la transparence
Une solution à terme ? La diversité. A l'intérieur du
Parti, les personnalités doivent s'épanouir, s'exprimer, se
confronter avec la plus grande violence. Tout doit être dit. Un groupe
majoritaire, une tendance générale est déjà une
insulte à notre projet et une menace. Quant au PT et à la CMJR,
je n'attends qu'une chose, c'est que le nombre de trotskistes recule
moins nombreux, ils se sentiront moins grisés par la puissance
Mais n'est-ce pas là un point que l'on ne peut garantir ?
Voilà tout le problème
.
C'est un thème qui se rapproche de la question de la place de l'Etat
après la révolution. Si l'abolition de l'Etat est nécessaire,
c'est parce qu'il est le plus gros instrument d'oppression de classe, et c'est
surtout parce que sans Etat cette oppression est pour le moins impossible
C'est l'existence même des structures étatiques, créées
historiquement par les hommes, qui est facteur d'aliénation et fait
croire aux hommes que l'Etat existe depuis toujours et que la société
sans lui ne peut tenir, leur fait oublier qu'il n'est qu'un stade déterminé
de l'histoire humaine, existant à un moment, pouvant disparaître
à un autre
sans structures étatiques, les oppresseurs
ne peuvent asseoir leur pouvoir. Ils ont beau braquer leurs fusils sur le
peuple, ils ne peuvent les tenir en joue à chaque instant. Et seules
l'existence d'un corps de fonctionnaires, d'une police, d'un arsenal juridique
et de toutes ces structures, le Pouvoir ne pourrait se maintenir bien longtemps.
3 juin 2000.
La peine de mort
elle représente une mesure irréversible
qui, dans un souci d'équité et donc de légitimité,
n'exige qu'une seule chose : que la Justice soit parfaite. Or, qui pourrait
prouver que c'est bien le cas ? A Justice parfaite, système politique
parfait
. Aux Etats-Unis, entre 60 % et 70 % de la population carcérale,
et plus de 80 % des condamnés à mort sont noirs : cela est-il
représentatif des 15 % de population noire dans tout le pays ? Des
cas comme Sacco et Vanzetti, comme Hurricane Carter, comme Mumia Abu-Jamal,
comme tous les détenus politiques innocents et condamnés à
mort, le nombre incalculable d'erreurs judiciaires ne nous conduisent-ils
pas à penser qu'il en est tout autrement ? La peine de mort contribue
à la politique répressive mise en place dans les pays autoritaires
pour maintenir l'ordre social : la peine de mort met en place un régime
de terreur mis du côté des puissants pour éviter toute
rébellion
Même si l'on écarte toute considération
éthique sur le droit à la vie, on en vient inévitablement
à cette conclusion : la peine de mort est l'arme d'une justice de classe,
elle est l'arme de la dictature qui ne recule devant rien pour se maintenir
au pouvoir.
4 juin 2000.
Nous avons toujours les mêmes en face de nous ; quant à nous,
nous sommes toujours des hommes. Oui, c'est encore et toujours la lutte, toujours
l'organisation, il n'y a qu'elle qui nous pousse. C'est grâce à
elle que nous avançons.
4 juin 2000.
Le racisme. Une notion absente dans l'antiquité, née avec l'essor
industriel et l'intensification de l'oppression économique, la concentration
de l'esclavage vers l'Afrique ; une notion artificielle aujourd'hui employée
par le capital pour diviser les travailleurs
Ouvriers, employés,
ne tombez pas dans ce piège ! Vous êtes tous égaux et
ceux qui prêchent le racisme sont aliénés par l'Histoire,
sont aliénés par l'argent ! Le capitalisme a besoin du racisme
pour asseoir son pouvoir : la droite a besoin de l'extrême-droite
4 juin 2000.
Il est intéressant de voir comment ceux qu'on appelle les ultra-libéraux
élaborent des théories dont la réalisation ne tarderait
pas à sonner le glas de leur propre déchéance : l'abolition
complète de l'Etat et des concepts moraux utilisés par toutes
les autres tendances du capital (théorie des races, religion
)
est un pain béni pour les socialistes
ce sont là toutes
les barrières qui empêchaient les travailleurs de développer
leur conscience de classe, de se révolter, de prendre contact avec
nos idées
12 juin 2000.
Qu'est-ce que l'aliénation ? Il s'agit d'un concept mis à jour
et analysé dans les différents écrits de Karl Marx...
Selon le marxisme, l'aliénation est le rapport de l'homme avec les
fétiches, rapport qui se manifeste comme arrachement à soi et
perte de soi. Mais expliquons-nous. Le lien que l'homme développe avec
la nature est un lien dialectique : d'une part l'homme lutte contre la nature,
tente de s'en détacher afin d' ²être humain², et il
la " subjugue ", et d'autre part, de par son mode d'existence qui
consiste à utiliser et exploiter la nature, il a multiplié les
rapports avec la nature, à tel point que celle-ci lui est devenue indispensable...
Ainsi, l'homme ne se développe qu'en rapport avec la nature, et son
lien avec elle est un conflit de plus en plus aigü dans une unité
de plus en plus étroite. Son activité ne s'exerce et ne progresse
qu'en faisant surgir au sein de la nature un monde humain. Le monde humain
est le monde des créations de l'homme : les objets, les produits de
la main et la pensée humaine. L'homme ne peut pas se séparer
de ses créations, et le rapport qu'il doit établir avec elles
ne peut être que dialectique : c'est-à-dire que l'unité
qu'il forme avec elles ne peut que s'établir dans leur opposition et
l'exploitation. Cependant, le cours de l'Histoire a montré que certaines
créations, certains artefacts, dès lors appelés fétiches,
en viennent à prendre leur indépendance vis-à-vis de
l'homme et ainsi à le dominer : c'est ce rapport de domination qui
est appelé aliénation.
Pour l'homme, l'aliénation consiste en le fait que sa pensée,
ses idées, ses créations lui semblent venues d'ailleurs que
lui-même. " Les formes de son activité, de sa puissance
créatrice, s'affranchissent de lui, et il se met à croire en
leur existence indépendante. Des abstractions idéologiques et
de l'argent à l'Etat politique, ces fétiches paraissent vivants
et réels, et le sont en un sens puisqu'ils règnent sur l'humain
! L'être humain qui se développe ne peut donc pas se séparer
de cet ²autre² de lui-même que sont les fétiches. D'ailleurs,
les biens sans lesquels il n'existerait même pas une heure, et qui cependant
ne sont pas ²lui², se trouvent indissolublement liés à
l'exercice de ses fonctions et de ses puissances. La liberté ne peut
consister dans la privation des biens, mais, au contraire, dans leur multiplication.
Le rapport de l'homme aux biens n'est donc pas essentiellement un rapport
d'asservissement, -si ce n'est dans une société où ces
biens sont soustraits aux masses humaines et accaparés par une classe
sous couvert d'une organisation et d'un fétichisme adéquat.
Par conséquent, le rapport de l'être humain avec les fétiches
diffère de son rapport avec les biens. Le rapport dialectique de l'homme
avec les biens se résout normalement, et à tout moment, par
une prise de conscience de l'homme en tant que vie propre et jouissance appropriée
de sa vie, en tant que puissance sur la nature et sa propre nature. Mais,
le rapport de l'homme avec les fétiches se manifeste comme arrachement
à soi et perte de soi; c'est ce rapport que le marxisme nomme aliénation.
Ici, le conflit ne peut se résoudre que par destruction des fétiches,
par suppression progressive des fétiches, par suppression progressive
du fétichisme et récupération humaine des puissances
que les fétiches retournaient contre l'homme : par dépassement
de l'aliénation. "
Il existe donc également un remède... et l'on voit aussi se
dessiner la volonté marxiste de ²supprimer² l'Etat afin de
dépasser l'aliénation politique de l'homme...
Pour moi, l'aliénation a d'abord un ²aspect individuel².
Et les plus grands facteurs d'aliénation sont : l'argent, les drogues,
le soi disant ²amour² et toutes les passions, la religion... tout
ce qui est irrationnel et antiscientifique participe potentiellement de l'aliénation
de l'homme. Le seul moyen de dépasser l'aliénation est de penser
dans l'absolu, par rapport à la notion de Justice, et selon un processus
similaire à l'expérience scientifique et qui consiste à
dégager toute ²chose² de son contexte pour voir si elle est
légitime, c'est-à-dire-rationnelle. La légitimité
d'un état d'esprit, d'une création de l'homme, dépend
de sa rationalité. Tout ce qui est conditionnement, préjugés,
est aliénation et asservissement et n'a donc pas lieu d'être.
Ainsi, les médias représentent à ce jour un des plus
grands facteurs d'aliénation par ses mensonges répétés,
sa mystification de l'être humain. Mais l'homme est surtout aliéné
par sa nature : tout homme qui écoute ses instincts, ses pulsions,
est asservi par elles et est aliéné. Car, qu'est-ce que Soi?
L'homme est-il un être de nature ou de culture ? Il ne faut pas se poser
la question de ce qu'EST l'Homme : car il EST tout ce qu'il fait. Chaque geste
qu'il fait est une réaction de son moi, directement ou indirectement,
que cette réaction soit naturelle ou conditionnée ! La seule
chose qui compte est ce que l'Homme doit être : un être de Justice.
Le Moi de l'Homme est un Moi Hors de l'Homme, universel et inhumain. L'être
humain doit en partie tendre vers l'inhumanité ! Car : peut-on être
aliéné par sa nature même ? J'affirme que toute Injustice
est le produit d'une aliénation : l'Homme tout entier doit tendre vers
ce grand but qu'est la recherche de la Justice, par l'utilisation de la Raison
et l'interprétation du rationnel... Si, dans ce cadre, la Raison est
un mensonge que l'Homme se fait à lui-même, elle est un pis-aller
qui permet d'éviter une nature injuste... La nature de l'Homme est
l'individualisme. L'individualisme est donc une aliénation : la pire
d'entre toutes, car elle est le point de départ des atrocités
les plus diverses, du capitalisme et de l'impérialisme...
Le seul moyen de dépasser l'aliénation, nous l'avons vu, est
d'abord de prendre conscience de son aliénation, puis de rétablir
avec les fétiches un rapport dialectique qui nous permet de rétablir
l'unité nécessaire. Il faut donc que l'homme coexiste avec sa
nature, sans laquelle il n'est pas homme, tout en se défiant d'elle
par l'intermédiaire de sa raison. L'homme ne peut être un ²tout
culturel² ou un ²tout naturel² : il est un produit de ces deux
facteurs qui sont la raison et la passion, sans que la passion ne devienne
une aliénation, et sans qu'aucun des deux facteurs ne cherche à
dominer l'autre. Pour résoudre l'aliénation passionnelle, il
convient donc de la ²penser², de l'analyser pour mieux la percevoir
et la dépasser.
Suffit-il d'être maître de ses pensées pour l'être
de ses sentiments ? Pascal disait à juste titre que "le coeur
a ses raisons que la raison ne connaît point". Les sentiments sont
source d'inquiétude, d'excès et de déséquilibre...
" Dès lors, on voit mal comment l'ordre de la pensée pourrait
régner sur les sentiments", et il est vrai que ce n'est pas en
croyant ne pas pouvoir aimer que l'on oublie l'amour. Toute la volonté
du monde ne peut s'opposer aux sentiments ! Cependant, nous pouvons sans crainte
affirmer, avec Spinoza derrière nous, que le simple effet de la connaissance,
et de la raison, permet de limiter l'emprise des sentiments. Certes, l'homme
est toujours soumis aux passions... et il est nécessaire qu'il le soit
s'il veut encore être homme car la suppression des passions ferait de
ce monde un monde vide, sans intérêt, et la connaissance pure,
sans entraves, ne remplacerait pas le second but de toute vie humaine : la
recherche du bonheur. L'homme doit avant tout chercher la justice, cela est
vrai, et cela doit devenir sa principale préoccupation, mais les sentiments
sont nécessaires tant qu'ils ne deviennent pas l'artisan de l'aliénation
de l'homme. Certes, l'homme est toujours soumis aux passions, mais certaines
passions sont légitimes, toutes les passions sont légitimes
tant qu'elles ne sombrent pas dans l'excès, parce qu'alors elles deviennent
aliénation. Et s'il n'est pas possible d'accéder à la
maîtrise totale des sentiments, il est possible, et c'est un devoir,
de dépasser l'aliénation par la raison.
Ce que je nomme donc aliénation ²naturelle² est le point
de départ de tout. Pour moi, il n'y a pas vraiment d'aliénation
politique : tout problème de la société est dû
à une aliénation des masses, suivant leur position socio-économique,
par le système. Par exemple, le capitalisme et ses injustices sont
provoqués par l'aliénation, par l'argent et le capital, des
chefs d'entreprises. L'action de ces hommes est directement issue de leur
conception individualiste du monde, qui est elle-même le pur produit
de leur aliénation vis-à-vis de leur nature. Il en est de même
pour l'aliénation politique : les gouvernants sont eux-mêmes
aliénés par le pouvoir qu'ils exercent. C'est la nature qui
impose à l'homme son caractère individualiste... Je tire directement
de cette analyse ma vision de la société et la nécessité
de la destruction de l' Etat.
Est aliéné tout homme pour qui " a priori " tout ce
qui est réel est rationnel, tout ce qui existe est immuable et légitime.
Est aliéné tout homme séparé de la pleine connaissance
des choses par un obstacle quel qu'il soit, pour qui toute création
de l'Homme en vient à avoir une existence propre
L'aliénation
fait de tous des victimes avant d'être des coupables, mais elle n'excuse
pas tout. Le socialiste n'est pas un surhomme : s'il a su se débarrasser
des chaînes de son esclavage, tout être en est capable et tout
être doué de raison, c'est-à-dire tout être possédant
les moyens de sa libération, devra répondre de ses crimes.
.
13 juin 2000.
Le Parti agit comme un Etat en microcosme. La raison pour laquelle les libertaires
sont contre le Parti est la même que celle qui les incite à attaquer
l'Etat. L'Etat est un instrument de domination de classe. Le Parti également
: et les bureaucrates se substituent aux bourgeois
Offrir des responsabilités
à un individu est bien la pire des choses à faire : une organisation
doit agir comme si elle était une masse : aucune tête, aucun
nom ne doit s'en détacher. Les fonctions doivent être remplacées
par des mandats (temporaires), les fonctionnaires par des délégués,
contrôlés et révocables à tout moment. Les institutions
d'une organisation sont notre seul rempart contre nous-mêmes et c'est
à elles que nous devons bien faire attention, car l'homme est un loup
pour l'homme.
14 juin 2000.
Dans ses textes, Lénine présente le passage du socialisme au
communisme comme le résultat des habitudes prises par les habitants
sous la dictature du prolétariat : en somme, l'Etat impose ce qu'il
considère comme des " vertus ", et le peuple finit par appliquer
ces vertus par réflexe
Mais n'est-ce pas là la description
exacte de ce qu'est l'aliénation ? Pour que la liberté soit
pleine, il faut que les hommes aient pleine conscience de leurs actes et qu'ils
les revendiquent. La liberté, c'est hic et nunc. Sinon, cela revient
à dire d'une part que les hommes ne sont pas capables d'appréhender
la liberté, et donc qu'une minorité doit la leur imposer
parce que si l'Etat était vraiment le peuple tout entier, il s'imposerait
des principes à lui-même, ce qui reviendrait à dire qu'il
est capable de gérer ses actions lui-même, et donc que l'Etat
est inutile. L'expression " Etat populaire " est un oxymore
Celui-ci est obligatoirement tenu par une minorité : la phase de transition
est-elle une conception élitiste de la Révolution ?
Non, car je veux bien entrevoir la dictature du prolétariat comme une
abolition de l'aliénation : mais celle-ci passe par une prise de conscience
de la réalité par les hommes, et pour cela rien ne doit être
imposé, car la contrainte est l'ennemie de la liberté et qui
dit contrainte suppose que l'unanimité n'est pas faite sur un certain
point
Or, c'est le peuple qui a toute légitimité, et non
une pseudo avant-garde !
Pour la même raison que pour les institutions du Parti, les hommes doivent
dresser un rempart contre eux-mêmes : et ce rempart est la dictature
du prolétariat. Problème délicat à cause de la
notion de dictature et de la nature de l'Etat, mais je ne crois pas tant que
ça aux réflexes démocratiques spontanés des masses
: le peuple agit comme démocrate aussi longtemps qu'il est opprimé,
mais si le Parti peut lui permettre d'échapper à la misère
et à l'oppression par un autre moyen que le renversement des structures
existantes, il ne s'en privera pas.
Les réflexes individualistes des hommes se manifestent partout.
Je crois ainsi que la seulé idéologie qui convienne à l'homme, c'est celle de l'individualisme aristocratique. Seule la " bonne conscience " de l'homme lui permet d 'échapper à ses pulsions, ou sauf des institutions offrant un cadre précis, telle la dictature du prolétariat aujourd'hui sans doute, bien que sur un autre chemin, j'en reviens à la notion de nécessaire aliénation.
14 juin 2000.
Pourquoi le marxisme est-il une science ? Parce que le propre de la science,
c'est d'énoncer les lois fondamentales qui régissent son objet
d'étude
Le marxisme, quant à lui, énonce les lois
de l'Histoire : comment l'Humanité évolue et dans quel sens
elle doit aller. L'Histoire, c'est l'histoire de la lutte des classes
Le marxisme est donc la science par excellence, car l'Histoire englobe toutes
les autres sciences. Le marxisme est LA science humaine, la science de la
liberté et de la libération.